Vietnam : Gâteau au manioc (Bánh khoai mì)

Voici un gâteau très apprécié dans le sud du Vietnam à base de manioc, de lait de coco et de haricot mungo, le bánh (=gâteau) khoai mì (=manioc) nướng (=grillé vs. hấp = à la vapeur). Vendu par des marchandes de rue dans le sud du Vietnam, on le déguste à toute heure de la journée, et c’est encore meilleur avec une tasse de thé. Pour les Vietnamiens expatriés, c’est une réelle joie de savourer un petit goût de nostalgie, une petite douceur délicatement parfumée au lait de coco, moelleux et tendre à souhait, voire « réconfortant » comme on lit souvent en ce moment. Alors à défaut de pouvoir en trouver facilement dans la rue, lorsqu’on vit loin du pays, il faut mettre la main à la pâte pour en avoir… Et cette petite gourmandise exquise en vaut vraiment la peine…

D’abord, connaissez-vous le manioc ?

Tubercule portant le même nom que l’arbuste, le manioc riche en glucide et sans gluten, ne se mange jamais cru car toxique mais devient comestible et nourrissant dès qu’il est cuit. Il existe deux variétés : une variété amère destinée à la fabrication du tapioca, et une variété douce propre à la consommation et à la production de farine, fécule…

Originaire des Amériques centrale et du sud, le manioc s’est exporté en Europe et en Afrique vers le XVIIe. siècle. S’adaptant bien aux conditions de sécheresse, l’Afrique a adopté le manioc pour en faire un de ses aliments nourrissants de base et devient même le plus gros producteur avec 55% de la production mondiale (dont le Nigéria qui détient la plus grosse production). Mais l’Asie n’est pas en reste, avec 31% de la production mondiale et c’est la Thaïlande qui est la championne de l’exportation pour le continent asiatique, et la Chine comme meilleure importatrice en Asie (source CNUCED Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement, fiche produit sur le manioc, chiffres de 2010).

Long de 30 à 80 cm, le manioc de forme cylindrique possède une écorce dure et rugueuse comme celui du bois, détachable laissant apparaître une chaire dure et blanche ou jaunâtre. Le cœur de la tubercule, partie comestible, devient tendre comme la pomme de terre après cuisson. Râpé ou utilisé sous forme de fécule, il offre du moelleux et de l’élasticité aux pâtisseries ou aux préparations avec de la farine de riz (vermicelles de riz, pâtes à raviolis vietnamiens, etc).  C’est à partir du manioc, qu’on obtient la fécule de tapioca.

Au Vietnam, le manioc est surtout utilisé dans les desserts (entremets de bananes au lait de coco, chuối chưng), à quelques rares exceptions près (comme par (exemple, le bánh khoai mì cay = gâteau piquant au manioc à base de poudre curry et piment). Les Vietnamiens apprécient sa texture farineuse (bùi bùi) et son élasticité dans les pâtisseries (dẻo ou anglais, proche de la texture « chewy »). Le gâteau au manioc vietnamien illustre parfaitement cette texture recherchée, au bon goût de lait de coco et parfumé à la vanille. Il existe plusieurs recettes vietnamiennes pour confectionner ce gâteau, au choix et selon goût, avec ou sans : pâte de haricots mungo; pulpe fraîche de coco râpée; vieux coco sec râpé (comme on en trouve en France en sachet pour la pâtisserie); lait concentré sucré; oeuf(s); beurre; farine de blé; fécule de tapioca… Mais la base commune de cette recette est la présence du manioc frais râpé, du lait de coco (pressé à partir de pulpe de coco fraîchement râpé, ou en boîte de conserve – plus gras et épais), du sucre et de la vanille.

Voici ma recette du bánh khoai mì nướng ou gâteau au manioc vietnamien.

Pour un moule carré de 20 cm x 20 cm (mais un moule à manqué sera très bien aussi). Préparation : 30 mn. Pré-trempage : 1 heure pour les haricots mungo / 2 ou 3 heures pour le manioc frais non surgelé. Cuisson : 20 mn + 1h

Ingrédients :

  • 450 g de manioc râpé (surgelé, en sachet, dans les supermarchés asiatiques – c’est très pratique)

  • 150 ml de lait de coco
  • 120 g de sucre (ou plus si vous aimez très sucré)
  • 50 g de haricots mungo
  • 1 cuillère à soupe bombée de fécule de tapioca

  • 1 cuillère à soupe de lait concentré sucré
  • 1 cuillère à café d’extrait de vanille
  • 1 grosse pincée de sel

Préparation :

Si on ne trouve pas de manioc râpé surgelé, procéder ainsi :

  • Couper la tubercule de manioc en gros tronçons pour faciliter l’épluchage de l’écorce. Ôter une bonne épaisseur d’écorce et la partie fibreuse en-dessous. Garder le cœur (partie blanche) et faire tremper dans l’eau avec un peu de sel pendant quelques heures. Cela permet d’éviter le noircissement du manioc car il noircit rapidement au contact de l’air. Puis râper finement les morceaux de manioc. À l’aide d’une mousseline ou d’une torchon de cuisine, presser une portion de manioc râpé au-dessus d’un récipient, recueillir le « jus » et réserver le manioc pressé dans un autre récipient. Procéder ainsi qu’à la fin de la quantité de manioc indiquée. Laisser reposer le « jus » de manioc une heure et filtrer l’eau pour ne garder que le dépôt au fond du récipient pour le réintégrer dans la pâte à gâteau avec le manioc râpé. D’où l’avantage du manioc râpé surgelé… quand on peut en trouver ! 

Si on trouve du manioc râpé surgelé (dans les magasins Paristore ou Tang Frères au rayon surgelés), procéder comme suit :

  • Décongeler le sachet de manioc râpé (environ 450 g). Mettre le manioc décongelé dans un grand récipient. Réserver.

  • Faire tremper les haricots mungo décortiqués (jaune) dans l’eau pendant 1 heure. Cuire à la vapeur ou à l’eau (ajouter 1 cm d’eau au-dessus du niveau de haricots mungo) pendant 20 minutes. La cuisson à l’eau nécessite une surveillance régulière pour que le fond n’attache pas.

  • Réduire les haricots mungo en purée fine.

  • Préchauffer le four à 200°C (Th. 6/7). Graisser le moule avec soit du beurre, soit de l’huile végétale neutre (tournesol, arachide…).
  • Dans un récipient ou verre doseur, bien mélanger le lait de coco et la purée de haricots mungo. Verser le mélange sur le manioc.
  • Ajouter le sucre, le lait concentré sucré, l’extrait de vanille, la fécule de tapioca et la grosse de pincée de sel. Mélanger vigoureusement.

  • Verser la préparation dans le moule et enfourner à mi-hauteur à 180°C (suivant votre four) pendant 1 heure. Pour avoir une belle surface dorée, on peut donner un petit coup de gril pendant 3 minutes en fin de cuisson (à surveiller pour ne pas brûler le gâteau!).

  • Sortir le gâteau et laisser refroidir avant de démouler. Pour la présentation, couper des petits morceaux de gâteau en forme de losange. Ce gâteau au manioc étant un peu bourratif mais ô combien délicieux, de petites parts sont plus indiquées qu’une part habituelle de gâteau…

À déguster tiède, c’est meilleur… Le lendemain, réchauffez le gâteau quelques secondes au four à micro-ondes ou bien quelques minutes au four, juste le temps de le tiédir, vous profiterez de tout son incroyable moelleux ! Avec une bonne tasse de thé, c’est le goûter parfait ! Bonne dégustation !!! 

Gâteau vapeur aux haricots mungo et feuilles de pandanus (Bánh da lợn)

Après le flan vietnamien au lait de coco, Bánh gan, et son nom étrange (littéralement en français, gâteau de foie), voici une autre douceur vietnamienne avec un nom encore plus appétissant… Bánh da lợn ou littéralement Gâteau de peau de porc…  Oui, il vaut donc mieux s’abstenir de traduire sous peine d’en dégoûter plus d’un. Et cela serait bien dommage car ce gâteau à la vapeur est absolument délicieux !

Mais pourquoi attribuer un tel nom alors que les Vietnamiens sont de grands poètes dans l’âme et possèdent tous un prénom avec une belle signification ? Sans doute l’humour. Les noms évoquent souvent une texture ou une ressemblance avec une viande ou un abats… Pour ce gâteau à la vapeur Bánh da lợn, la ressemblance est simplement liée à la poitrine de porc avec ses couches successives de viande et de gras…Il fallait y penser ! En voici un autre exemple, le gâteau à la vapeur au lait de coco, Bánh bò ou littéralement Gâteau de bœuf (parce qu’ils ont la texture d’un foie de bœuf… Eh oui!) ou encore Bánh Lổ Tai Heo ou littéralement Gâteau Oreilles de Porc ! Un nom alléchant, n’est-ce pas ? Et pourtant, point de porc évidemment dans ces biscuits, fort bons par ailleurs, et qui ressemblent (de très loin) à la forme et au croquant des oreilles de porc… Eh oui, l’humour vietnamien douteux ? Certes. Mais les douceurs sont si exquises qu’il serait dommage de bloquer sur le nom sans goûter à ces petites merveilles.

Ce gâteau à la vapeur, Bánh da lợn, serait originaire du sud du Vietnam. Pourtant son nom est plutôt du nord (lợn = porc, terme utilisé dans le Nord du Vietnam vs. heo dans le Sud). Les ingrédients tels que le lait de coco et les feuilles de pandanus sont assez répandus dans les desserts du sud du Vietnam et des pays voisins comme le Cambodge, le Laos, la Thaïlande. Il existe d’ailleurs ce même type de gâteau en Asie du Sud-Est. Les Vietnamiens l’apprécient beaucoup, les enfants en particulier. L’alternance des couleurs vertes et jaunes fascinent toujours. Le vert tendre si caractéristique provenant de la feuille de pandanus, son parfum particulier d’herbe fraîchement coupée et d’amande vanillée (dont l’usage est équivalent à la vanille ici), et la pâte de haricots mungo sont très présents dans les plats vietnamiens sucrés. Et la texture gommeuse et souple comme la guimauve plaît énormément aux palais asiatiques.

Lorsque j’étais enfant, ma couleur préférée était le vert. Imaginez mon bonheur avec toutes ces pâtisseries vertes à disposition ! Le Bánh da lợn, un de mes gâteaux favoris, m’émerveillait toujours avec ses jolies couches de vert et de jaune successives. Je prenais un malin plaisir à détacher consciencieusement chaque couche avant de manger. Ce qu’il ne faut pas faire ! Je mâchais les morceaux en imaginant un chewing-gum exotique, essayant même de faire des bulles… Horreur ! Honte à moi ! Si les adultes savaient cela ! En grandissant, j’ai cessé ces jeux enfantins, mais j’ai conservé le plaisir entier d’en savourer.

Voici la recette du gâteau aux haricots mungo et extrait de feuilles de pandanus à la vapeur, Bánh da lợn.

Préparation : 45 minutes. Trempage des haricots mungo : 2 heures. Cuisson : 5 à 10 minutes par couche de gâteau + 20 minutes pour les haricots mungo.

Ingrédients :

  • 250 g de farine de tapioca
  • 50 g de farine de riz
  • 1 litre de lait de coco dilué soit 400 ml de lait de coco en boîte + 600 ml d’eau, soit 250 g de coco râpé + 1 litre d’eau chaude à presser et filtrer avec une mousseline.
  • 100 g de haricots mungo décortiqués
  • 6 feuilles fraîches de pandanus (environ une botte au rayon frais dans les supermarchés asiatiques Tang Frères ou Paristore à Paris) OU 1+1/2 cuillère à café d’essence de pandanus. Avec l’essence de pandanus, le goût ne sera pas aussi bon et subtil que celui des feuilles fraîches !
  • 220 g de sucre blanc en poudre
  • 1 sachet de sucre vanillé
  • 1/2 cuillère rase à café de sel fin
  • 1/3 cuillère à café de colorant alimentaire NATUREL vert en poudre (j’utilise la marque Scrap Cooking à base de chlorophylle)
  • Huile neutre pour graisser les moules

Matériel :

  • Une grande marmite à vapeur (couscoussier ou marmite à vapeur asiatique à étage, large avec des gros trous à chaque étage)
  • Moules en silicone, moules simples ou avec formes pour varier.
  • 1 torchon propre pour le couvercle de la marmite (pour éviter les gouttes de vapeur dans le gâteau)

Préparation :

  • Laver et faire tremper les haricots mungo pendant 2 heures.
  • Dans une petite casserole, mettre à cuire les haricots mungo pré-trempés dans de l’eau qui arrive un peu au-dessus de la surface des haricots. Dès ébullition, réduire à feu doux et poursuivre la cuisson pendant environ 20 minutes. Ne pas couvrir et surtout bien surveiller la cuisson en remuant de temps en temps.
  • Laisser tiédir puis à l’aide d’un presse-purée ou le dos de la cuillère, écraser complètement les haricots mungo jusqu’à obtenir une pâte. Réserver.

  • Bien laver les feuilles de pandanus fraîche. Couper en petits tronçons dans un mortier et piler. Filtrer à travers un chinois en écrasant encore pour extraire le plus possible le jus des feuilles de pandanus. Sinon, mixer avec un peu d’eau, par petites quantités, en ajoutant les tronçons de feuilles au fur et à mesure. Filtrer avec un chinois (= passoire conique à maillage très fin) pour récupérer l’extrait bien vert des feuilles fraîches de pandanus.

  • Option 1 / version rapide avec le lait de coco en conserve (boîte de 400 ml) : Diluer avec 600 ml d’eau chaude.
  • Option 2 / version plus longue et locale avec la noix de coco râpée : À l’aide d’une mousseline (tissu aux maillages très serrés et fins), mettre les 250 g de noix de coco râpée et 1/2 litre d’eau chaude. Presser pour filtrer et récupérer le lait de coco dans un récipient. Dans le 2ème récipient, refaire la même opération, avec la noix de coco râpée déjà pressée et ajouter encore 1/2 litre d’eau chaude. Presser une nouvelle fois pour filtrer dans un autre bol. Le lait sera plus dilué pour mélanger avec l’extrait de feuilles de pandanus. Cette opération permet d’avoir une couche plus translucide que la couche jaune avec les haricots mungo.
  • Verser 220 g de sucre + 1/2 cuillère à café de sel dans le lait de coco tiède. Mélanger jusqu’à complète dissolution. Si option 2 / version longue avec pressage et filtre du lait de coco, diviser la quantité en deux pour chaque bol.
  • Dans chacun des deux récipients ou grands bols, mettre 125g de farine de tapioca + 25g de farine riz et mélanger.
  • Diviser la quantité de lait de coco + sucre, et verser 1/2 litre (500 ml) dans chacun des deux récipients / bols. Il y aura ainsi 1 récipient pour la couche jaune avec les haricots mungo + 1 autre pour la couche verte avec l’extrait de feuilles de pandanus.
  • Récipient 1 / couche jaune : Mélanger les farines avec le lait de coco (si option 2 / version longue, verser dans la 1ère pression du lait) avec la pâte de haricots mungo et la vanille. Idéalement, il faudrait filtrer une 2ème fois au chinois pour obtenir une pâte lisse. Car il reste toujours de petits bouts de haricots mungo. C’est ce que je fais, mais ce n’est pas obligatoire.

  • Récipient 2 / couche verte : Mélanger les farines avec le lait de coco avec l’extrait (ou essence) de feuilles de pandanus, avec le colorant alimentaire naturel vert pour obtenir un joli vert (si option 2 / version longue, mélanger avec la 2ème pression du lait).
  • Chauffer l’eau du couscoussier ou de la marmite à vapeur. Huiler les moules. Recouvrir le couvercle avec un grand torchon de cuisine pour éviter que l’eau ne coule dans la préparation pendant la cuisson.
  • Dès ébullition, mettre les moules dans la marmite, verser une couche verte d’environ 1/2 cm d’épaisseur. Refermer aussitôt avec le couvercle protégé d’un torchon de cuisine. Laisser cuire 5 à 10 minutes environ (on peut soulever au bout de 5 minutes de cuisson pour vérifier l’état du gâteau). La couche verte doit être souple mais bien cuite avant de verser la 2ème couche par-dessus. Sinon cela va se mélanger.

  • Verser une couche jaune de 1/2 cm par-dessus la couche verte cuite. Refermer aussitôt et laisser cuire environ 5 minutes. Si la pâte se gélifie et devient opaque, c’est cuit. On verse alors la 3ème couche, une verte de 1/2 cm, par-dessus la couche jaune cuite. Refermer avec le couvercle et vérifier la cuisson au bout de 5 minutes. Poursuivre la cuisson si nécessaire jusqu’à 10 voire 15 minutes par couche selon l’épaisseur des couches. Remarque : la couche verte cuit plus longtemps que la couche jaune parce qu’elle est plus liquide.

  • Répéter l’opération jusqu’au bout des mélanges ou des moules. Terminer si possible avec une couche verte. En ce qui me concerne, cette fois-ci (voir photo) j’ai choisi de favoriser les couches avec la pâte de haricots mungo…et donc moins de couches vertes que de couches jaunes.
  • Une fois toutes les couches cuites, sortir les moules de la marmite. Laisser refroidir avant de démouler. Les moules en silicones sont parfaits pour ce gâteau.

Et voilà de jolis petits gâteaux vietnamiens à la vapeur, souple comme de la guimauve, au doux parfum de feuilles de pandanus et au bon goût de haricots mungo et de lait de coco, à déguster avec un thé ou simplement comme une friandise !