Vietnam : Pickles de germes de haricots mungo (dưa giá)

Ma semaine de cuisine vietnamienne se poursuit avec les délicieux pickles de germes de haricots mungo (en vietnamien, dưa giá – des germes de haricots mungo marinés au vinaigre et gingembre) pour accompagner le fameux banh tet du nouvel an et le porc au caramel pour le repas du Têt vietnamien.

Dans la cuisine du Vietnam, on privilégie autant les saveurs, les parfums, les textures que les couleurs des mets. On mange avec son palais, son nez et ses yeux. L’harmonie tient à la variété de ces quatre critères. Le sucré-salé omniprésent dans les plats vietnamiens s’explique par l’équilibre du yin (salé) et du yang (sucré). Dans certains plats, on équilibre avec l’aigre-doux, parfois l’amertume, et souvent le piquant. Les différentes textures se côtoient dans les plats servis : fondant, moelleux, gélatineux, coriace ou gommeux, croquant, croustillant, filandreux, Enfin, les couleurs ont une grande importance aussi, couleurs chaudes alternent avec couleurs froides.

Toutes ces caractéristiques se retrouvent dans les plats du nouvel an. Le fondant et filandreux porc au caramel (sucré-salé) est rééquilibré avec le moelleux du banh tet (plutôt fade si l’on mange tel quel), et le croquant des légumes marinés en saumure (salés pimentés) et des pickles de germes de haricots mungo (aigre-doux). Quant aux couleurs, les légumes ont la part belle : les légumes en saumure (carottes coupées en forme de fleurs, concombres en bâtonnets, choux-fleurs, piment rouge, etc) et les pickles de germes de haricots mungo (germes de haricots mungo, vert du poireau et parfois carottes en julienne) ornent le repas de jolies couleurs et de jolies formes.

Lorsqu’il n’y a pas de légumes en saumure, on agrémente les pickles de haricots mungo de carottes en julienne pour le goût et la couleur chaude. Différentes recettes aujourd’hui convergent d’ailleurs vers cette option, ajout de carottes, avec oignon ou ail ciselé et piment mais sans gingembre. A la maison, les légumes marinés en saumure (dont je ne traiterai pas cette année) avaient leur place à notre table. Ainsi, les pickles de germes de haricots mungo se préparaient sans autres artifices qu’avec le vert du poireau et le gingembre. Et la variété des couleurs étaient bien respectée. C’est donc la recette simple sans carottes que je vous propose ci-dessous, telle qu’on le faisait dans mon enfance.

Pickles de germes de haricots mungo (dưa giá)

Pour 3 grands pots (de contenance d’un peu plus de 1/2 litre – grand pot à cornichons)

Ingrédients :

  • 500 g de germes de haricots mungo (ou plus connu sous le nom de germes de soja)
  • 1 branche de poireau (utiliser seulement la partie verte)
  • Gingembre frais : 1 morceau de 3 cm
  • 1/2 litre de vinaigre blanc
  • 1 litre d’eau chaude
  • 500 g de sucre blanc en poudre
  • 1,5 cuillère à de café sel

Préparation :

  • Rincer puis faire tremper les germes de haricots mungo dans un grand récipient. Enlever les capuchons verts des têtes de haricots mungo. En trempant les germes et en remuant, la plupart des capuchons verts se détachent. Trier les germes et jeter ceux qui sont abîmés. Les égoutter dans une passoire. Réserver.
  • Peler le morceau de gingembre. Puis hacher finement.
  • Couper la tige de poireau et n’utiliser que la partie verte. Supprimer les vieilles feuilles. Laver, nettoyer, puis couper en fines lamelles de la longueur d’un germe de soja (soit à peu près la longueur de 2 phalanges de doigts). Mélanger à la main de façon homogène avec les germes de haricots mungo et le gingembre haché. Réserver.
  • Faire chauffer l’eau dans une casserole sans attendre l’ébullition. Verser le sucre et le sel et mélanger. L’eau chaude permet de bien dissoudre le sucre et le sel. Laisser tiédir.
  • Puis verser le vinaigre blanc dans l’eau sucrée. Réserver.
  • À la main, remplir entièrement les 3 pots en verre avec le mélange de germes de haricots mungo et de lamelles de poireaux. Veiller à ne pas trop casser les germes en les mettant dans les pots, mais ne pas hésiter à pousser vers le fond du pot. Au fur et à mesure du remplissage, secouer le pot pour mieux les répartir sans les casser.
  • Verser la marinade dans les trois pots en veillant bien à immerger complètement le contenu. Fermer hermétiquement les pots et les garder au frais. Attendre au minimum 24h avant de consommer. Avec la marinade au vinaigre, les germes vont se réduire un peu, c’est normal. Conservés au frais, ils se gardent une semaine une fois ouvert.

Astuces et variantes :

  • Si vous n’avez pas de pots en verre disponibles, vous pouvez également faire cette préparation dans une boîte hermétique ou tout contenant se fermant avec un couvercle.
  • Pour adapter à la taille de vos contenants, vous pouvez préparer la marinade comme suit : 1 dose de vinaigre, 1 dose de sucre, 2 doses d’eau chaude et 1/2 cuillère à café de sel / 500 ml de liquide.
  • Si vous le souhaitez, vous pouvez rajouter 1 poignée de carottes en julienne, 1/2 oignon ciselé ou 2 gousses d’ail ciselées, du piment rouge frais ciselé. C’est ce qui se fait aujourd’hui.

Voilà de délicieux et rafraîchissants pickles de germes de haricots mungo aigre-doux au subtil parfum de gingembre, simples à faire, pour accompagner agréablement le porc au caramel et le banh tet (ou banh chung) du repas du nouvel an vietnamien !

Vietnam : Banh Tét du Sud (Gâteau du nouvel an)

Chúc mừng năm mới quý tỵ 2013 ! Bonne année du Serpent (d’eau) 2013 !

À l’occasion du nouvel an vietnamien (en vietnamien Tết Nguyên Đán, ou littéralement Fête du premier jour de l’année), j’aimerais partager avec vous une des recettes du gâteau de riz gluant au porc, le mets incontournable et symbole culinaire du nouvel an vietnamien, qui se déguste traditionnellement avec un plat de viande (le porc), des accompagnements de type pickles (aromates ou légumes aigre-doux) ou des légumes en saumure. Sans aborder les traditions du Têt ou légendes culinaires (les informations détaillées très bien expliquées en abondent actuellement sur l’internet), j’aimerais vous présenter très succinctement les différentes façons de préparer le gâteau de riz gluant au porc, le riz, la farce et la cuisson selon les régions (ou familles), en préambule à ma recette.

La forme du gâteau :

Dans le Nord du Vietnam, on confectionne de délicieux banh chung (en vietnamien, bánh chưng), de forme carré (symbole de la Terre car les anciens croyaient que la terre était plate), à base de riz gluant (ou riz glutineux), de graines de haricots mungo et de poitrine de porc, le tout enveloppé dans des feuilles de dong (de la famille de l’arrow-root, très difficile voire impossible à trouver en France) ou par défaut, dans des feuilles de bananier.

Dans le Sud (mais aussi dans le Centre), on confectionne de succulents banh tet (en vietnamien, Bánh tét), de forme cylindrique (symbole du ciel et de la fécondité), avec les mêmes ingrédients que le banh chung, souvent agrémentés d’oignon, d’épices, de jus de coco, etc, selon goût. Entre autres, il existe aussi une version sucrée à base de bananes ou encore, une version végétarienne à base de haricots noirs, enveloppés dans des feuilles de bananier. Sans parler des variantes spéciales dont le Sud raffole, avec de la saucisse chinoise lâp xuong et des crevettes séchées, ou même des versions végétariennes colorées aux trois couleurs (Bánh tét ba maù), etc.

Cependant, pas de clivage culinaire régional : dans tout le pays, le banh chung et le banh tet se dégustent aussi bien au Nord comme au Sud.

La préparation du riz gluant (riz glutineux) :

La préparation du riz gluant peut se faire de différentes manières. Le riz gluant doit d’abord être lavé plusieurs fois, avant d’être trempé dans l’eau durant une nuit (ou minimum 12h). Dans le Nord (et parfois dans le Sud), il est traditionnellement utilisé comme tel après égouttage, mélangé à un peu de sel, pour recouvrir la farce du gâteau. Dans le Sud, certains trempent le riz gluant dans l’eau mélangée aux feuilles de pandanus mixées et filtrées qui offrent un parfum subtil et un beau vert tendre. Mais plus souvent, le jus de feuilles de pandanus est ajouté seulement lors de la pré-cuisson du riz. On le fait revenir dans une poêle pendant une dizaine de minutes, parfois avec du jus de coco, avant de l’utiliser pour mettre la farce. Cette étape facultative permet de faire gonfler les grains de riz, de bien faire pénétrer dans le riz les saveurs, parfum et couleur des feuilles de pandanus, et de réduire la cuisson des gâteaux.

La garniture : 

Les haricots mungo : Les graines ayant trempées une nuit ou quelques heures (minimum 2 heures), s’utilisent soit directement sans cuisson, soit plus usuellement cuites à l’eau ou à la vapeur puis réduites finement en purée (Nord et Sud), et parfois avec adjonction d’oignons verts ou pas, avec du jus de coco ou pas (pour la version végétarienne ou sucrée, Sud).

La viande de porc utilisée est principalement la poitrine de porc, au Nord comme au Sud. Cependant, dans le Sud, la viande choisie est souvent plus grasse, voire parfois des tranches de gras. Avec marinade (Sud) ou pas (Nord). Tout est question de goût.

La cuisson du gâteau salé :

Concernant la cuisson, il y a deux écoles : la cuisson traditionnelle à l’eau ou la cuisson à la vapeur. La cuisson à l’eau est plus délicate et demande un certain savoir-faire, en particulier pour l’emballage du gâteau qui doit être étanche.

Les accompagnements du Nord, du Centre et du Sud sont également différents : le plat de viande (le Thịt đông dans le Nord qui est une sorte de fromage de tête avec du jambonneau, des parties du porc en morceaux, de la couenne, de l’oignon et des carottes, en gelée; ou le Thịt kho trứng (recette ici), le porc au caramel servi dans le Sud et dans le Nord), les pickles d’oignons verts (dưa hành, Nord), les pickles de légumes en saumure (dưa món) ou bien les pickles de germes de haricots mungo et poireaux (dưa giá, Sud, recette ici), etc.

Voyez comme du simple gâteau de riz gluant au porc du Têt, d’après la multitude de méthodes de réalisation, il nous est très difficile d’en distinguer LA recette authentique. Comme toujours, chaque famille a aussi son secret de fabrication.

Issue d’une famille originaire du Sud du Vietnam, je vous propose ici la recette du banh tet comme je le fais.

Recette du banh tet (Bánh tét).

Pour 2 banh tet. Préparation : Trempage 1 nuit + 1h. Cuisson : 5 à 6 heures.

Ingrédients :

  • 500 g de riz gluant (riz glutineux)
  • 200 g de haricots mungo décortiqués
  • 150 g de poitrine de porc (bien grasse)
  • 1/2 cuillère à café de sel (pour le riz gluant) + 1 grosse pincée de sel pour la purée de haricots mungo
  • Facultatif : 3 feuilles de pandanus mixées avec 1/2 bol d’eau, puis filtrées

Marinade de la viande :

  • 1 cuillère à soupe de nuoc mam (sauce de poisson en saumure vietnamienne – j’utilise toujours la marque Phu Quôc)
  • 1 pincée de sucre
  • 1/2 échalote finement hachée
  • 2 tours du moulin de poivre

Matériel :

  • 3 grandes feuilles de bananiers (couper 6 grands carrés d’environ 30 x 30 cm si possible)
  • Feuilles d’aluminium
  • Ficelles

Préparation :

  • La veille : Laver et rincer le riz gluant trois fois. Faire tremper une nuit.
  • Couper la poitrine de porc en longues lamelles moyennement épaisses (veiller à ne pas supprimer le gras !). Préparer la marinade avec le nuoc mam, sucre, poivre et échalote hachée, puis verser sur la viande. Mélanger puis réserver au frais.
  • Le jour J : Laver et rincer les graines de haricots mungo décortiquées. Tremper 2 heures minimum dans l’eau tiède. Rincer puis égoutter. Cuire les graines de haricots mungo à la vapeur pendant 20 minutes. Hors du feu, utiliser un presse-purée pour réduire les graines de haricots mungo en purée dans un grand bol. Ajouter une grosse pincée de sel. Mélanger. Puis réserver.
  • Rincer et égoutter le riz.
  • Dans un mixer blender, mixer les 3 feuilles de pandanus coupées en petits morceaux avec un 1/2 bol d’eau. Filtrer avec une passoire très fine (un chinois) et recueillir le jus dans le bol.
  • Dans une grande poêle, faire revenir le riz gluant avec le 1/2 bol de jus de feuilles de pandanus et la 1/2 cuillère à café de sel, à feu vif pendant 2-3 minutes, puis à feu moyen-doux pendant 5-10 minutes maximum, sans cesser de remuer. Cette opération permet de faire imprégner le jus de feuilles de pandanus dans le riz, de le colorer très légèrement en vert pâle, et de l’aider à bien gonfler et réduire ainsi le temps de cuisson de 8h à 5 ou 6h. (Certains ajoutent du jus de coco, mais personnellement je choisis de ne pas en mettre). Le riz ne doit pas être cuit, mais seulement pré-cuit. Réserver.

Préparation des feuilles de bananier & emballage des banh tet (étape longue et difficile à expliquer) :

  • Couper 4 ficelles par gâteaux au minimum, soit 3 ficelles pour attacher sur la longueur du rouleau, et 1 longue ficelle pour attacher les deux bouts.
  • Avant de poser les feuilles de bananier nettoyées, veiller à mettre une ficelle au milieu à la verticale.
  • Laver et nettoyer délicatement avec une chiffon propre pour sécher les feuilles de bananier. Préparer les feuilles (choisir les plus larges possibles) en découpant des carrés d’environ 30 x 30 cm si possible. Sinon selon la taille de la feuille, découper des rectangles de 25 x 30 cm.
  • Préparer 4 x 2 bandes de feuilles de bananier de format 7 x 20 cm. Prévoir ainsi 2 bandes pour fermer chaque bout de gâteau.
  • Réserver 3 feuilles découpées par gâteau.
  • Feuille 1 : Face interne (non brillante) de la feuille vers soi, lignes de nervures de la feuille horizontales. N.B. Poser sur la ficelle de façon à pouvoir réunir après enveloppe du gâteau, les deux bouts de ficelles et attacher le rouleau.
  • Feuille 2 : Superposer la 2ème feuille, face interne vers soi, lignes de nervures de la feuille verticales. Si c’est un rectangle, superposer en croix.
  • Feuille 3 : Déposer la dernière feuille, face externe (brillante) vers soi, lignes de nervures de la feuilles horizontales. Cette face brillante de la feuille permettra une meilleure pénétration de sa couleur sur le riz. Le fait de respecter le positionnement des lignes de nervures permet d’éviter que les feuilles ne se déchirent.
  • Étaler la moitié de quantité de riz sur les feuilles superposées, à l’aide d’une cuillère en bois. Former une couche carrée de riz d’une épaisseur de 1,5 cm environ. Laisser un peu de marge en bordure de la feuille.
  • Étaler une couche horizontale de purée de haricots mungo au milieu du riz.
  • Déposer les lamelles de viande de porc sur la couche horizontale de haricots mungo.
  • Recouvrir les lamelles, de purée de haricots mungo. Presser pour adhérer en formant un long boudin.
  • Saisir les deux bords de feuilles (en bas / en haut – face à soi), les réunir délicatement pour former un rouleau avec la couche de riz, presser légèrement pour adhérer le riz et rouler un peu la garniture pour former un rouleau.
  • Maintenir toujours les deux bords de feuilles, fermer, plier / rouler vers l’extérieur pour coincer les feuilles, puis rouler progressivement (toujours dans le sens opposé à soi) jusqu’à fermer complètement le gâteau. D’une main, maintenir les feuilles réunies roulées, de l’autre main, réunir les deux bouts de ficelles, puis attacher fermement le rouleau de riz en son milieu.
  • En principe, il doit rester environ 5 cm de bordure de chaque côté. Plier un des bouts du gâteau comme un paquet cadeau, puis le mettre debout pour coincer le fond. Si les feuilles dépassent les 5 cm de bordures, couper net ce qui dépasse pour faciliter le pliage. Puis plier les feuilles comme un paquet cadeau, de manière à fermer complètement le gâteau. Prendre la bande 1 et recouvrir le bout en son milieu. Coincer avec une main. Superposer la bande 2 en croix (en quinconce) en son milieu. Ficeler et attacher fermement. (Idéalement, il faudrait avoir 3 ou 4 mains… quand on n’est pas expérimenté…:-)).
  • Retourner le gâteau et le mettre à la verticale en le posant sur le bout fermé et ficelé. Faire de même, en coupant les feuilles qui dépassent de 5cm, plier et fermer comme un paquet cadeau, poser les les bandes 3 et 4 en crois pour fermer le bout, ficeler pour attacher les bandes.
  • Tapoter le gâteau roulé pour répartir de façon homogène le riz gluant et pour obtenir un rouleau parfait. En dernier lieu, ficeler les deux bouts en croisant les ficelles déjà attachées.
  • Au choix, recouvrir le gâteau roulé dans une feuille d’aluminium pour rendre le tout étanche.
  • À ce stade, si vous avez tout compris sans photos, BRAVO, cela sera de l’ordre du miracle ! 😉

La cuisson : Entre 5 et 6 heures dans l’eau.

  • Dans une grande marmite haute (contenance de 6 à 8 litres), porter l’eau à ébullition. Mettre les deux banh tet en totale immersion. Attendre une nouvelle ébullition avant de réduire à feu doux en maintenant un petit frémissement, couvrir, et laisser cuire pendant 5 à 6 heures. Surveiller bien le niveau d’eau qui doit toujours dépasser la surface des banh tet. Si besoin, rajouter de l’eau chaude.
  • Après cuisson, sortir les banh tet, nettoyer et rincer immédiatement à l’eau froide, laisser tiédir avant de servir.

Astuces et conseils :

  • Pour couper le banh tét (ou banh chung), enlever les feuilles de bananier (attention ça colle !) et découvrir le banh tet, utiliser le fil alimentaire en entourant le banh tet et croiser pour trancher (environ 2 cm d’épaisseur).
  • Réchauffer le banh tet : À la vapeur ou poêlé !
  • À déguster aussi avec du nuoc mam pur non dilué, et/ou parsemé d’un peu de sucre ! C’est étrange, mais délicieux !
  • Le banh tet se conserve très bien 1 semaine à 10 jours au frais.

Et voilà… que de sueurs pour confectionner ce délicieux plat, mais quelle joie et satisfaction de pouvoir déguster ses propres banh tet bien savoureux, accompagné de l’exquis porc au caramel (ici) et de pickles de germes de haricots mungo (ici), comme dans le Sud du Vietnam !

Chine : Oeufs marbrés au thé noir

J’ai une chance inouïe d’avoir grandi dans une famille vietnamienne ouverte sur les cultures du monde, et en particulier dans le domaine de la cuisine. Et bien que je sois affectivement très attachée à la cuisine vietnamienne, cette ouverture m’a permis de découvrir une multitude de mets succulents et intéressants, entre autres les délicieux œufs marbrés au thé noir de Chine.

On trouve ces œufs marbrés en Chine, à Hong-Kong, à Taïwan et dans une version différente, en Indonésie. Selon les régions de Chine, ils sont servis comme en-cas, faits à la maison, servis dans les restaurants ou gargotes, mais la plupart du temps, ils sont vendus dans la rue. À Taïwan, les œufs marbrés se vendent dans les commerces de proximité. Une chaine 7-Eleven écoule environ 40 millions d’œufs au thé par an et propose même des variantes aux fruits… Impressionnant, n’est-ce pas?  (sources en anglais : http://en.wikipedia.org/wiki/Tea_egg)

Les œufs marbrés ont réjoui mes papilles et pupilles tout au long de ma jeunesse. Sauf exception de cas d’allergie ou d’intolérance, quel enfant n’aime pas les œufs durs ? Et lorsque ceux-ci, aux jolis motifs de batik, sont parfumés au thé et aux épices, avec un léger goût salé de sauce de soja et une pointe sucrée comme nous aimons en Asie, de simples œufs durs deviennent alors un en-cas festif.

L’impatience pour le moment crucial du décorticage des œufs et l’émerveillement qui s’en suit pour les jolies marbrures des œufs se renouvellent chaque fois que je fais des œufs marbrés à la maison. Voici une recette du goût et des saveurs de mon enfance, sans qu’elle soit forcément la plus authentique.

Révision de la recette : 8 juin 2014.

Œufs marbrés au thé noir de Chine

Oeufs marbrés de La Kitchenette de Miss Tâm

Ingrédients :

  • 8 œufs de poule ou 24 œufs de caille
  • 3 cuillères à soupe de sauce de soja clair
  • 1 cuillère à soupe de sauce de soja foncé
  • 400 ml d’eau
  • 3 cuillères à soupe de thé noir de Chine
  • 2 bâtonnets de cannelle
  • 3 étoiles d’anis / badianes
  • 1 cuillère à café d’épices cinq-parfums
  • 1/2 cuillère à café de sel
  • 2 cuillères à soupe de sucre cassonade
  • Quelques grains de poivre noir
  • L’écorce d’une 1/2 mandarine non traitée (ou d’orange quand cela n’est plus la saison des mandarines – le zeste de mandarine est plus doux et parfumé que celui  de l’orange)

Oeufs marbrés de La Kitchenette de Miss Tâm 2

Préparation :

  • Cuire les œufs pendant 8 minutes (ou 4 minutes pour les œufs de caille) dans l’eau bouillante. Refroidir aussitôt sous eau froide. À l’aide d’une petite cuillère, tapoter doucement la coquille des œufs sur toute la surface pour qu’elle se craquelle sans se détacher. Réserver.
  • Dans une casserole, faire bouillir 400 ml d’eau. Hors du feu, verser les feuilles de thé noir et laisser infuser 4 à 5 minutes.
  • Verser la sauce de soja, le sucre, le sel, l’écorce de mandarine et toutes les épices dans le thé. Mélanger.
  • Remettre les œufs dans la préparation et cuire à feu très doux et à couvert pendant une dizaine de minutes. Cette étape permet aux thé et épices de bien pénétrer les œufs sans trop les cuire.
  • Après cuisson, laisser tiédir les oeufs dans la marinade à couvert puis transvaser les œufs et la marinade avec toutes ses épices, l’écorce de mandarine et remettre également les feuilles de thé dans un grand pot en verre (ou dans une boîte hermétique) en veillant à bien recouvrir les œufs. Fermer le pot ou la boîte hermétique. Laisser mariner 48 heures au frais.
  • J + 2 : Sortir les œufs de la marinade, les peler délicatement pour ne pas abîmer le blanc marbré. Et les œufs sont prêt à la dégustation !

En en-cas, apéritif ou entrée avec salade, ces jolis et délicieux œufs marbrés délicatement parfumés surprendront vos amis ! Bonne dégustation !

Cambodge : Amok Trei ou Poisson à la cambodgienne

La première fois que j’ai découvert ce fabuleux plat cambodgien, l’amok trei (poisson au lait de coco et à la citronnelle cuit à la vapeur), il y a une vingtaine d’années dans un restaurant cambodgien à Paris, je suis immédiatement tombée amoureuse de ce mets exquis. De morceaux tendres de poisson imprégnés de saveurs subtiles de citron (feuilles de kaffir), de citronnelle, de galanga, fondaient  délicatement en bouche, se mêlant à la douceur du lait de coco relevé par le parfum du basilic thaï, de la coriandre, des feuilles de bananier, et à la chaleur piquante du piment. J’étais tellement surprise par cette explosion de saveurs que j’oubliai même de retenir le nom du plat. Quel fut mon désespoir, sans Internet à l’époque pour m’aider en deux clics à retrouver son nom ou même sa recette, lorsque je découvris que ce restaurant avait entre temps fermé, changé de propriétaire, et changé de cuisine…

Heureusement l’amok trei est un plat populaire qui se trouve sur toutes les cartes aux menus des restaurants cambodgiens ! Ma peine fut alors de courte durée… Depuis, je tente de cuisiner aussi bien que possible ce plat divin, une de mes rencontres amoureuses gustatives. Comme pour beaucoup de plats populaires, il est bien difficile de donner une recette authentique tant il existe de nombreuses versions : mode de cuisson à la vapeur, au wok, au four, ou bien avec l’ajout de différents condiments,  d’aromates et/ou de légumes (avec curcuma, gingembre ou pas, avec liserons d’eau, feuilles d’épinard, côtes de blette, chou ou pas, etc). A chacun son goût, à chaque famille sa recette. Cependant les principaux éléments composant ce mets restent invariablement le poisson (trei désigne le poisson), le lait de coco, le piment, le galanga, les feuilles de kaffir et la citronnelle.

Selon mes recherches, l’amok trei aurait un frère jumeau thaïlandais, le ho mok pla. En est-il originaire, je ne pourrais l’affirmer. J’apprends entre autres que la cuisine cambodgienne est également enrichie d’influences chinoises (cuisson à la vapeur, nouilles de riz et soja), indiennes (curry) et vietnamiennes (le pho, le boeuf loc lac ou le banh xèo, une crêpe à base de farine de riz, de curcuma et de lait de coco farcie à la viande, aux crevettes et aux germes de soja, qu’on retrouve en version cambodgienne en plats communs). Mais la particularité de la cuisine cambodgienne, outre l’utilisation d’herbes aromatiques fraîches, est l’usage du prahoc (pâte de poisson en saumure) et du kroeung (pâte de curry composée de galanga, gingembre, curcuma, citronnelle, feuilles de kaffir, piment rouge séché, ail, échalote, lait de coco…) qui entrent dans la composition de nombreux plats du pays.  Le poisson d’eau douce est très présent dans cette savoureuse cuisine. En effet, le plus grand lac d’Asie du Sud-Est se situe au centre du Cambodge, le lac Tonlé Sap, qui fournit 60% de l’apport en protéines pour la population et représente 75% du volume annuel de pêche. Avec une superficie impressionnante de 2.700 km2, ce lac abrite environ 200 espèces de poissons répertoriés, divisés en trois catégories : les poissons blancs ou Trey pra ke (famille du panga), les poissons noirs ou Gobies des sables, et les poissons de petites tailles.

Pour revenir à l’amok, il existe depuis des variantes avec du poulet et autres viandes ou crustacés. Cependant pour les puristes, l’amok se cuisine principalement avec du poisson. Et c’est pourquoi je précise « amok trei« . Mes goûts allant souvent vers les versions simples, celles qui laissent bien révéler les saveurs délicates, j’ai choisi la recette qui me semble la plus proche de ma première rencontre gustative avec ce plat, et qui n’est peut-être pas la recette complète qu’on réalise traditionnellement.

Recette de l’amok trei ou poisson à la cambodgienne

Pour 4 personnes. Temps de préparation : 40 minutes. Cuisson à la vapeur : 20 minutes.

Ingrédients :

  • 600 g de filet de lotte en morceaux (ou autre poisson d’eau douce à chair blanche)
  • Des feuilles d’épinard ou côte de blette
  • 5 feuilles de kaffir lime ou feuilles de bergamote (autre nom pour le kaffir lime :  makrut ou  combava, citron vert sauvage à la peau grumeleuse – on en trouve surgelées dans les magasins d’alimentation asiatique)
  • 4 tiges de citronnelle
  • 1 morceau de galanga de 3 cm (plus doux que son cousin le gingembre
  • 1 échalote
  • 2 gousses d’ail
  • 1 piment rouge coupé en fines lanières
  • Poivre
  • 2 cuillères à soupe de nuoc mam pur (sauce d’anchois en saumure)
  • 400 ml de lait de coco (prélever la crème de coco)
  • 1 poignée d’arachides non salées, grillées, concassées
  • Basilic thaï, coriandre selon goût
  • Feuilles de bananier

Préparation :

  • Nettoyer la lotte et couper en gros dés de 2 ou 3 cm. Dans un récipient, mettre les morceaux de lotte et les arroser de 2 cuillère à soupe de nuoc mam. Poivrer.
  • Hacher la citronnelle, l’échalote, l’ail et le galanga. Enlever la nervure centrale des feuilles de kaffir (qui donne un goût amer) et hacher finement. Mixer le tout. Puis si possible, terminer en écrasant avec un pilon dans le mortier. (Cette étape permet de bien libérer les saveurs des aromates).
  • Du lait de coco en conserve, ne prélever que la crème. (L’astuce est de ne pas secouer la boîte, de l’entrouvrir et de verser le liquide transparent du lait de coco dans un bol pour un autre usage. Il restera la crème de coco).
  • Mélanger la crème de coco avec le mélange d’aromates.
  • Réaliser des coupelles en feuilles de bananier : ici
  • Laver les feuilles d’épinard. Tapisser le fond de 4 coupelles en feuilles de bananier. 
  • Ciseler le piment en fines lanières. Ciseler les feuilles de basilic thaï et de coriandre.
  • Griller les arachides à la poêle puis les concasser grossièrement.
  • Répartir les morceaux de poisson dans les coupelles, verser la sauce de coco / aromates, ajouter quelques fines lanières de piment, parsemer d’arachides et terminer par les herbes aromatiques.
  • Mettre à cuire à la vapeur pendant 20 minutes.

Une autre version – celle présentée en photo (navrée pour sa mauvaise qualité, j’en changerai dès que possible) – que je vous propose n’est pas tout à fait traditionnelle. Que nos amis et visiteurs cambodgiens me pardonnent !

J’aime tant le parfum subtil des feuilles de bananier qu’il m’arrive très souvent de cuire mon amok trei en papillote, c’est-à-dire en posant simplement mon poisson sur les feuilles de bananier puis de refermer complètement à l’aide d’un cure-dent / ou petite brochette fine en bambou. Je prolonge alors la cuisson de 10 minutes. Cette version permet d’imprégner davantage le parfum des feuilles sur le poisson…

Accompagné de riz blanc parfumé du Cambodge, voilà un plat fin et savoureux qui surprendra et réjouira le palais gourmand de vos invités, et surtout du vôtre!   

Info / Le Monde.fr avec AFP du 24.01.2013 : Le « pho », le bouillon vietnamien centenaire acclamé dans le monde

En complément à ma publication dans ce blog sur la soupe vietnamienne, le pho (ici), voici pour les amoureux de ce plat la copie de l’article paru dans Le Monde.fr avec AFP ce jour (dont le nom du journaliste n’est hélas pas mentionné).

Le « pho », le bouillon vietnamien centenaire acclamé dans le monde

Tables bancales, chaises en plastique et nappes en option… C’est dans le cadre spartiate des cantines de rue vietnamiennes, loin du décor soigné des restaurants gastronomiques, que se dégustent les meilleurs « pho », ces soupes de nouilles typiques du pays. « Je mange ici depuis plus de 20 ans », explique à l’AFP Tran Van Hung, 39 ans, frigorifié par l’humidité hivernale d’Hanoï en attendant son tour devant le restaurant Pho Thin, rue Lo Duc. « Le personnel est toujours désagréable avec moi. J’y suis habitué. Je m’en fiche ».

Si seuls les Vietnamiens prononcent correctement le nom de ce plat – « feu » avec un « eu » ouvert, qui vient des profondeurs du ventre –, ce dernier connaît un succès mondial aussi bien auprès des grands chefs français que des touristes. Le pho se brade autour du dollar symbolique. Conçu pour le petit-déjeuner, il se déguste désormais à toute heure du jour et de la nuit par les déshérités comme les nouveaux riches, les vieux comme les jeunes.

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Ce bouillon de bœuf centenaire agrémenté de quelques épices, d’herbes et accompagné de nouilles de riz ne paie pas de mine, pourtant, il est difficile à réaliser dans les règles de l’art. Dans le sud du Vietnam, certains y ajoutent des pousses de soja, mais les habitants du Nord y voient un sacrilège. « Le pho est purement vietnamien, c’est le plat le plus unique, caractéristique de notre cuisine », assure la chef Pham Anh Tuyet. Les nouilles doivent être faites à la main, ni trop fines ni trop épaisses et avoir moins de quatre heures, explique-t-elle. Le gingembre se grille au barbecue, et le bouillon d’os de bœuf et d’épices mijote pendant pas moins de huit heures sur un feu de charbon braisé. « L’odeur parfumée du pho fait partie de la beauté du plat », poursuit la chef. Le bol à base de boeuf au départ s’est enrichi d’une version au poulet à partir de 1940, lorsque l’invasion japonaise a raréfié la viande.

« SIMPLE ET SOPHISTIQUÉ »

L’origine de cette recette fait toutefois débat. Le bœuf était plutôt absent de la cuisine traditionnelle vietnamienne, où les bovins étaient utilisés comme animaux de trait. Certains attribuent donc la présence grandissante de la viande rouge dans les assiettes à l’arrivée du colonisateur français, au XIXe siècle. Didier Corlou, ex-chef de l’hôtel Métropole de Hanoï, le qualifie de plat « vietnamien avec une influence française ». Son nom « pourrait venir de la similarité avec pot-au-feu », avance-t-il, évoquant le lien entre l’échalotte grillée du premier et l’oignon du second. D’autres placent ses origines dans la ville de Nam Dinh (Nord), centreindustriel textile de l’époque, où un cuisinier œcuménique aurait inventé le pho pour plaire aux ouvriers vietnamiens comme aux Français. D’autres encore affirment que la sainte soupe préexistait à l’arrivée des envahisseurs.

Qu’importe, tranche Didier Corlou, « le pho est l’une des meilleures soupes du monde ». D’ailleurs, « la cuisine vietnamienne est la meilleure du monde ». Mais reconnaissance n’est pas idolâtrie. Dans ses trois restaurants de la capitale, il propose un pho au saumon et un autre au foie gras, pour la bagatelle de 10 dollars. « On ne peut pas mettre le pho au musée », justifie-t-il. De fait, la déclinaison va jusqu’à inclure le très réputé bœuf de Kobe, faisant monter le prix du bol à 40 dollars.  Tracey Lister, qui dirige le Hanoi cooking center, une école de cuisine locale, veut que le Vietnam reste fier et maître de son chef-d’œuvre : « Le pho représente la cuisine vietnamienne. C’est un plat simple et pourtant très sophistiqué. C’est un plat très élégant. C’est un classique ».

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Recette de mon pho : ici