Vietnam : Banh Tét du Sud (Gâteau du nouvel an)

Chúc mừng năm mới quý tỵ 2013 ! Bonne année du Serpent (d’eau) 2013 !

À l’occasion du nouvel an vietnamien (en vietnamien Tết Nguyên Đán, ou littéralement Fête du premier jour de l’année), j’aimerais partager avec vous une des recettes du gâteau de riz gluant au porc, le mets incontournable et symbole culinaire du nouvel an vietnamien, qui se déguste traditionnellement avec un plat de viande (le porc), des accompagnements de type pickles (aromates ou légumes aigre-doux) ou des légumes en saumure. Sans aborder les traditions du Têt ou légendes culinaires (les informations détaillées très bien expliquées en abondent actuellement sur l’internet), j’aimerais vous présenter très succinctement les différentes façons de préparer le gâteau de riz gluant au porc, le riz, la farce et la cuisson selon les régions (ou familles), en préambule à ma recette.

La forme du gâteau :

Dans le Nord du Vietnam, on confectionne de délicieux banh chung (en vietnamien, bánh chưng), de forme carré (symbole de la Terre car les anciens croyaient que la terre était plate), à base de riz gluant (ou riz glutineux), de graines de haricots mungo et de poitrine de porc, le tout enveloppé dans des feuilles de dong (de la famille de l’arrow-root, très difficile voire impossible à trouver en France) ou par défaut, dans des feuilles de bananier.

Dans le Sud (mais aussi dans le Centre), on confectionne de succulents banh tet (en vietnamien, Bánh tét), de forme cylindrique (symbole du ciel et de la fécondité), avec les mêmes ingrédients que le banh chung, souvent agrémentés d’oignon, d’épices, de jus de coco, etc, selon goût. Entre autres, il existe aussi une version sucrée à base de bananes ou encore, une version végétarienne à base de haricots noirs, enveloppés dans des feuilles de bananier. Sans parler des variantes spéciales dont le Sud raffole, avec de la saucisse chinoise lâp xuong et des crevettes séchées, ou même des versions végétariennes colorées aux trois couleurs (Bánh tét ba maù), etc.

Cependant, pas de clivage culinaire régional : dans tout le pays, le banh chung et le banh tet se dégustent aussi bien au Nord comme au Sud.

La préparation du riz gluant (riz glutineux) :

La préparation du riz gluant peut se faire de différentes manières. Le riz gluant doit d’abord être lavé plusieurs fois, avant d’être trempé dans l’eau durant une nuit (ou minimum 12h). Dans le Nord (et parfois dans le Sud), il est traditionnellement utilisé comme tel après égouttage, mélangé à un peu de sel, pour recouvrir la farce du gâteau. Dans le Sud, certains trempent le riz gluant dans l’eau mélangée aux feuilles de pandanus mixées et filtrées qui offrent un parfum subtil et un beau vert tendre. Mais plus souvent, le jus de feuilles de pandanus est ajouté seulement lors de la pré-cuisson du riz. On le fait revenir dans une poêle pendant une dizaine de minutes, parfois avec du jus de coco, avant de l’utiliser pour mettre la farce. Cette étape facultative permet de faire gonfler les grains de riz, de bien faire pénétrer dans le riz les saveurs, parfum et couleur des feuilles de pandanus, et de réduire la cuisson des gâteaux.

La garniture : 

Les haricots mungo : Les graines ayant trempées une nuit ou quelques heures (minimum 2 heures), s’utilisent soit directement sans cuisson, soit plus usuellement cuites à l’eau ou à la vapeur puis réduites finement en purée (Nord et Sud), et parfois avec adjonction d’oignons verts ou pas, avec du jus de coco ou pas (pour la version végétarienne ou sucrée, Sud).

La viande de porc utilisée est principalement la poitrine de porc, au Nord comme au Sud. Cependant, dans le Sud, la viande choisie est souvent plus grasse, voire parfois des tranches de gras. Avec marinade (Sud) ou pas (Nord). Tout est question de goût.

La cuisson du gâteau salé :

Concernant la cuisson, il y a deux écoles : la cuisson traditionnelle à l’eau ou la cuisson à la vapeur. La cuisson à l’eau est plus délicate et demande un certain savoir-faire, en particulier pour l’emballage du gâteau qui doit être étanche.

Les accompagnements du Nord, du Centre et du Sud sont également différents : le plat de viande (le Thịt đông dans le Nord qui est une sorte de fromage de tête avec du jambonneau, des parties du porc en morceaux, de la couenne, de l’oignon et des carottes, en gelée; ou le Thịt kho trứng (recette ici), le porc au caramel servi dans le Sud et dans le Nord), les pickles d’oignons verts (dưa hành, Nord), les pickles de légumes en saumure (dưa món) ou bien les pickles de germes de haricots mungo et poireaux (dưa giá, Sud, recette ici), etc.

Voyez comme du simple gâteau de riz gluant au porc du Têt, d’après la multitude de méthodes de réalisation, il nous est très difficile d’en distinguer LA recette authentique. Comme toujours, chaque famille a aussi son secret de fabrication.

Issue d’une famille originaire du Sud du Vietnam, je vous propose ici la recette du banh tet comme je le fais.

Recette du banh tet (Bánh tét).

Pour 2 banh tet. Préparation : Trempage 1 nuit + 1h. Cuisson : 5 à 6 heures.

Ingrédients :

  • 500 g de riz gluant (riz glutineux)
  • 200 g de haricots mungo décortiqués
  • 150 g de poitrine de porc (bien grasse)
  • 1/2 cuillère à café de sel (pour le riz gluant) + 1 grosse pincée de sel pour la purée de haricots mungo
  • Facultatif : 3 feuilles de pandanus mixées avec 1/2 bol d’eau, puis filtrées

Marinade de la viande :

  • 1 cuillère à soupe de nuoc mam (sauce de poisson en saumure vietnamienne – j’utilise toujours la marque Phu Quôc)
  • 1 pincée de sucre
  • 1/2 échalote finement hachée
  • 2 tours du moulin de poivre

Matériel :

  • 3 grandes feuilles de bananiers (couper 6 grands carrés d’environ 30 x 30 cm si possible)
  • Feuilles d’aluminium
  • Ficelles

Préparation :

  • La veille : Laver et rincer le riz gluant trois fois. Faire tremper une nuit.
  • Couper la poitrine de porc en longues lamelles moyennement épaisses (veiller à ne pas supprimer le gras !). Préparer la marinade avec le nuoc mam, sucre, poivre et échalote hachée, puis verser sur la viande. Mélanger puis réserver au frais.
  • Le jour J : Laver et rincer les graines de haricots mungo décortiquées. Tremper 2 heures minimum dans l’eau tiède. Rincer puis égoutter. Cuire les graines de haricots mungo à la vapeur pendant 20 minutes. Hors du feu, utiliser un presse-purée pour réduire les graines de haricots mungo en purée dans un grand bol. Ajouter une grosse pincée de sel. Mélanger. Puis réserver.
  • Rincer et égoutter le riz.
  • Dans un mixer blender, mixer les 3 feuilles de pandanus coupées en petits morceaux avec un 1/2 bol d’eau. Filtrer avec une passoire très fine (un chinois) et recueillir le jus dans le bol.
  • Dans une grande poêle, faire revenir le riz gluant avec le 1/2 bol de jus de feuilles de pandanus et la 1/2 cuillère à café de sel, à feu vif pendant 2-3 minutes, puis à feu moyen-doux pendant 5-10 minutes maximum, sans cesser de remuer. Cette opération permet de faire imprégner le jus de feuilles de pandanus dans le riz, de le colorer très légèrement en vert pâle, et de l’aider à bien gonfler et réduire ainsi le temps de cuisson de 8h à 5 ou 6h. (Certains ajoutent du jus de coco, mais personnellement je choisis de ne pas en mettre). Le riz ne doit pas être cuit, mais seulement pré-cuit. Réserver.

Préparation des feuilles de bananier & emballage des banh tet (étape longue et difficile à expliquer) :

  • Couper 4 ficelles par gâteaux au minimum, soit 3 ficelles pour attacher sur la longueur du rouleau, et 1 longue ficelle pour attacher les deux bouts.
  • Avant de poser les feuilles de bananier nettoyées, veiller à mettre une ficelle au milieu à la verticale.
  • Laver et nettoyer délicatement avec une chiffon propre pour sécher les feuilles de bananier. Préparer les feuilles (choisir les plus larges possibles) en découpant des carrés d’environ 30 x 30 cm si possible. Sinon selon la taille de la feuille, découper des rectangles de 25 x 30 cm.
  • Préparer 4 x 2 bandes de feuilles de bananier de format 7 x 20 cm. Prévoir ainsi 2 bandes pour fermer chaque bout de gâteau.
  • Réserver 3 feuilles découpées par gâteau.
  • Feuille 1 : Face interne (non brillante) de la feuille vers soi, lignes de nervures de la feuille horizontales. N.B. Poser sur la ficelle de façon à pouvoir réunir après enveloppe du gâteau, les deux bouts de ficelles et attacher le rouleau.
  • Feuille 2 : Superposer la 2ème feuille, face interne vers soi, lignes de nervures de la feuille verticales. Si c’est un rectangle, superposer en croix.
  • Feuille 3 : Déposer la dernière feuille, face externe (brillante) vers soi, lignes de nervures de la feuilles horizontales. Cette face brillante de la feuille permettra une meilleure pénétration de sa couleur sur le riz. Le fait de respecter le positionnement des lignes de nervures permet d’éviter que les feuilles ne se déchirent.
  • Étaler la moitié de quantité de riz sur les feuilles superposées, à l’aide d’une cuillère en bois. Former une couche carrée de riz d’une épaisseur de 1,5 cm environ. Laisser un peu de marge en bordure de la feuille.
  • Étaler une couche horizontale de purée de haricots mungo au milieu du riz.
  • Déposer les lamelles de viande de porc sur la couche horizontale de haricots mungo.
  • Recouvrir les lamelles, de purée de haricots mungo. Presser pour adhérer en formant un long boudin.
  • Saisir les deux bords de feuilles (en bas / en haut – face à soi), les réunir délicatement pour former un rouleau avec la couche de riz, presser légèrement pour adhérer le riz et rouler un peu la garniture pour former un rouleau.
  • Maintenir toujours les deux bords de feuilles, fermer, plier / rouler vers l’extérieur pour coincer les feuilles, puis rouler progressivement (toujours dans le sens opposé à soi) jusqu’à fermer complètement le gâteau. D’une main, maintenir les feuilles réunies roulées, de l’autre main, réunir les deux bouts de ficelles, puis attacher fermement le rouleau de riz en son milieu.
  • En principe, il doit rester environ 5 cm de bordure de chaque côté. Plier un des bouts du gâteau comme un paquet cadeau, puis le mettre debout pour coincer le fond. Si les feuilles dépassent les 5 cm de bordures, couper net ce qui dépasse pour faciliter le pliage. Puis plier les feuilles comme un paquet cadeau, de manière à fermer complètement le gâteau. Prendre la bande 1 et recouvrir le bout en son milieu. Coincer avec une main. Superposer la bande 2 en croix (en quinconce) en son milieu. Ficeler et attacher fermement. (Idéalement, il faudrait avoir 3 ou 4 mains… quand on n’est pas expérimenté…:-)).
  • Retourner le gâteau et le mettre à la verticale en le posant sur le bout fermé et ficelé. Faire de même, en coupant les feuilles qui dépassent de 5cm, plier et fermer comme un paquet cadeau, poser les les bandes 3 et 4 en crois pour fermer le bout, ficeler pour attacher les bandes.
  • Tapoter le gâteau roulé pour répartir de façon homogène le riz gluant et pour obtenir un rouleau parfait. En dernier lieu, ficeler les deux bouts en croisant les ficelles déjà attachées.
  • Au choix, recouvrir le gâteau roulé dans une feuille d’aluminium pour rendre le tout étanche.
  • À ce stade, si vous avez tout compris sans photos, BRAVO, cela sera de l’ordre du miracle ! 😉

La cuisson : Entre 5 et 6 heures dans l’eau.

  • Dans une grande marmite haute (contenance de 6 à 8 litres), porter l’eau à ébullition. Mettre les deux banh tet en totale immersion. Attendre une nouvelle ébullition avant de réduire à feu doux en maintenant un petit frémissement, couvrir, et laisser cuire pendant 5 à 6 heures. Surveiller bien le niveau d’eau qui doit toujours dépasser la surface des banh tet. Si besoin, rajouter de l’eau chaude.
  • Après cuisson, sortir les banh tet, nettoyer et rincer immédiatement à l’eau froide, laisser tiédir avant de servir.

Astuces et conseils :

  • Pour couper le banh tét (ou banh chung), enlever les feuilles de bananier (attention ça colle !) et découvrir le banh tet, utiliser le fil alimentaire en entourant le banh tet et croiser pour trancher (environ 2 cm d’épaisseur).
  • Réchauffer le banh tet : À la vapeur ou poêlé !
  • À déguster aussi avec du nuoc mam pur non dilué, et/ou parsemé d’un peu de sucre ! C’est étrange, mais délicieux !
  • Le banh tet se conserve très bien 1 semaine à 10 jours au frais.

Et voilà… que de sueurs pour confectionner ce délicieux plat, mais quelle joie et satisfaction de pouvoir déguster ses propres banh tet bien savoureux, accompagné de l’exquis porc au caramel (ici) et de pickles de germes de haricots mungo (ici), comme dans le Sud du Vietnam !