Biscuits façon « carrot cake »

Après la vague vietnamienne pendant la semaine du Nouvel An le Têt, je reviens avec plaisir à mes humeurs gustatives sucrées. Hier, la Kitchenette s’est transformée en biscuiterie, ô joie, avec tests réussis et ratages aussi…!

Ma première déambulation gourmande a commencé avec le fameux Carrot Cake, ce délicieux gâteau aux carottes britannique. Ce gâteau remonterait au Moyen-Âge, dont l’origine reste incertaine : une famille italienne Picascio ou encore en Suisse, la rueblitorte, une spécialité du canton d’Argovie. Au Moyen-Âge, l’utilisation des carottes dans la pâtisserie était assez courante, remplaçant avantageusement le sucre, denrée rare et chère à cette époque. Ce qui est sûr, c’est la Grande-Bretagne qui a contribué à populariser le carrot cake puis remis au goût du jour durant la seconde guerre mondiale, suite au rationnement de nourriture. C’est devenu depuis la pâtisserie préférée de nos amis Britanniques selon une enquête à la Radio Times en 2011 (source Wikipedia eng / Carrot Cake). Aux États-Unis d’Amérique, le carrot cake est devenu populaire vers le début des années 60, suscitant engouement et devenant un incontournable des pâtisseries américaines, avec sa touche de glaçage à la Cream Cheese.

Le gâteau aux carottes est fabuleux mais l’envie de faire des biscuits a été bien plus forte. Concilier les saveurs du carrot cake (carotte, cannelle, noix de muscade, noix de pécan) et la texture d’un biscuit n’était plus qu’un jeu d’enfant. Adapter les quantités, les ingrédients, tenir compte de l’humidité des carottes et du gras des noix de pécan, doser les épices… Le résultat est étonnant et vraiment délicieux ! Bien sûr, tout est améliorable et je vous mets à contribution avec joie si vous avez une meilleure idée ! En attendant, voici ma recette de…

Biscuits façon Carrot Cake

Pour 30 petits biscuits.

Ingrédients :

  • 150 g de farine
  • 100 g de beurre
  • 50 g de sucre roux
  • 50 g de carottes finement râpées
  • 50 g de noix de pécan hachées (ou éventuellement, de simples noix)
  • 1/2 cuillère à café de cannelle
  • 1/4 cuillère à café de noix de muscade en poudre
  • 1/4 cuillère à café de sel
  • Glaçage au sucre : 100 g de sucre glace + 1/2 ou 1 cuillère à soupe d’eau
  • (facultatif) Pour la décoration : Carottes découpées en forme de…carottes, un peu de persil pour les fanes de carottes, ou pâte d’amande en forme de carottes, ou pâte à sucre… N.B. Si vous utilisez une vraie carotte pour décorer, sachez que les biscuits seront plus humides et donc moins croustillants, et se garderont moins bien. En utiliser seulement pour une dégustation dans la journée.

Préparation :

  • Dans un récipient, couper le beurre froid en morceaux. Verser la farine. Mélanger jusqu’à obtenir une pâte grumeleuse. (En ce qui me concerne, je mélange à la main pour mieux contrôler la texture).
  • Ajouter le sucre, le sel, la cannelle et la noix de muscade. Bien mélanger.
  • Hacher finement les noix de pécan (ou les noix). Les ajouter à la pâte.
  • Laver, peler et râper 50 g de carotte (env. 3/4 d’une carotte). Ajouter à la pâte et mélanger de façon homogène.
  • Former un long boudin, emballer dans un film alimentaire, réserver au frais pendant au minimum 30 minutes.
  • Préchauffer le four à 200°C (Th.6/7)
  • Dans un bol, préparer le glaçage en mélangeant sucre glace et eau. Suivant la densité souhaitée (glaçage transparent ou blanc), contrôler la quantité d’eau en l’augmentant ou en la réduisant selon l’aspect après mélange. Plus le glaçage est concentré, plus il paraîtra blanc. Et plus il sera… sucré. Dans ce cas, il faut réduire un peu le sucre dans le biscuit.
  • Sortir la pâte à biscuit. Découper en rondelles de 3 ou 4 mm d’épaisseur. Les déposer sur une plaque à pâtisserie tapissée de papier sulfurisé (papier de cuisson) ou préalablement beurrée (si pas de papier sulfurisé). Enfourner à mi-hauteur et cuire pendant 12 à 15 minutes selon le four.
  • Dès la sortie du four, plonger les biscuits encore chauds dans le glaçage sur une face. Laisser tiédir sur une grille.
  • Si vous le souhaitez, on peut décorer les biscuits avec pâte d’amande, pâte à sucre, et même, avec de vraies carottes comme sur la photo.

Et voilà d’exquis petits biscuits au bon goût de carotte et délicieusement parfumés à la cannelle et noix de muscade pour accompagner votre thé !

À vos fourneaux, si vous avez envie de tester et/ou d’améliorer mes biscuits à la carrot cake ! N’hésitez pas à nous faire part à tous ! Bon lundi et bonne semaine à vous !

Vietnam : Mortadelle vietnamienne (giò lụa / chả lụa)

Pour clore la semaine des mets du nouvel an vietnamien, le Têt, j’ai le plaisir de vous proposer la délicieuse recette du fameux pâté de porc vietnamien, ou plus justement la mortadelle vietnamienne (en vietnamien, giò lụa (dénomination du Nord) ou chả lụa (dénomination du Sud) originaire du Nord du Vietnam. La région du Nord du Vietnam, berceau du fameux Pho, a produit de nombreux plats raffinés qui se sont introduits par la suite dans tout le Vietnam. La mortadelle vietnamienne, tout aussi populaire que la célèbre soupe pho, en fait partie.

Pour les amateurs de cuisine asiatique, cette exquise charcuterie n’est pas un mets inconnu ! Il s’en trouve facilement dans tous les magasins d’alimentation asiatique. À l’unanimité (excepté ceux qui ne peuvent manger du porc), je peux affirmer que cette mortadelle plaît à tous, petits et grands, Vietnamiens et non-Vietnamiens. Pour ceux qui ne peuvent manger du porc, il existe une version au boeuf tout aussi délicieuse. Et pour varier les plaisirs, il existe également des giò avec morceaux de couenne, ceux à la cannelle, ou même frits ! Le giò peut se déguster seul, en apéritif, avec du riz, en sandwich (les fameux banh mi vietnamiens (recette ici) qui suscitent actuellement un fort engouement chez les Parisiens), avec le banh chung (lors du nouvel an), avec les banh cuôn (crêpes de riz aux porc et champignons), etc.

Le plus célèbre giò lụa (ou chả lụa comme on l’appelle dans le Sud du Vietnam) est issu du village Ước Lễ, Thanh Oai, de la province Hà Tây, dans le Nord du Vietnam. Les fabricants de cette charcuterie, particulièrement fiers de leur production, réalisent des giò d’une manière très particulière et authentique : la viande de porc doit être ultra fraîche (l’animal vient d’être abattu), les morceaux aussitôt découpés, vidés, lavés, nettoyés, sont ensuite martelés au pilon (grand pilon !) par des hommes car ce travail exige une grande force. Ainsi, la viande sera longuement martelée au pilon, réduite en pâte, puis l’on ajoute un peu de nuoc mam pur non dilué de première qualité (sauce d’anchois ou poisson en saumure vietnamienne) peu avant de terminer le martelage. Cette procédure, harassante et non adaptée à nos habitudes culinaires en Occident, fait toute la différence de qualité du giò par rapport à l’utilisation du robot-hachoir. La fibre de la viande n’est pas brisée et conserve ainsi un « croquant » et une élasticité parfaite sans être caoutchouteux. Subtil, n’est-ce pas ? Après un savant mélange de viande de porc, de fécule de pomme de terre (et pas d’utilisation d’autres farines !), de levure chimique, de nuoc mam, de poivre et de…glutamate (eh oui !), le giò est parfaitement emballé dans des feuilles de bananier de façon étanche, puis cuit à l’eau. Si par malheur, l’eau entrait en contact avec la viande, le gio en serait fichu. Un rituel propre à ce village est d’allumer un bâton d’encens de la longueur de la circonférence du giò emballé, en début de cuisson, qui, se consumant jusqu’au bout, indique la fin du temps de cuisson. On dit aussi que le résultat d’un giò parfait, se vérifie en jetant le giò sur une surface dure qui doit rebondir. Ce test permet de contrôler sa parfaite élasticité ! Étonnant, n’est-ce pas ? Enfin, les derniers critères du giò idéal sont : la texture parfaitement lisse, sa couleur légèrement pâle et rosé, et l’imprégnation du parfum des feuilles de bananier.

Nous voilà avertis, pauvres cuisiniers du dimanche qui s’essaient à la fabrication de cet excellent et irrésistible giò lụa ou chả lụa vietnamien ! Heureusement que les Vietnamiens ne se découragent pas pour si peu et que des recettes « modernes » du giò tout aussi délicieuses et réussies sont à la hauteur de leur gourmandise légendaire.

Voici donc la recette de la mortadelle vietnamienne telle que je le fais.

Pour 2 rouleaux de mortadelle vietnamienne (de 15 à 16 cm de long).

Ingrédients :

  • 900 g de porc – partie jambon (beaucoup utilisent le filet, mais pour moi, la partie du jambon est plus adaptée pour cette mortadelle)
  • 100 g de gras de porc (ou barde)
  • 2 cuillères à soupe de fécule de pomme de terre
  • 8 g de levure chimique Alsa (soit 2/3 du sachet)
  • 3 cuillères à soupe de nuoc mam pur non dilué (j’utilise la marque Phu Quôc)
  • En remplacement du glutamate usuel, 2 cuillères à café de sucre en poudre
  • 1/2 cuillère à café de sel
  • 4 tours du moulin de poivre noir
  • 3 cuillères à soupe d’eau glacée pour détendre la viande hachée
  • Un peu d’huile pour les feuilles de bananier
  • Feuilles de bananier, ficelles, papier sulfurisé

Préparation :

  • Hacher très finement la viande et le gras de porc. Si besoin, recommencer deux ou trois fois, jusqu’à ce qu’elle soit lisse (ou la plus lisse possible).
  • Dans un récipient, mettre la viande hachée. Ajouter le nuoc mam pur, le sucre, le sel et le poivre. Mélanger.
  • Ajouter la levure et la fécule de pomme de terre (diluée dans 2 cuillères à soupe d’eau glacée). Mélanger rapidement de façon homogène. Pas trop longtemps.
  • Dans un plastique qui se referme bien, mettre la viande hachée au congélateur pour deux ou trois heures.
  • Sortir la viande du frais. Séparer la quantité en deux (pour faire deux rouleaux de mortadelles), puis remixer chaque portion en allongeant avec 1/2 cuillère à soupe d’eau glacée / portion.
  • Bien laver et nettoyer les feuilles de bananiers. Découper des carrés 25 x 25 cm si possible. Disposer trois feuilles en quinconce par rapport aux lignes de nervures, en veillant à poser la dernière feuille (celle qui sera en contact avec le giò) côté brillant vers soi. Huiler la surface à rouler.
  • Déposer la portion de viande hachée et former une sorte de gros saucisson. La longueur de la mortadelle fait environ 15 à 16 cm de long.
  • Envelopper la viande en prenant les deux bords des feuilles de bananier (en bas / en haut / face à soi), les réunir, refermer complètement le rouleau en pliant et en enroulant vers l’extérieur, ficeler en son milieu.
  • Fermer un des bouts du rouleau en pliant comme un paquet cadeau, poser à la verticale pour coincer le bout fermé. Refermer l’autre bout de la même manière. Ficeler les deux bouts, attacher pour fermer comme un paquet cadeau.
  • Puis, ficeler et attacher le reste du rouleau (voir photo) pour assurer une parfaite tenue.
  • Enfin, envelopper les giò avec du papier sulfurisé (deux tours) et bien refermer (le plus simple est de fermer par les deux bouts comme un bonbon).
  • Cuire les giò à la vapeur pendant 45 minutes. (Je préfère la cuisson à la vapeur pour éviter justement que l’eau ne pénètre dans la viande).
  • Après cuisson, sortir les giò et les laisser refroidir. Enlever le papier sulfurisé avant de les mettre au frais. Ils se conservent parfaitement une bonne semaine au réfrigérateur.
  • Pour les déguster, il suffit de trancher des rondelles de mortadelle sans avoir besoin d’enlever les feuilles de bananier au préalable. On les enlève seulement une fois les tranches coupées.

À déguster comme tel, en apéritif ou en sandwich, en entrée ou en accompagnement, en soupe avec des nouilles ou traditionnellement avec les banh cuôn ou le banh chung du Têt, etc… Toutes les gourmandises sont permises. Bonne dégustation ! Et bon week end à tous !

Vietnam : Pickles de germes de haricots mungo (dưa giá)

Ma semaine de cuisine vietnamienne se poursuit avec les délicieux pickles de germes de haricots mungo (en vietnamien, dưa giá – des germes de haricots mungo marinés au vinaigre et gingembre) pour accompagner le fameux banh tet du nouvel an et le porc au caramel pour le repas du Têt vietnamien.

Dans la cuisine du Vietnam, on privilégie autant les saveurs, les parfums, les textures que les couleurs des mets. On mange avec son palais, son nez et ses yeux. L’harmonie tient à la variété de ces quatre critères. Le sucré-salé omniprésent dans les plats vietnamiens s’explique par l’équilibre du yin (salé) et du yang (sucré). Dans certains plats, on équilibre avec l’aigre-doux, parfois l’amertume, et souvent le piquant. Les différentes textures se côtoient dans les plats servis : fondant, moelleux, gélatineux, coriace ou gommeux, croquant, croustillant, filandreux, Enfin, les couleurs ont une grande importance aussi, couleurs chaudes alternent avec couleurs froides.

Toutes ces caractéristiques se retrouvent dans les plats du nouvel an. Le fondant et filandreux porc au caramel (sucré-salé) est rééquilibré avec le moelleux du banh tet (plutôt fade si l’on mange tel quel), et le croquant des légumes marinés en saumure (salés pimentés) et des pickles de germes de haricots mungo (aigre-doux). Quant aux couleurs, les légumes ont la part belle : les légumes en saumure (carottes coupées en forme de fleurs, concombres en bâtonnets, choux-fleurs, piment rouge, etc) et les pickles de germes de haricots mungo (germes de haricots mungo, vert du poireau et parfois carottes en julienne) ornent le repas de jolies couleurs et de jolies formes.

Lorsqu’il n’y a pas de légumes en saumure, on agrémente les pickles de haricots mungo de carottes en julienne pour le goût et la couleur chaude. Différentes recettes aujourd’hui convergent d’ailleurs vers cette option, ajout de carottes, avec oignon ou ail ciselé et piment mais sans gingembre. A la maison, les légumes marinés en saumure (dont je ne traiterai pas cette année) avaient leur place à notre table. Ainsi, les pickles de germes de haricots mungo se préparaient sans autres artifices qu’avec le vert du poireau et le gingembre. Et la variété des couleurs étaient bien respectée. C’est donc la recette simple sans carottes que je vous propose ci-dessous, telle qu’on le faisait dans mon enfance.

Pickles de germes de haricots mungo (dưa giá)

Pour 3 grands pots (de contenance d’un peu plus de 1/2 litre – grand pot à cornichons)

Ingrédients :

  • 500 g de germes de haricots mungo (ou plus connu sous le nom de germes de soja)
  • 1 branche de poireau (utiliser seulement la partie verte)
  • Gingembre frais : 1 morceau de 3 cm
  • 1/2 litre de vinaigre blanc
  • 1 litre d’eau chaude
  • 500 g de sucre blanc en poudre
  • 1,5 cuillère à de café sel

Préparation :

  • Rincer puis faire tremper les germes de haricots mungo dans un grand récipient. Enlever les capuchons verts des têtes de haricots mungo. En trempant les germes et en remuant, la plupart des capuchons verts se détachent. Trier les germes et jeter ceux qui sont abîmés. Les égoutter dans une passoire. Réserver.
  • Peler le morceau de gingembre. Puis hacher finement.
  • Couper la tige de poireau et n’utiliser que la partie verte. Supprimer les vieilles feuilles. Laver, nettoyer, puis couper en fines lamelles de la longueur d’un germe de soja (soit à peu près la longueur de 2 phalanges de doigts). Mélanger à la main de façon homogène avec les germes de haricots mungo et le gingembre haché. Réserver.
  • Faire chauffer l’eau dans une casserole sans attendre l’ébullition. Verser le sucre et le sel et mélanger. L’eau chaude permet de bien dissoudre le sucre et le sel. Laisser tiédir.
  • Puis verser le vinaigre blanc dans l’eau sucrée. Réserver.
  • À la main, remplir entièrement les 3 pots en verre avec le mélange de germes de haricots mungo et de lamelles de poireaux. Veiller à ne pas trop casser les germes en les mettant dans les pots, mais ne pas hésiter à pousser vers le fond du pot. Au fur et à mesure du remplissage, secouer le pot pour mieux les répartir sans les casser.
  • Verser la marinade dans les trois pots en veillant bien à immerger complètement le contenu. Fermer hermétiquement les pots et les garder au frais. Attendre au minimum 24h avant de consommer. Avec la marinade au vinaigre, les germes vont se réduire un peu, c’est normal. Conservés au frais, ils se gardent une semaine une fois ouvert.

Astuces et variantes :

  • Si vous n’avez pas de pots en verre disponibles, vous pouvez également faire cette préparation dans une boîte hermétique ou tout contenant se fermant avec un couvercle.
  • Pour adapter à la taille de vos contenants, vous pouvez préparer la marinade comme suit : 1 dose de vinaigre, 1 dose de sucre, 2 doses d’eau chaude et 1/2 cuillère à café de sel / 500 ml de liquide.
  • Si vous le souhaitez, vous pouvez rajouter 1 poignée de carottes en julienne, 1/2 oignon ciselé ou 2 gousses d’ail ciselées, du piment rouge frais ciselé. C’est ce qui se fait aujourd’hui.

Voilà de délicieux et rafraîchissants pickles de germes de haricots mungo aigre-doux au subtil parfum de gingembre, simples à faire, pour accompagner agréablement le porc au caramel et le banh tet (ou banh chung) du repas du nouvel an vietnamien !

Vietnam : Banh Tét du Sud (Gâteau du nouvel an)

Chúc mừng năm mới quý tỵ 2013 ! Bonne année du Serpent (d’eau) 2013 !

À l’occasion du nouvel an vietnamien (en vietnamien Tết Nguyên Đán, ou littéralement Fête du premier jour de l’année), j’aimerais partager avec vous une des recettes du gâteau de riz gluant au porc, le mets incontournable et symbole culinaire du nouvel an vietnamien, qui se déguste traditionnellement avec un plat de viande (le porc), des accompagnements de type pickles (aromates ou légumes aigre-doux) ou des légumes en saumure. Sans aborder les traditions du Têt ou légendes culinaires (les informations détaillées très bien expliquées en abondent actuellement sur l’internet), j’aimerais vous présenter très succinctement les différentes façons de préparer le gâteau de riz gluant au porc, le riz, la farce et la cuisson selon les régions (ou familles), en préambule à ma recette.

La forme du gâteau :

Dans le Nord du Vietnam, on confectionne de délicieux banh chung (en vietnamien, bánh chưng), de forme carré (symbole de la Terre car les anciens croyaient que la terre était plate), à base de riz gluant (ou riz glutineux), de graines de haricots mungo et de poitrine de porc, le tout enveloppé dans des feuilles de dong (de la famille de l’arrow-root, très difficile voire impossible à trouver en France) ou par défaut, dans des feuilles de bananier.

Dans le Sud (mais aussi dans le Centre), on confectionne de succulents banh tet (en vietnamien, Bánh tét), de forme cylindrique (symbole du ciel et de la fécondité), avec les mêmes ingrédients que le banh chung, souvent agrémentés d’oignon, d’épices, de jus de coco, etc, selon goût. Entre autres, il existe aussi une version sucrée à base de bananes ou encore, une version végétarienne à base de haricots noirs, enveloppés dans des feuilles de bananier. Sans parler des variantes spéciales dont le Sud raffole, avec de la saucisse chinoise lâp xuong et des crevettes séchées, ou même des versions végétariennes colorées aux trois couleurs (Bánh tét ba maù), etc.

Cependant, pas de clivage culinaire régional : dans tout le pays, le banh chung et le banh tet se dégustent aussi bien au Nord comme au Sud.

La préparation du riz gluant (riz glutineux) :

La préparation du riz gluant peut se faire de différentes manières. Le riz gluant doit d’abord être lavé plusieurs fois, avant d’être trempé dans l’eau durant une nuit (ou minimum 12h). Dans le Nord (et parfois dans le Sud), il est traditionnellement utilisé comme tel après égouttage, mélangé à un peu de sel, pour recouvrir la farce du gâteau. Dans le Sud, certains trempent le riz gluant dans l’eau mélangée aux feuilles de pandanus mixées et filtrées qui offrent un parfum subtil et un beau vert tendre. Mais plus souvent, le jus de feuilles de pandanus est ajouté seulement lors de la pré-cuisson du riz. On le fait revenir dans une poêle pendant une dizaine de minutes, parfois avec du jus de coco, avant de l’utiliser pour mettre la farce. Cette étape facultative permet de faire gonfler les grains de riz, de bien faire pénétrer dans le riz les saveurs, parfum et couleur des feuilles de pandanus, et de réduire la cuisson des gâteaux.

La garniture : 

Les haricots mungo : Les graines ayant trempées une nuit ou quelques heures (minimum 2 heures), s’utilisent soit directement sans cuisson, soit plus usuellement cuites à l’eau ou à la vapeur puis réduites finement en purée (Nord et Sud), et parfois avec adjonction d’oignons verts ou pas, avec du jus de coco ou pas (pour la version végétarienne ou sucrée, Sud).

La viande de porc utilisée est principalement la poitrine de porc, au Nord comme au Sud. Cependant, dans le Sud, la viande choisie est souvent plus grasse, voire parfois des tranches de gras. Avec marinade (Sud) ou pas (Nord). Tout est question de goût.

La cuisson du gâteau salé :

Concernant la cuisson, il y a deux écoles : la cuisson traditionnelle à l’eau ou la cuisson à la vapeur. La cuisson à l’eau est plus délicate et demande un certain savoir-faire, en particulier pour l’emballage du gâteau qui doit être étanche.

Les accompagnements du Nord, du Centre et du Sud sont également différents : le plat de viande (le Thịt đông dans le Nord qui est une sorte de fromage de tête avec du jambonneau, des parties du porc en morceaux, de la couenne, de l’oignon et des carottes, en gelée; ou le Thịt kho trứng (recette ici), le porc au caramel servi dans le Sud et dans le Nord), les pickles d’oignons verts (dưa hành, Nord), les pickles de légumes en saumure (dưa món) ou bien les pickles de germes de haricots mungo et poireaux (dưa giá, Sud, recette ici), etc.

Voyez comme du simple gâteau de riz gluant au porc du Têt, d’après la multitude de méthodes de réalisation, il nous est très difficile d’en distinguer LA recette authentique. Comme toujours, chaque famille a aussi son secret de fabrication.

Issue d’une famille originaire du Sud du Vietnam, je vous propose ici la recette du banh tet comme je le fais.

Recette du banh tet (Bánh tét).

Pour 2 banh tet. Préparation : Trempage 1 nuit + 1h. Cuisson : 5 à 6 heures.

Ingrédients :

  • 500 g de riz gluant (riz glutineux)
  • 200 g de haricots mungo décortiqués
  • 150 g de poitrine de porc (bien grasse)
  • 1/2 cuillère à café de sel (pour le riz gluant) + 1 grosse pincée de sel pour la purée de haricots mungo
  • Facultatif : 3 feuilles de pandanus mixées avec 1/2 bol d’eau, puis filtrées

Marinade de la viande :

  • 1 cuillère à soupe de nuoc mam (sauce de poisson en saumure vietnamienne – j’utilise toujours la marque Phu Quôc)
  • 1 pincée de sucre
  • 1/2 échalote finement hachée
  • 2 tours du moulin de poivre

Matériel :

  • 3 grandes feuilles de bananiers (couper 6 grands carrés d’environ 30 x 30 cm si possible)
  • Feuilles d’aluminium
  • Ficelles

Préparation :

  • La veille : Laver et rincer le riz gluant trois fois. Faire tremper une nuit.
  • Couper la poitrine de porc en longues lamelles moyennement épaisses (veiller à ne pas supprimer le gras !). Préparer la marinade avec le nuoc mam, sucre, poivre et échalote hachée, puis verser sur la viande. Mélanger puis réserver au frais.
  • Le jour J : Laver et rincer les graines de haricots mungo décortiquées. Tremper 2 heures minimum dans l’eau tiède. Rincer puis égoutter. Cuire les graines de haricots mungo à la vapeur pendant 20 minutes. Hors du feu, utiliser un presse-purée pour réduire les graines de haricots mungo en purée dans un grand bol. Ajouter une grosse pincée de sel. Mélanger. Puis réserver.
  • Rincer et égoutter le riz.
  • Dans un mixer blender, mixer les 3 feuilles de pandanus coupées en petits morceaux avec un 1/2 bol d’eau. Filtrer avec une passoire très fine (un chinois) et recueillir le jus dans le bol.
  • Dans une grande poêle, faire revenir le riz gluant avec le 1/2 bol de jus de feuilles de pandanus et la 1/2 cuillère à café de sel, à feu vif pendant 2-3 minutes, puis à feu moyen-doux pendant 5-10 minutes maximum, sans cesser de remuer. Cette opération permet de faire imprégner le jus de feuilles de pandanus dans le riz, de le colorer très légèrement en vert pâle, et de l’aider à bien gonfler et réduire ainsi le temps de cuisson de 8h à 5 ou 6h. (Certains ajoutent du jus de coco, mais personnellement je choisis de ne pas en mettre). Le riz ne doit pas être cuit, mais seulement pré-cuit. Réserver.

Préparation des feuilles de bananier & emballage des banh tet (étape longue et difficile à expliquer) :

  • Couper 4 ficelles par gâteaux au minimum, soit 3 ficelles pour attacher sur la longueur du rouleau, et 1 longue ficelle pour attacher les deux bouts.
  • Avant de poser les feuilles de bananier nettoyées, veiller à mettre une ficelle au milieu à la verticale.
  • Laver et nettoyer délicatement avec une chiffon propre pour sécher les feuilles de bananier. Préparer les feuilles (choisir les plus larges possibles) en découpant des carrés d’environ 30 x 30 cm si possible. Sinon selon la taille de la feuille, découper des rectangles de 25 x 30 cm.
  • Préparer 4 x 2 bandes de feuilles de bananier de format 7 x 20 cm. Prévoir ainsi 2 bandes pour fermer chaque bout de gâteau.
  • Réserver 3 feuilles découpées par gâteau.
  • Feuille 1 : Face interne (non brillante) de la feuille vers soi, lignes de nervures de la feuille horizontales. N.B. Poser sur la ficelle de façon à pouvoir réunir après enveloppe du gâteau, les deux bouts de ficelles et attacher le rouleau.
  • Feuille 2 : Superposer la 2ème feuille, face interne vers soi, lignes de nervures de la feuille verticales. Si c’est un rectangle, superposer en croix.
  • Feuille 3 : Déposer la dernière feuille, face externe (brillante) vers soi, lignes de nervures de la feuilles horizontales. Cette face brillante de la feuille permettra une meilleure pénétration de sa couleur sur le riz. Le fait de respecter le positionnement des lignes de nervures permet d’éviter que les feuilles ne se déchirent.
  • Étaler la moitié de quantité de riz sur les feuilles superposées, à l’aide d’une cuillère en bois. Former une couche carrée de riz d’une épaisseur de 1,5 cm environ. Laisser un peu de marge en bordure de la feuille.
  • Étaler une couche horizontale de purée de haricots mungo au milieu du riz.
  • Déposer les lamelles de viande de porc sur la couche horizontale de haricots mungo.
  • Recouvrir les lamelles, de purée de haricots mungo. Presser pour adhérer en formant un long boudin.
  • Saisir les deux bords de feuilles (en bas / en haut – face à soi), les réunir délicatement pour former un rouleau avec la couche de riz, presser légèrement pour adhérer le riz et rouler un peu la garniture pour former un rouleau.
  • Maintenir toujours les deux bords de feuilles, fermer, plier / rouler vers l’extérieur pour coincer les feuilles, puis rouler progressivement (toujours dans le sens opposé à soi) jusqu’à fermer complètement le gâteau. D’une main, maintenir les feuilles réunies roulées, de l’autre main, réunir les deux bouts de ficelles, puis attacher fermement le rouleau de riz en son milieu.
  • En principe, il doit rester environ 5 cm de bordure de chaque côté. Plier un des bouts du gâteau comme un paquet cadeau, puis le mettre debout pour coincer le fond. Si les feuilles dépassent les 5 cm de bordures, couper net ce qui dépasse pour faciliter le pliage. Puis plier les feuilles comme un paquet cadeau, de manière à fermer complètement le gâteau. Prendre la bande 1 et recouvrir le bout en son milieu. Coincer avec une main. Superposer la bande 2 en croix (en quinconce) en son milieu. Ficeler et attacher fermement. (Idéalement, il faudrait avoir 3 ou 4 mains… quand on n’est pas expérimenté…:-)).
  • Retourner le gâteau et le mettre à la verticale en le posant sur le bout fermé et ficelé. Faire de même, en coupant les feuilles qui dépassent de 5cm, plier et fermer comme un paquet cadeau, poser les les bandes 3 et 4 en crois pour fermer le bout, ficeler pour attacher les bandes.
  • Tapoter le gâteau roulé pour répartir de façon homogène le riz gluant et pour obtenir un rouleau parfait. En dernier lieu, ficeler les deux bouts en croisant les ficelles déjà attachées.
  • Au choix, recouvrir le gâteau roulé dans une feuille d’aluminium pour rendre le tout étanche.
  • À ce stade, si vous avez tout compris sans photos, BRAVO, cela sera de l’ordre du miracle ! 😉

La cuisson : Entre 5 et 6 heures dans l’eau.

  • Dans une grande marmite haute (contenance de 6 à 8 litres), porter l’eau à ébullition. Mettre les deux banh tet en totale immersion. Attendre une nouvelle ébullition avant de réduire à feu doux en maintenant un petit frémissement, couvrir, et laisser cuire pendant 5 à 6 heures. Surveiller bien le niveau d’eau qui doit toujours dépasser la surface des banh tet. Si besoin, rajouter de l’eau chaude.
  • Après cuisson, sortir les banh tet, nettoyer et rincer immédiatement à l’eau froide, laisser tiédir avant de servir.

Astuces et conseils :

  • Pour couper le banh tét (ou banh chung), enlever les feuilles de bananier (attention ça colle !) et découvrir le banh tet, utiliser le fil alimentaire en entourant le banh tet et croiser pour trancher (environ 2 cm d’épaisseur).
  • Réchauffer le banh tet : À la vapeur ou poêlé !
  • À déguster aussi avec du nuoc mam pur non dilué, et/ou parsemé d’un peu de sucre ! C’est étrange, mais délicieux !
  • Le banh tet se conserve très bien 1 semaine à 10 jours au frais.

Et voilà… que de sueurs pour confectionner ce délicieux plat, mais quelle joie et satisfaction de pouvoir déguster ses propres banh tet bien savoureux, accompagné de l’exquis porc au caramel (ici) et de pickles de germes de haricots mungo (ici), comme dans le Sud du Vietnam !

Chine : Oeufs marbrés au thé noir

J’ai une chance inouïe d’avoir grandi dans une famille vietnamienne ouverte sur les cultures du monde, et en particulier dans le domaine de la cuisine. Et bien que je sois affectivement très attachée à la cuisine vietnamienne, cette ouverture m’a permis de découvrir une multitude de mets succulents et intéressants, entre autres les délicieux œufs marbrés au thé noir de Chine.

On trouve ces œufs marbrés en Chine, à Hong-Kong, à Taïwan et dans une version différente, en Indonésie. Selon les régions de Chine, ils sont servis comme en-cas, faits à la maison, servis dans les restaurants ou gargotes, mais la plupart du temps, ils sont vendus dans la rue. À Taïwan, les œufs marbrés se vendent dans les commerces de proximité. Une chaine 7-Eleven écoule environ 40 millions d’œufs au thé par an et propose même des variantes aux fruits… Impressionnant, n’est-ce pas?  (sources en anglais : http://en.wikipedia.org/wiki/Tea_egg)

Les œufs marbrés ont réjoui mes papilles et pupilles tout au long de ma jeunesse. Sauf exception de cas d’allergie ou d’intolérance, quel enfant n’aime pas les œufs durs ? Et lorsque ceux-ci, aux jolis motifs de batik, sont parfumés au thé et aux épices, avec un léger goût salé de sauce de soja et une pointe sucrée comme nous aimons en Asie, de simples œufs durs deviennent alors un en-cas festif.

L’impatience pour le moment crucial du décorticage des œufs et l’émerveillement qui s’en suit pour les jolies marbrures des œufs se renouvellent chaque fois que je fais des œufs marbrés à la maison. Voici une recette du goût et des saveurs de mon enfance, sans qu’elle soit forcément la plus authentique.

Révision de la recette : 8 juin 2014.

Œufs marbrés au thé noir de Chine

Oeufs marbrés de La Kitchenette de Miss Tâm

Ingrédients :

  • 8 œufs de poule ou 24 œufs de caille
  • 3 cuillères à soupe de sauce de soja clair
  • 1 cuillère à soupe de sauce de soja foncé
  • 400 ml d’eau
  • 3 cuillères à soupe de thé noir de Chine
  • 2 bâtonnets de cannelle
  • 3 étoiles d’anis / badianes
  • 1 cuillère à café d’épices cinq-parfums
  • 1/2 cuillère à café de sel
  • 2 cuillères à soupe de sucre cassonade
  • Quelques grains de poivre noir
  • L’écorce d’une 1/2 mandarine non traitée (ou d’orange quand cela n’est plus la saison des mandarines – le zeste de mandarine est plus doux et parfumé que celui  de l’orange)

Oeufs marbrés de La Kitchenette de Miss Tâm 2

Préparation :

  • Cuire les œufs pendant 8 minutes (ou 4 minutes pour les œufs de caille) dans l’eau bouillante. Refroidir aussitôt sous eau froide. À l’aide d’une petite cuillère, tapoter doucement la coquille des œufs sur toute la surface pour qu’elle se craquelle sans se détacher. Réserver.
  • Dans une casserole, faire bouillir 400 ml d’eau. Hors du feu, verser les feuilles de thé noir et laisser infuser 4 à 5 minutes.
  • Verser la sauce de soja, le sucre, le sel, l’écorce de mandarine et toutes les épices dans le thé. Mélanger.
  • Remettre les œufs dans la préparation et cuire à feu très doux et à couvert pendant une dizaine de minutes. Cette étape permet aux thé et épices de bien pénétrer les œufs sans trop les cuire.
  • Après cuisson, laisser tiédir les oeufs dans la marinade à couvert puis transvaser les œufs et la marinade avec toutes ses épices, l’écorce de mandarine et remettre également les feuilles de thé dans un grand pot en verre (ou dans une boîte hermétique) en veillant à bien recouvrir les œufs. Fermer le pot ou la boîte hermétique. Laisser mariner 48 heures au frais.
  • J + 2 : Sortir les œufs de la marinade, les peler délicatement pour ne pas abîmer le blanc marbré. Et les œufs sont prêt à la dégustation !

En en-cas, apéritif ou entrée avec salade, ces jolis et délicieux œufs marbrés délicatement parfumés surprendront vos amis ! Bonne dégustation !