Crêpe vietnamienne farcie aux crevettes et au porc (Bánh xèo)

Connaissez-vous le délicieux bánh xèo (bánh = gâteau ou galette et xèo = grésillement), une crêpe vietnamienne, d’un beau jaune éclatant (grâce au curcuma) et croustillante, à base de farine de riz, de curcuma et de lait de coco, garnie de viande de porc, de crevettes et de germes de haricot mungo ? Elle se déguste à la main, enroulée dans une feuille de moutarde ou de salade avec quelques herbes aromatiques fraîches, trempée dans la sauce nuoc mam préparée à l’ail et au piment. Un concentré de saveurs et de parfum, un vrai régal !

Le bánh xèo est un plat du sud qui trouve vraisemblablement ses racines dans le centre du Vietnam. Dans la ville de Huê (ancienne capitale impériale du Vietnam), il y a l’emblématique bánh khoái, une spécialité de Huê, d’aspect et de garniture très similaires au bánh xèo du sud, mais de plus petite taille, avec une composition de pâte, de sauce et d’accompagnement de végétaux légèrement différents. J’aurai l’occasion d’en parler en détail dans un des futurs articles. Ci-dessous, une photo de bánh khoái dégusté dans une gargote à Huê.

Bánh khoái, Huê, Vietnam.

Le bánh xèo tire son nom du grésillement de la crêpe lorsque l’on verse la pâte dans la poêle bien chaude. La qualité de ce mets se mesure à son degré de croustillant et à la finesse de la pâte. Pour cela, il faut une poêle fine aux larges bords relevés comme au Vietnam, que le feu lèche jusqu’aux rebords pour uniformiser la chaleur. La cuisinière graisse bien la poêle avec du gras de porc (saindoux) qui donne une bonne saveur à la crêpe et qui permet à la crêpe de ne pas coller à la poêle. À feu vif, elle fait revenir quelques morceaux de viande, les oignons, quelques crevettes, puis verse la pâte avec dextérité pour recouvrir la surface de la poêle, ajoute les graines et les germes de haricot mungo, couvre la crêpe, laisse cuire une dizaine de minutes, replie la crêpe en deux et sert aussitôt, bien chaud.

Hors du Vietnam, avec d’autres matériaux et des habitudes alimentaires différentes, il faut composer pour essayer d’obtenir un résultat proche des crêpes traditionnelles. Avec un grand wok avec un revêtement anti-adhésif, ça marche assez bien aussi. Et concernant la matière grasse, on utilise peu de saindoux ici, ce qui fait perdre un peu de son goût exquis si spécial, mais on peut sans problème remplacer par l’huile végétale comme l’huile d’arachide ou de tournesol.

Le critère recherché d’un bon banh xèo est son croustillant. Le mélange de la pâte sera donc très important. Certains font des mélanges de farines différentes, rajoutent de la fécule de pomme de terre et de la farine de blé. Ou encore, on rajoute un œuf ou des œufs comme à Huê, alors qu’il n’y en avait pas dans la recette originale du sud. Cependant, dans l’évolution moderne de la recette, on rajoute un oeuf dans la pâte pour apporter plus de croustillant. Aujourd’hui, la plupart des gens utilisent des préparations toutes faites de mélange de farines pour les banh xèo, par commodité ! En ce qui me concerne, je préfère utiliser simplement la farine de riz, je rajoute de l’oeuf et un peu de fécule de haricot mungo (facultatif).

Dans les recettes proposées, la quantité de lait de coco me semble toujours très élevée. À raison, j’oserais dire, car au Vietnam, le lait de coco fait maison est moins “gras” que celui trouvé dans les boîtes de conserve. Là-bas, on prend une noix de coco sèche (coque sèche et marron), on gratte la pulpe, on verse de l’eau chaude ou on mixe avec l’eau chaude, et on filtre avec une mousseline pour extraire le lait de coco. La subtilité de certaines recettes va jusqu’à utiliser 2 pressions : le premier extrait de lait (plus concentré en coco) et le deuxième extrait (on rajoute de l’eau chaude à la pulpe de coco déjà pressée) qui donnera un lait très dilué. Cette procédure est notamment utilisée dans la confection de mets sucrés vietnamiens. Bref, ce lait de coco fait maison moins gras que l’industriel permet d’avoir de la légèreté et du croustillant à la crêpe banh xeo ! C’est la raison pour laquelle je dilue toujours le lait de coco avec un peu d’eau.

Concernant la farce, il y a deux façons de cuisiner. Certains préparent et cuisent la viande et les crevettes avant de faire les crêpes. La farce est déposée sur la pâte déjà étalée dans la poêle. D’autres font revenir la viande, les oignons et les crevettes avant de verser la pâte. Cette version permet de “prendre” la farce dans la pâte et en facilite sa dégustation (sinon la farce tombe quand on roule dans la salade!). Il y a ceux qui mettent de la farce sur toute la crêpe et ceux qui n’en mettent que d’un côté pour faciliter le pliage et avantager le croustillant. Bien que les gourmands préfèrent une crêpe très garnie, il est préférable comme dans la recette originale, de mettre juste quelques petits morceaux de porc et deux, trois crevettes. S’il y a trop de farce, la crêpe sera difficile à manger et perdra de son croustillant, comme de sa légèreté.

Enfin, il existe des variantes de crêpes avec la même base de farce (porc, crevettes, germes de haricot mungo) à laquelle on ajoute des champignons parfumés (shiitake), de l’ail, de la ciboulette chinoise (aillée) et/ou des carottes râpées, et des farces à base de bœuf ou des produits de la mer.

Fish mint / Houttuynia cordata ou Rau giấp cá, diếp cá, dấp cá.

L’accompagnement est similaire à celui des nems ou pâtés impériaux : de la salade (ou des feuilles de moutarde au Vietnam), une variété d’herbes aromatiques et idéalement si on peut en trouver comme à Paris, de l’herbe “fish mint” / houttuynia cordata ou en vietnamien, rau giấp cá (orthographié également diếp cá ou dấp cá), qui est incontournable dans ce plat et qui lui donne une saveur subtile très particulière de fumé aux senteurs de poisson.

Si la plupart des plats vietnamiens paraissent compliqués à faire mais dont la réalisation est en réalité simple, je dois dire que le banh xeo paraît simple mais sa réalisation est plus délicate par rapport au résultat attendu : son croustillant ! Que cela ne décourage personne ! Même s’il arrive que la pâte ne soit pas toujours croustillante, cela n’altère pas les saveurs exquises de ce plat. Alors, pourquoi se priver du plaisir de réaliser ce plat ? Après plusieurs tests de recettes (venant de la famille, des livres, d’internet), voici ma version de la recette de banh xèo.

Recette de la crêpe vietnamienne farcie aux porc, crevettes et germes de haricot mungo / bánh xèo :

Recette révisée et réactualisée le 11/10/2017.

Pour 6 crêpes moyennes avec un wok de 36 cm de diamètre.

Ingrédients :

  • 200 g de farine de riz (bột gạo, de préférence la farine d’aspect aggloméré concassé, marque Vinawang).
  • 300 ml de lait de coco
  • 150 ml (ou un peu +) d’eau (en fonction de la texture de la pâte = bien fluide, liquide)
  • 1 c. à café de curcuma en poudre
  • 1 c. à café rase de sel fin
  • 1/2 oeuf légèrement battu (facultatif)
  • 3 à 4 tiges de ciboulettes thaïes (ou cives – seulement la partie verte (tiges))
  • Huile de tournesol ou d’arachide

Farce

  • 300 g de poitrine de porc découennée (pas trop grasse)
  • 300 g de crevettes décortiquées (prévoir environ 400 g avec leur carapace sans tête)
  • 2 cuillères à soupe de nuoc mam (saumure de poisson)
  • 1 gros oignon pelé, ciselé
  • 200 g de germes de haricot mungo
  • Facultatif : 50 g de haricots mungo décortiqués (graines jaunes)

Assiette d’herbes aromatiques et de feuilles de salade

  • Feuilles de pérille ou shiso (rau tía tô)
  • Menthe
  • L’indispensable « fish mint » ou feuilles d’houttuynia cordata (rau giấp cá, dấp cá ou diếp cá) aux senteurs surprenantes de poisson que l’on sert toujours avec ces crêpes vietnamiennes ou avec les pâtés impériaux / nems.
  • Feuilles de batavia

Sauce nuoc mam préparée (saumure de poisson diluée aigre-douce) (nước mắm pha (sud) / nước chấm (nord))

  • 2 à 3 cuillères à soupe de nuoc mam (de préférence, de Phu Quôc, Vietnam, 35 N)
  • 2 c. à soupe de cassonade ou sucre blond de canne en poudre
  • 1 c. à soupe de vinaigre de riz (ou remplacer par 1 cuillère à soupe de vinaigre de cidre)
  • 2 c. à soupe de jus de citron vert pressé
  • 9 à 10 cuillères à soupe d’eau (ou plus, rectifiez selon votre goût)
  • 1 ou 2 gousses d’ail haché
  • Piment rouge épépinée et hachée ou 1 cuillère à café de Sambal Oelek (purée de piment) selon goût et envie

Préparation :

Pâte à crêpe

  • Dans un grand récipient, mélanger la farine de riz, le sel et la poudre de curcuma.
  • Mélanger l’eau et le lait de coco. Verser sur la farine de riz. Bien mélanger l’ensemble.
  • Laver, nettoyer et ciseler la partie verte de la ciboulette thaïe (ou cives).
  • Ajouter la ciboulette ciselée à la pâte. Mélanger et laisser reposer pendant 1 heure.

Sauce nuoc mam préparée

  • Pendant que la crêpe cuit, préparer la sauce d’accompagnement. Dans un bol, mélanger les 2 (ou 3 selon goût) cuillères à soupe de sucre à 9 ou 10 cuillères à soupe d’eau pour bien le dissoudre. Ajouter les 3 cuillères à soupe de nuoc mam pur (saumure de poisson non diluée), 1 c. à soupe de vinaigre de riz blanc et 2 c. à soupe de jus de citron vert pressé. Mélanger. Goûter. Rectifier si nécessaire selon goût.
  • Hacher finement l’ail et ciseler le piment (quantité selon envie et goût).
  • Ajouter à la sauce préparée. Mélanger. Réserver.

Assiette de feuilles de salade et d’herbes aromatiques

  • Laver et sécher la salade et les herbes. Les disposer dans un grand plat ou une grande assiette.

Farce

  • Facultatif : Faire tremper dans l’eau 50 g de haricots mungo décortiqués (= graines jaunes) pendant 30 minutes. Les cuire à la vapeur ou à l’eau froide (avec 1 cm d’eau au-dessus des haricots mungo) pendant 20 minutes. Si on les cuit à l’eau, il faut bien surveiller la cuisson pour que cela n’attache pas au fond de la casserole.

  • Trancher finement la poitrine de porc en morceaux (1 cm x 2 cm environ) et 1 mm d’épaisseur, en conservant (ou pas) la couenne. Mélanger avec 1 cuillère à soupe de nuoc mam pur (saumure de poisson non diluée) et une pincée de sucre. Faire mariner au moins 15 minutes.
  • Laver, décortiquer entièrement les crevettes. Mélanger avec 1 cuillère à soupe de nuoc mam pur (saumure de poisson non diluée). Faire mariner 15 minutes.
  • Emincer l’oignon. Réserver.

  • Laver, égoutter les germes de haricots mungo (connu sous le nom de « pousses de soja »). Réserver.
  • Faire chauffer 2 cuillères à soupe d’huile dans une poêle en fonte à feu moyen. Dès que l’huile est bien chaude, faire revenir les tranches de poitrine de porc et les oignons pendant 5 bonnes minutes,
  • Ajouter les crevettes. Faire revenir 1 ou 2 minutes. Hors feu, réserver.

  • Bien remuer la pâte avant de verser une louche dans le wok bien chaud et huilé, tourner le le wok pour répartir uniformément la pâte (les bords notamment).
  • Ajouter quelques tranches de porc et quelques crevettes sur la pâte.

  • Parsemer aussitôt une petite poignée de pousses de haricots mungo (et facultatif, déposer une cuillère à soupe rase de haricots mungo cuits) sur la farce.
  • Couvrir le wok avec une grille anti-projection (avec un couvercle, on risque de ramollir la crêpe). Au bout de 2mn les bords se décollent légèrement, ajouter quelques gouttes d’huile sur les bords de la crêpe. Bien répartir la matière grasse en tournant le wok de façon circulaire. Cuire encore 4 minutes environ.
  • Déposer la crêpe banh xèo dans le plat de service et couper aux ciseaux en trois ou 4 portions. Ainsi tout le monde peut déguster chaud en même temps.

Service et présentation :

  • Comptez 1 à 2 grandes crêpes par personne.
  • Mettre à disposition au centre de la table, les herbes et la salade ainsi que le plat contenant la crêpe garnie. Pour faciliter la prise avec les baguettes, on pourra pré-découper en 2 ou en 4 portions.
  • Pour chaque convive, une coupelle de sauce nuoc mam à l’ail et au piment.

Notes :

Les photos ont été réalisées à l’époque avec une poêle à revêtement anti-adhésif. Mais le wok est plus adapté.

Pour déguster, prenez une demi feuille de salade, déposez quelques herbes et une portion de crêpe garnie, roulez l’ensemble dans votre main, trempez le rouleau dans la sauce et… bon appétit !!!