A propos Miss Tâm

D'origine vietnamienne, née il y a bientôt 40 ans et basée à Paris, Miss Tâm, insatiable curieuse et pétillante gourmande, parcourt le monde culinaire à la recherche des saveurs, des parfums, des odeurs, des couleurs, des textures, des mots, des images, des sons qui ont du goût!

Pâté de tête à la vietnamienne (Giò thủ)

Dans la tradition culinaire du nord du Vietnam, les mets préparés pour le Nouvel an sont d’abord destinés au génie du foyer (protecteur du foyer) et aux ancêtres, avant de pouvoir les déguster à son tour le premier jour de l’année. Ils sont servis dans 4, 6 ou 8 bols et respectivement dans 4, 6 ou 8 assiettes. En général, les plats du nord sont composés du fameux gâteau de riz gluant farci au porc et à la pâte de haricot mungo de forme carrée (bánh chưng), de poulet bouilli (gà luộc), de viande de porc en gelée (thịt đông), de soupe de couenne frite et de légumes (canh bóng bì), de vermicelles de soja aux abats de poulet (miến lòng gà), de mortadelle (giò lụa) et/ou pâté de tête de porc (giò thủ), d’oignons blancs vinaigrés (dưa hành), de légumes en saumure (dưa món), de riz glutineux rouge au momordique de Cochinchine (xôi gấc – car la couleur rouge est une couleur qui représente le bonheur au Vietnam)… Du côté des mets sucrés, il y a toujours un plateau de fruits, des fruits confits et confiseries et des entremets sucrés. Voilà un festin assuré pour bien commencer l’année !

Étant originaire du sud du Vietnam, ma famille prépare des mets différents de ceux du nord pour le Nouvel an, mais je traiterai en détail ce sujet l’an prochain pour l’année de la chèvre, je vous le promets ! J’ai eu la chance de grandir dans une famille vietnamienne ouverte aux cultures des autres régions du pays, sans ce clivage régionaliste nord / sud très marqué (hélas) chez les Vietnamiens. Cela m’a permis lorsque j’étais enfant, de découvrir, de goûter et même d’avoir le plaisir de participer à la confection des plats du nord du nouvel an tels que le délicieux pâté de tête de porc, appelé Giò thủ, présenté aujourd’hui dans La Kitchenette.

Pour ceux qui ne connaissent pas cet exquis pâté de fête, c’est le jumeau vietnamien du fromage de tête français. Essentiellement à base des morceaux de tête de porc (oreilles, langues, museau), le giò (= « hachis » de porc) thủ (=tête) est parfumé aux champignons noirs et shiitakés, aux oignons et à l’ail, au nuoc mam pur (saumure de poisson) et surtout au poivre. Autrefois, ce pâté de tête était enveloppé dans des feuilles de bananier. Certains en font encore de cette façon. Comme toujours, il existe plusieurs façons de réaliser ce pâté de tête selon les familles. Certaines personnes ajoutent des épices supplémentaires (des cinq-épices, du gingembre par exemple) pour parfumer, de l’omelette en fines lamelles comme dans le sud pour faire joli, des aromates, de la poudre de bouillon comme il est (trop) souvent d’usage dans la cuisine vietnamienne, ou même du glutamate. En ce qui me concerne, je préfère rester au plus proche de la simplicité.

Pour la cuisson, les Vietnamiens ne cuisent pas les parties de tête aussi longtemps que les Français pour leurs fromages de tête. Cela permet de mieux conserver le croquant des cartilages et de préserver une certaine tenue de la viande. La cuisson à l’eau bouillante salée dure environ 40-45 minutes maximum, mais les oreilles sont souvent retirées avant la fin de cuisson. Ensuite, les morceaux de viande sont découpés en lanières, en lamelles, en tranches, en morceaux selon envie, et sont revenus à la poêle avec les champignons réhydratés et les condiments, épices et aromates, pendant 10 à 15 minutes supplémentaires. C’est pourquoi il est courant de voir ce pâté appelé giò thủ xào (= sauté, poêlé).

Une fois que tout est cuit et revenu à la poêle, les gens au Vietnam utilisent souvent des boîtes de lait métalliques vides (qui existent en plusieurs tailles plus ou moins hautes), pour confectionner les pâté de tête. On obtient ainsi un long pâté cylindrique et de belles rondelles. Hors du pays, on ne trouve pas toujours facilement des longues boîtes cylindriques en métal, mais on peut utiliser des bouteilles en plastique ou simplement des boîtes hermétiques ou des terrines avec couvercle. Personnellement, j’aime utiliser les bouteilles en plastique.

Avec ma copine de blog, Létitia (de Piment oiseau ici), nous nous sommes mises d’accord pour publier chacune sa recette du gio thu le même jour ! C’est un petit clin d’œil gourmand et amical qui a commencé avant Noël autour de choses ragoûtantes comme le cochon, la charcuterie, les oreilles, les museaux, les têtes, où les langues se sont déliées joyeusement…

Voici ma recette du pâté de tête à la vietnamienne (Giò thủ).

Préparation : 1 heure. Cuisson : 45 minutes + 15 minutes.

Ingrédients :

  • 2 oreilles de porc
  • 2 langues de porc
  • 2 joues ou 1 museau de porc (si vous n’en trouvez pas, vous pouvez remplacer par du jarret)
  • 1 gros oignon haché + 1 gros oignon pour la cuisson de la viande à l’eau
  • 3 ou 4 gousses d’ail finement haché
  • 20 g de champignons noirs séchés
  • 2 têtes de shiitaké (champignons parfumés) séchés
  • 2 cuillères à soupe de nuoc mam (saumure de poisson)
  • 1 cuillère à soupe de sucre roux de canne
  • 1 cuillère à café de poivre noir moulu
  • 1 cuillère à soupe de poivres noir et blanc mélangés, à concasser grossièrement.
  • 1 cuillère à soupe rase de sel fin + 2 cuillères à soupe de sel pour le nettoyage + 1 cuillère à soupe de sel fin pour la cuisson des morceaux de porc.
  • Vinaigre blanc pour nettoyer les oreilles et le museau.
  • facultatif : 1 bout de gingembre pour la cuisson à l’eau des morceaux de viande

Matériel :

  • Un moule long cylindrique (une bouteille en plastique ou une boîte de conserve haute et fine) pour avoir de belles tranches rondes traditionnelles.
  • Sinon, une terrine ou une boîte hermétique rectangulaire fera également l’affaire.

Préparation :

  • Bien nettoyer les oreilles, langues et museau avec deux cuillères à soupe de sel. Frotter. Nettoyer en particulière les oreilles et le museau au vinaigre blanc mélangé à un peu d’eau. Rincer abondamment.

  • Faire cuire toute la viande dans l’eau bouillante salée (1 cuillère à soupe de sel) avec 1 oignon pelé entier (et facultatif :1 bout de vieux gingembre) pendant 40-45 minutes. Bien surveiller les oreilles au bout de 20-25 minutes. Prendre une baguette asiatique ou une brochette en bois / bambou, et transpercer l’oreille. Si ça passe facilement, retirer les oreilles du bouillon. Si ça cuit trop longtemps, les cartilages vont perdre en croquant. C’est ce croquant qui fait l’intérêt du pâté de tête vietnamien. Laisser cuire le reste des morceaux de viande.
  • Après cuisson, sortir du bouillon, nettoyer, laisser refroidir.

  • Pendant la cuisson du porc, faire tremper les champignons noirs et shiitakés séchés dans l’eau dans un grand bol pendant 30 minutes. Puis rincer à l’eau pour les nettoyer, égoutter, puis couper les champignons réhydratés en lanières de 2 à 3 mm. Réserver.

  • Les oreilles : couper en lanières de 2 à 3 mm d’épaisseur.
  • Les langues : peler toute la langue, surtout le dessus de langue qui aura blanchi à la cuisson. Couper en tranches.
  • Le museau ou les joues : couper en petits morceaux.

  • Peler l’oignon et les gousses d’ail, puis hacher. Concasser grossièrement les grains de poivres noirs et blancs.
  • Dans une grande poêle ou marmite, chauffer un peu d’huile sur feu vif, faire revenir l’oignon. Ajouter les oreilles, les langues et le museau ou les joues, puis l’ail. Verser le nuoc mam pur (saumure de poisson), le sel, le sucre, le poivre moulu et les grains de poivre. Faire revenir pendant 10 minutes.

  • Ajouter en dernier les champignons. Faire revenir pendant environ 5 minutes. Goûter, rectifier avec un peu de sel, de poivre ou de sucre si nécessaire.
  • Lorsque la viande suinte et rend un peu de liquide, devient visqueuse d’aspect, la cuisson arrive à terme. Ce jus est la gelée qui va permettre de lier tous les morceaux de viande en refroidissant. Réserver hors du feu et laisser tiédir.

  • A moins de posséder un vrai moule long et cylindrique, on peut en créer un simplement avec une grande bouteille en plastique en coupant le haut de la bouteille. Prendre un grand sac plastique de congélation, chemiser l’intérieur de la bouteille (voir photos).
  • Remplir complètement la bouteille de morceaux de viande cuite avec son jus. Bien tasser le contenu au fur et à mesure à l’aide d’une cuillère en bois.

  • Au bout de la bouteille, une fois bien remplie avec un peu de débordement de viande, refermer le sachet en plastique en chassant l’air et en comprimant au maximum les morceaux de viande. Faire un nœud au bout. Laisser refroidir à température ambiante pendant 3 à 4 heures.

  • Puis garder au réfrigérateur au moins 12 heures avant de déguster. Le froid permettra à l’ensemble du pâté de se former grâce à la « gelée » (nhựa) du porc obtenue pendant la cuisson.
  • Le lendemain ou après 12 heures de repos au frais, on peut sortir le pâté de tête de sa bouteille en tirant sur le sachet en plastique.
  • Sortir le pâté du sachet et couper en tranches épaisses. Les disposer dans une assiette pour servir.

Et voilà un superbe pâté de tête à la vietnamienne, un délicieux giò thủ pour accompagner les différents mets du Nouvel an vietnamien, ou simplement pour le plaisir d’en savourer sans occasion spéciale, en apéritif, en sandwich ou avec un simple bol de riz blanc… Quel régal !

Questionnaire de Miss Tâm #3 : Entretien avec Vuong Duy Binh (Loin des yeux de ma mère, Editions First)

Point de recette à livrer, mais un livre à dévorer et un portrait à découvrir…

J’ai rencontré Vuong Duy Binh en 2007 grâce à une très bonne amie commune. Les premières choses qui m’ont plu chez lui étaient sa délicatesse et sa joie de vivre. Son radieux sourire balaie les tracas d’une sombre journée. Et on ne peut rester insensible au charme discret et à l’élégance parfaite de cet homme. Par une pure coïncidence, cette année-là fut également la concrétisation d’un rêve et le commencement de l’écriture de son récit autobiographique.

Le 16 janvier dernier, « Loin des yeux de ma mère » voit enfin le jour chez les Éditions First. Vuong Duy Binh nous livre un témoignage poignant sur son histoire et celle de sa famille dans l’atmosphère de guerre et de tensions politiques au Vietnam à la fin des années 60, sa fuite en bateau en 1979, son arrivée en France comme boat-people jusqu’au moment où il a enfin pu faire venir sa famille en France au printemps 90. Qui soupçonnerait derrière cette douceur qui nous frappe en premier chez Binh, une force titanesque et une volonté de fer ? Lisez son livre, c’est une belle leçon d’amour, de vie et d’espoir.

Binh ou Brice dans l’état-civil français, est la discrétion personnifiée. Peu bavard sur son passé, il a pourtant aimablement accepté de se prêter au jeu du questionnaire de Miss Tâm pour un portrait culinaire ludique et d’approfondir l’entretien avec des sujets plus personnels. Alors quand deux gourmands se retrouvent, c’est forcément autour d’une (bonne) table. Un lieu à son image, discret, raffiné et de qualité : Le Réminet au 3 rue des grands degrés 75005 Paris. Le caveau nous prive certes de lumière pour faire de bonnes photos, mais l’ambiance feutrée et intime est tout à fait propice aux confidences et à la dégustation d’une cuisine de très grande qualité. Je vous recommande vivement cette excellente adresse.

Et voici le petit portrait culinaire de Vuong Duy Binh suivi de l’entretien plus personnel. Bonne découverte !

  • Si tu étais un aliment ou un plat / dessert, lequel serais-tu ?

La truffe. D’abord ça pousse sous terre. C’est discret. Je suis quelqu’un de très discret. Son apparence n’est pas très belle, mais à l’intérieur c’est un vrai diamant.

  • Ton meilleur souvenir de cuisine ou en lien avec la nourriture dans ton enfance ?

Le chè Táo Xọn (soupe sucrée à base de fécule de tapioca avec des haricots mungo décortiqués, des lamelles de coco) du marché de la paix (chợ Hoà Bình) à Saigon.  Enfant, j’allais dans la petite échoppe de mon grand-père maternel qui vendait des bâtons d’encens, des papiers pour les prières, etc. Il me gardait souvent pendant que ma mère travaillait. Il me disait tout le temps d’aller choisir un dessert au marché. Pour un enfant, les rayons de desserts sont toujours fascinants.

  • Ton coup de foudre gustatif

La truffe ! Je l’ai découverte la première fois à Hong-Kong lors d’un déplacement professionnel. J’étais allé au restaurant Le Spoon d’Alain Ducasse. C’était un plat tout simple… Des coquillettes avec du jambon… et de la truffe ! C’était fabuleux ! Une vraie révélation gustative.

  • L’anecdote culinaire la plus drôle qui t’est arrivée  (en cuisine ou pendant un repas)?

La bosse du chameau. En 1997, j’étais en voyage à Pékin. La Cité Interdite organisait sans doute pour les touristes, un repas impérial, un vrai festin chinois. Nous étions quatre amis. Les plats défilaient, délicieux. Puis arrivait le tour des bosses de chameaux en tranches ! Nous commencions à en mettre dans la bouche, une odeur très puissante nous incommodait déjà et sa texture assez coriace nous avait littéralement achevés. Nous nous étions tous mis à recracher le morceau, en même temps et spontanément, je te laisse imaginer la tête du restaurateur. (éclats de rire)

  • Dans une cuisine, quel objet serais-tu ?

Un tire-bouchon. Parce que c’est lié au vin, c’est élégant, discret, convivial et festif.

  • Ton pire cauchemar culinaire ou un aliment que tu détestes ?

La bosse de chameau.

  • Si tu étais un chef cuisine, où serais-tu ?

Je serai chef dans un restaurant avec terrasse sur la Côte d’Azur, avec vue sur la mer. Je trouve qu’il y a une luminosité très belle, très particulière, dans cette région. J’adore aller là-bas, cela m’apaise.

  • Le plat ou le dessert que tu as toujours rêvé de faire sans jamais l’oser ?

La galette des rois. Ça m’a l’air difficile et compliqué de faire la pâte feuilletée et la frangipane mais j’adore la galette aussi pour son côté très convivial :  la surprise avec la fève, on fait participer les enfants, c’est festif.

  •  En cuisine, si tu étais un secret, lequel serais-tu ?

Ma sauce magique mais je ne peux en révéler le secret…

  • Quel est ton plat (ou dessert) vietnamien favori ?

Bún thịt nướng (vermicelles de riz au porc grillé) ou nem nướng (boulettes de porc grillé) du marché de Bến Thành à Saïgon. Les vermicelles de riz sont fraîches et ont un goût fabuleux. Il y a cette bonne viande grillée, les herbes fraîches et la ciboulette huilée (ou huile de ciboulette / mỡ hành) qu’on arrose sur la viande… C’est tellement bon !

Entretien avec Vuong Duy Binh à propos de son parcours, de ses goûts culinaires et de son livre :

  • En quelques mots, qui es-tu ? D’où viens-tu ?

J’ai beaucoup de chance. Je suis quelqu’un de multi-culturel. Tu vois, je suis né dans la cuisine chinoise, j’ai grandi avec la cuisine vietnamienne et je vis dans la gastronomie française.

  • Quel est ton parcours ?

Pour résumer, à 11 ans, j’ai dû fuir le Vietnam. Après un passage de six mois dans les camps de Malaisie, je suis arrivé en France la même année. J’ai dû apprendre le français, puis j’ai fait un cursus classique. J’ai passé le baccalauréat D en 86, fait des études de pharmacie à la fac de Chatenay-Malabry et passé une thèse en pharmacie. J’ai terminé mon cursus pharmacie avec un DESS de marketing spécialisé. Aujourd’hui, je suis directeur du marketing dans un grand groupe pharmaceutique.

  • Te souviens-tu de ton arrivée en France ?

Oui parfaitement… Tous les foyers d’accueil étaient complets. Nous étions donc hébergés provisoirement dans un foyer de jeunes travailleurs à Poissy. Il y avait une cantine. Je vois encore les premiers pains ronds, les « doses » en plastique de beurre et surtout de confiture qu’on trouve souvent dans les cafétérias. Cela m’a marqué parce qu’étant enfant, j’aimais beaucoup le sucré. Et cette confiture, ce petit beurre et ces petits pains ronds étaient pour moi très curieux, étranges. Et je m’en délectais.

Ensuite, J’ai été transféré au centre d’accueil de Herblay (dans les Yvelines). Puis on m’a emmené au foyer Chérioux à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne) un jeudi du 12 novembre. Ma première boum avec des enfants du foyer A le mercredi m’a bien marqué. J’étais totalement fasciné par cette boum et par tous ces enfants qui s’amusaient et qui dansaient. Depuis, je rattache cette période à la chanson de Sardou, « La maladie d’amour » ou encore « Rockcollection » de Laurent Voulzy etc… C’est amusant.

Tu sais, au début je communiquais comme je pouvais, en (mauvais) anglais avec les éducatrices, dont je me souviens encore les noms Dominique, Anne et Annick. On nous mettait dans les classes d’apprentissage de français. La première phrase apprise de la langue française était « Monique va sous le lit »… (éclats de rire) C’est vraiment trop drôle ! On portait une blouse pour aller à l’école. Et je me souviens encore des polycopiés à l’encre violette qui sentait bon l’alcool.

Pourquoi as-tu choisi pharmacie ?

C’était un hasard, mais un hasard qui a bien fait les choses. L’année du baccalauréat (j’étais alors en terminale D), les profs m’avaient beaucoup découragé parce que je n’avais pas de très bonnes notes. Il faut savoir qu’au foyer, les jeunes allaient dans des voies professionnelles avec des études CAP ou BEP et rares étaient ceux qui faisaient des études poussées.

Après l’obtention du bac le 1er juillet 1986, j’étais allé à la fac de Jussieu avec Mireille, l’éducatrice pour les inscriptions en DEUG B. À cette époque, on devait passer un entretien pour l’inscription. Un rendez-vous était seulement possible le 7 ou 8 juillet. Or cela ne m’arrangeait pas car je devais travailler comme animateur dans une colonie le 4 juillet. Comme j’avais une chambre universitaire à Chatenay-Malabry et qu’il y avait une faculté à côté, j’avais alors choisi pharmacie par commodité. Ce fut une sacrée chance parce qu’à partir de la 2ème année de pharmacie, on pouvait même commencer à travailler et à gagner un peu d’argent. Je pouvais ainsi envoyer de l’argent à ma famille. C’était parfait.

  • Comment l’idée d’écrire un roman t’est venue ?

Dans la vie quotidienne, je raconte rarement ma vie. Ou alors quand on me pose des questions, je dis simplement que j’étais parti seul parce que mes parents avaient raté le bateau, ou que la police était arrivée. Car pour raconter vraiment, il faut du temps. Et les gens demandent souvent par politesse ou pour la forme. C’est inutile d’étaler ma vie. Au foyer et même à la fac, je fréquentais pas mal de Vietnamiens. Chacun avait une histoire intéressante, extraordinaire. Mais pour nous, cela n’avait rien de spécial, c’était même assez « ordinaire ».

En 1996, J’ai eu la chance via un ami d’être invité chez Marc Lavoine et sa femme Sarah pour un dîner. Ce soir-là, Sarah m’avait posé des questions sur mon passé. Sa curiosité et son écoute particulière me donnaient envie de raconter enfin mon histoire.

Ça a pris dix ans pour que le projet d’écrire commence à se concrétiser. En effet, j’ai attendu d’être prêt pour raconter et partager mon histoire, d’abord pour ma famille, pour qu’elle comprenne ce que j’ai vécu loin d’elle.

  • Pourquoi as-tu choisi ce titre « Loin des yeux de ma mère »  pour ton roman?

J’ai choisi ce titre parce que je me rappelais de ses yeux posés sur moi quand j’étais enfant, un regard protecteur.

  • Quel est ton passage préféré dans le livre ?

Le chapitre de l’improbable rencontre.

Un jour, on devait aller voir mon père dans la zone occupée. J’avais cinq ans. On s’était rendu chez une dame qu’on appelait Bac Hai. Elle avait deux garçons.  En attendant l’arrivée de mon père, j’allais jouer avec les enfants et on partait se baigner à la rivière en mobylette conduite par le grand fils de Bac Hai. J’avais à l’époque un chapeau de toile orange et un grain de beauté très visible à l’œil droit. Sur la route, tout à coup mon chapeau s’était envolé. Dans le sens inverse arrivait une grosse moto 125 cm3 avec un monsieur frimeur portant des lunettes de soleil avec une barre transversale dorée, en tenue de militaire. Il s’était arrêté pour ramasser le chapeau. Le monsieur me fixait un moment (sans doute m’avait-il reconnu grâce à mon air de famille et mon grain de beauté) à travers ses lunettes de soleil avant de me remettre le chapeau sans rien dire. J’étais impressionné et je balbutiais un timide merci. On s’était regardé et on était parti chacun dans une direction opposée. Après la baignade à la rivière, au retour chez Bac Hai, j’ai aperçu le même monsieur. Un vrai choc. C’était en fait mon père que je n’avais pas reconnu sur le moment. La dernière fois que je l’avais vu, c’était à l’âge de trois ans et je n’avais aucun souvenir. On peut dire que c’était la première fois que j’avais conscience de voir mon père.

  • Y a-t-il un souvenir lié à la cuisine dans ton roman ?

Oui les délicieux chè du marché de Hoa Binh à Saigon. (dessert vietnamien sous forme de soupes ou porridges sucrés avec divers ingrédients et à la mode du sud, toujours nappés de sauce au lait de coco).

  • Pour revenir au thème de mon blog, aimes-tu cuisiner ou préfères-tu manger ?

J’aime manger mais je ne sais pas bien cuisiner. À la fac, j’étais le spécialiste de l’omelette aux pennés. C’était bon, nourrissant et pas cher. Maintenant chez moi, je mange des grillades ou du jambon avec de la salade. Et lorsque je suis dehors, j’aime bien manger italien car j’adore la cuisine italienne.  J’aime aussi les bistrots modernes de type bistronomie et j’adore manger vietnamien, japonais, toutes les cuisines d’Asie.

  • Quelles sont tes adresses préférées de restaurants à Paris que tu pourrais recommander à mes visiteurs ? 

Il y a un tout petit restaurant italien près de chez moi, Le Giallo Oro, dans le 16ème. Il y a aussi le Café constant dans le 7ème, le Cô Tu dans le 15ème pour la cuisine vietnamienne ou L’impérial choisy, dans le 13ème pour la cuisine chinoise.

  • Selon toi, quelles sont les croyances, les erreurs ou les confusions que les Français font souvent dans la cuisine vietnamienne ?

Certaines personnes disent qu’ils vont manger chinois pour aller manger les nems (un mets typiquement vietnamien)…

  • Enfin,  pour clore cette interview, quels sont tes projets ou tes souhaits pour l’année du cheval ?

Je souhaiterais que le livre soit un succès pour mon éditeur (Éditions First) qui m’a fait confiance et bien sûr, maintenant qu’il est sorti, je serai très fier et très touché que mon histoire rencontre un large public.

Merci beaucoup à Vuong Duy Binh d’avoir si gentiment accepté de participer à l’entretien et  pour le délicieux moment passé ensemble au Réminet.

J’ai eu beaucoup de plaisir à vous faire découvrir Vuong Duy Binh. J’espère surtout que cet entretien vous donnera envie de lire son émouvant témoignage dans « Loin des yeux de ma mère » aux Éditions First, avec une magnifique préface de Marc Lavoine, ci-dessous.

« Loin des yeux de ma mère.
Dans cette phrase il y a toute une vie, une vie à sauver, à construire, à inventer sans le regard de celle qui vous a donné la vie. Cette vie si grande, si belle et si dure, si cruelle qu’il faut malgré tout vivre sans haine et sans mensonge, avec la force de l’espoir et le travail de chaque souffle. Brice (ndlr : prénom français de Vuong Duy Binh) a vécu ce qu’il raconte, il est la preuve vivante que si l’on veut savoir, apprendre,
comprendre, pardonner sans oublier, aimer plus fort que la
violence, la haine et le destin malheureux, aimer jusqu’à se
rencontrer, en connaissant les autres, c’est possible.

Cette épopée incroyable, cette aventure est vraie, et
cela remue les choses essentielles logées au fond de nous,
les larmes du coeur et de l’âme. Un enfant, un bateau, un
exil, une lumière, une flamme qui ne s’éteint pas, la vie
pas comme les autres d’un auteur qui vient de naître. »

Marc Lavoine

Où acheter le livre « Loin des yeux de ma mère », 2014, Éditions First ?

Actualités de « Loin des yeux de ma mère » sur Facebook : https://www.facebook.com/LoinDesYeuxDeMaMere

Blog et critique sur le livre :

Travers de porc grillés à la citronnelle (sườn nướng sả)

Les grillades de travers de porc sont très populaires dans la cuisine vietnamienne. Les Vietnamiens apprécient particulièrement les grillades de toutes sortes. Au Vietnam, on en trouve facilement dans les restaurants, les gargotes ou dans les rues des grandes villes. Il est fréquent de voir une marchande accroupie au sol devant un récipient contenant de la braise fumante ou petit feu entretenu avec une grille posée dessus, qui fait griller quelques tranches de viande ou de crustacés marinés à l’ail, à la citronnelle, aux cinq-épices ou simplement au nuoc mam et à la sauce de soja. Se balader dans les rues de Saïgon ou de Hanoï, devient alors un exercice difficile pour résister à l’appel de ces délicieuses grillades…

Ce plat populaire peut se cuisiner avec différents morceaux de porc : échine, côtes ou travers de porc, voire du filet mignon. La marinade au nuoc mam, à la sauce de soja et au miel (ou au sucre brun) est une base pour diverses saveurs possibles : citronnelle, cinq-épices, piments, poivre, ail… Si les fours sont peu utilisés au Vietnam, en Occident, ils sont un instrument de cuisson incontournable. Les recettes de grillades vietnamiennes hors du pays sont ainsi adaptées au four, à défaut de pouvoir faire de vraies grillades au feu de bois, au charbon ou barbecues à l’extérieur, dans un jardin, quand on le peut et lors des beaux jours.

Dans mon enfance, les travers de porc à la citronnelle étaient un plat très apprécié à la maison. J’aimais en particulier sentir le délicat parfum de citronnelle et l’odeur si agréable de viande grillée sortir du four. J’attendais avec une impatience gourmande, le moment venu de pouvoir ronger les os avec les doigts, de les nettoyer parfaitement en les débarrassant du reste de (bonne) viande attachée. Avec mon père, nous faisions même des jeux stupides comme le concours d’os le mieux rongé… J’en ris encore. Tout cela ne nous empêchait pas d’apprécier à sa juste valeur, ce plat cuisiné avec talent et amour.

Voici la recette familiale réadaptée des travers de porc à la citronnelle.

Ingrédients :

  • 1 kg de travers de porc (les os pèsent lourd!) suivant les appétits
  • 2 cuillères à soupe de saumure de poisson pure (nuoc mam pur non dilué)
  • 1 cuillère à soupe de sauce de soja
  • 3 cuillères à soupe de miel liquide
  • 1 cuillère à soupe de vinaigre de riz blanc
  • 3 ou 4 tiges de citronnelle (partie blanche) hachées
  • 2 échalotes finement hachées
  • 2 gousses d’ail finement hachées
  • 1 cuillère à soupe de jus de citron pressé (soit 1/2 citron jaune ou vert)
  • Poivre
  • Facultatif : du piment épépiné et haché ou purée de piment Sambal Oelek selon envie et selon goût.

Préparation :

  • Nettoyer et trancher entre les os. Couper en morceaux la partie de viande sans os (en haut des travers de porc) et enlever un peu de gras.

  • Hacher finement l’ail et les échalotes.
  • Laver les tiges de citronnelles. Écraser les tiges de citronnelle avec le plat du couperet ou d’un grand couteau, supprimer la première enveloppe et hacher finement.

  • Dans un bol, mélanger le nuoc mam, la sauce soja, le miel et le vinaigre de riz blanc. Ajouter l’ail, l’échalote et la citronnelle hachés.

  • Mélanger et verser sur les morceaux coupés de travers de porc. Réserver au frais pendant au minimum 1 heure. Idéalement 3 heures de marinade.

  • Mettre la viande dans un plat huilé allant au four, arroser d’1 cuillère à soupe d’huile (neutre, type tournesol par ex).
  • Dans un four préchauffé à 210°C (Th. 7), cuire et faire griller les travers de porc avec sa marinade pendant 20 minutes.
  • À mi-cuisson, retourner les travers de porc, ajouter 6 cuillères à soupe d’eau et poursuivre la cuisson pendant 20 minutes. Ajouter le jus de citron 5 mn avant la fin de cuisson. On peut les mettre sous gril pendant 5 minutes pour bien griller la viande.
  • En fin de cuisson, dès sa sortie du four. Poivrer selon goût. Servir chaud.

Huile de ciboulette (mỡ hành) :

  • 1 botte de ciboule (« green onion » ou oignon jeune)
  • 6-8 cuillères à soupe d’huile neutre (tournesol ou arachide)
  • Sel

Préparation :

  • Laver, ciseler la partie verte de la ciboule et la mettre dans un bol supportant la chaleur. Réserver le blanc de ciboule soit pour la marinade soit pour un autre usage.
  • Chauffer l’huile dans une petite casserole. Dès ébullition, arrêter le feu. Ajouter une bonne pincée de sel à la ciboule.
  • Verser l’huile bouillante sur la ciboule. Réserver.

Service sur assiette :

Du riz blanc parfumé, quelques morceaux de travers de porc grillés encore chauds arrosés d’un peu d’huile de ciboulette, et accompagnés de concombre frais et/ou de légumes aigres-doux. Quel délice !

Les travers de porc à la citronnelle sont souvent servis avec du riz brisé au porc et omelette vapeur (à Paris, les restaurants nomme ce plat : « riz aux trois trésors« ).

On peut aussi trancher la viande en lamelles et l’utiliser comme ingrédient de banh mi (sandwichs vietnamiens).

Bonne dégustation !!!

Pâtés impériaux ou nem (chả giò / nem rán)

Le nouvel an vietnamien et chinois approche. C’est l’occasion d’aborder un plat de fête, l’une des spécialités vietnamiennes les plus populaires hors du pays et chez nos amis non-Vietnamiens : les pâtés impériaux ou plus connus aujourd’hui sous le nom de nem.

Est-il encore nécessaire de présenter ces petits rouleaux frits à base de galette ou feuille de riz à la farce de porc haché, de crevettes, de crabe, de poulet ou bien de légumes pour la version végétarienne, que l’on déguste avec une feuille de salade et des herbes aromatiques exotiques, trempés dans la sauce de saumure de poisson aigre-douce ? Ils sont présents sur toutes les cartes des restaurants vietnamiens et même parfois chinois. On les aime en entrée, en plat de résistance avec des vermicelles de riz, ou en garniture d’accompagnement comme dans le bo bun.

Le nom de ce plat est déjà toute une histoire…

En vietnamien, le pâté impérial ou nem possède pas moins de cinq à six appellations différentes suivant les régions. Au sud, c’est chả giò (=hachis croustillant, sans doute une déformation du mot giòn, croustillant), au nord, nem (=hachis de porc) ou nem rán (=hachis de porc frit) ou encore nem Sài Gòn (=hachis de porc de Saïgon), au centre, chả ram (=hachis revenu à la poêle), chả cuốn (=hachis enroulé), cuốn ram (=rouleau revenu à la poêle).

Dans les pays anglophones,  on désigne les pâtés impériaux ou nems sous différents noms aussi : Egg rolls, Vietnamese rolls, Fried Spring rolls, Spring rolls. En effet, il existe une autre variation de nem fait avec la pâte de blé et d’œuf comme la pâte de raviolis won ton chinois. C’est pourquoi en anglais, on trouve souvent l’appellation Egg rolls pour les nems, mais encore spring rolls, Crispy ou Fried spring rolls (rouleaux de printemps croustillants ou rouleaux de printemps frits) qui font penser aux rouleaux de printemps chinois. Cela crée d’ailleurs une confusion de nom avec un autre plat vietnamien, les fameux rouleaux de printemps non frits avec de la salade, des crudités, des crevettes et du porc (en vietnamien, gỏi cuốn). Pour le distinguer des rouleaux de printemps crus (comme on le dit en France), les anglophones les baptisent Summer rolls (rouleaux d’été, également en usage au Canada et en Suisse).

En français, on dit pâté ou rouleau impérial parce que selon une légende, ce mets aurait été très apprécié à la cour impériale dans une époque lointaine de l’histoire du Vietnam, avant l’invasion des Chinois. Outre cette légende, on aurait trouvé les premières traces écrites sur ce plat vers 1745. Il se dégustait à la cour des Nguyên (et peut-être le peuple aussi?), lors des fêtes, des cérémonies, notamment au nouvel an. Puis il s’est « démocratisé ». Sans aucune certitude, une anecdote concernant la confusion du nom « rouleau de printemps » pourrait provenir de Français (durant leur présence au Vietnam) qui auraient un jour commandé des « rouleaux frits » sans pouvoir nommer le plat. Les Vietnamiens leur auraient raconté que ce plat se dégustait au nouvel an, en célébration de l’arrivée du printemps (vietnamien). Ainsi de confusion, ces Français les auraient désignés par erreur comme étant des rouleaux de printemps.  Suite à cela, pour différencier des « faux » rouleaux de printemps (frits), certains Vietnamiens expatriés auraient nommé « rouleaux d’été » pour la version avec la galette crue. Ce qui expliquerait peut-être l’appellation équivalente en anglais Spring rolls et Summer rolls. Mais encore une fois, cette anecdote ou cette supposition n’est pas vérifiable.

Depuis quelques années en France, on a laissé de côté le terme pâté impérial pour un nom plus court, le nem. Ce qui semble plutôt approprié considérant le terme utilisé dans le nord du Vietnam (nem en version courte, nem rán ou nem Sài Gòn).

La recette des nems et ses innombrables variations sont une autre histoire…

C’est un plat qui se déguste du nord au sud du Vietnam avec des variations d’ingrédients suivant les régions.

La version du sud au Vietnam :

Les chả giò sont généralement composés de viande de porc hachée avec des crevettes ou crabe, ou la version marine avec crevettes et crabe, ou la version végétarienne avec divers légumes. Ils sont mélangés à un légume croquant comme la carotte, la chayotte ou le pois patate (jicama), à une tubercule (le grand taro, la patate douce), les champignons noirs, les oignons et souvent des vermicelles transparentes de soja (mais pas toujours).  La farce est enroulée dans une galette fine de riz (feuille de riz translucide).  Accompagnement : Feuilles de salade, herbes aromatiques, sauce de saumure de poisson aigre-douce. Les rouleaux sont de petite taille, environ 6 à 7 cm de long.

La version du centre au Vietnam :

Les cuốn ram, chả ram ou chả cuốn sont souvent plats, rectangulaires ou triangulaires. La farce est souvent composée de viande de porc maigre hachée, de carotte et de navet blanc, de champignons noirs, de vermicelles transparentes de soja et d’oignon, enveloppée dans une galette/feuille de riz (parfois au sésame : bánh tráng mè). Accompagnement : salade, herbes aromatiques, sauce de saumure de poisson aigre-douce.

La version du nord au Vietnam :

C’est la version la plus proche de celle qu’on trouve dans les restaurants en France.  Les nem rán  ont souvent une farce est composée de viande de porc hachée ou de blanc de poulet, ou de crevettes avec crabe, carotte,  pois patate, germes de haricots mungo (“pousses de soja”), vermicelles transparentes de soja, champignons noirs, champignons parfumés (shiitake), un oeuf (blanc, jaune ou entier) et oignon. Celle-ci est enroulée dans une galette/feuille de riz fine. Accompagnement : salade, herbes aromatiques, sauce de saumure de poisson aigre-douce. Les rouleaux sont souvent plus grands et plus longs que ceux du sud, et servis coupés en tronçons.

Selon l’auteur culinaire Bùi Thị Sương qui a récemment publié au Vietnam un ouvrage sur les pâtés impériaux des trois régions du Vietnam : Chả giò ba miềng, co-écrit avec Bùi Thị Minh Thủy, il y aurait pas moins de 76 variétés de nems. On peut trouver aujourd’hui de nouvelles recettes : des nems avec toutes sortes de viandes, de poisson, de crustacés, des nems sucrés salés (à la banane et hachis de porc), des nems sucrés aux fruits divers (au durian!), des nems à l’escargot (dans le nord), des nems avec la galette de vermicelles de riz (bánh hỏi), des nems sous différentes formes (triangulaires et plates comme dans le centre du Vietnam) ou différentes enveloppes, etc…

Mais à l’origine, les nems étaient essentiellement confectionnés avec la galette de riz. Son utilisation est assez délicate, notamment pour obtenir une dorure et le bon croustillant. Les différences de qualité entre les marques, la manière de réaliser ses rouleaux (farce et friture), tout cela peut influencer le croustillant des nems. Parfois ils peuvent aussi être coriaces ! Surtout si on ne les consomme pas rapidement, le contact de l’humidité, de l’air étant nuisible au croustillant de la galette de riz. Ainsi beaucoup de Vietnamiens préfèrent prendre moins de risque et utiliser aujourd’hui des feuilles à base de farine de blé et d’œufs similaires aux feuilles de won ton chinoises. Cela a l’avantage d’avoir une cuisson rapide, une belle dorure qui n’est pas tout à fait possible (ou très peu) avec les galettes de riz, et le croustillant reste parfait pendant longtemps. Cependant, pour les puristes et gastronomes vietnamiens, rien ne peut remplacer la fine galette de riz, si typique de la cuisine vietnamienne et de ce plat. Imaginez un instant… la soupe pho de nouilles de riz au boeuf, avec des tagliatelles italiennes (c’est la même forme, mais à base de farine de blé!)…

Quelques astuces :

En ce qui me concerne, pour les nems, je préfère les galettes de riz, quitte à avoir parfois de mauvaises surprises. Fort heureusement, il y en a eu que très peu jusqu’à présent. Voici quelques notions à savoir pour optimiser le croustillant des nems avec les galettes de riz.

  • Une bonne marque de galette de riz ( ! )
  • Une farce pas trop humide = favoriser les tubercules farineuses (taro, patate douce qui sont utilisées dans la version du sud), la viande ou les crustacés, les vermicelles de soja ont la fonction de pomper l’humidité, la quantité réduite de carotte, navet, chayotte, ou germes de haricots mungo…
  • Une réhydratation rapide des galettes sans trop d’humidité
  • Bien serrer les rouleaux, mais pas trop = risque de rouleaux déchirés
  • Humecter avec de l’eau vinaigrée = enveloppe plus croustillante
  • Une friture avec pas trop d’huile = éviter le bain d’huile si possible. Préférer de l’huile à hauteur des nems dans une poêle large. Les nems ne doivent pas se toucher dans un premier temps. Une fois un peu frits, ils peuvent se toucher sans coller. On rajoute toujours les nouveaux rouleaux dans la poêle d’abord par les bords où l’huile est moins chaude qu’au centre de la poêle. Puis on roule les nems déjà frits au centre, avant d’en ajouter. Cela évite que les nems se déchirent…
  • La température de friture = à 140°C  pour la 1ère friture (cuisson de la farce sans faire dorer l’enveloppe) pendant 5 à 7 mn. À 170°C pour la 2ème friture pendant 1 à 2 minutes juste pour dorer les nems.

Dans la version que je vous propose ci-après, j’ai remplacé le (grand) taro difficile à trouver par la patate douce qu’on trouve facilement, je ne mets pas d’œuf (il y a toujours un œuf dans la version du nord) car la patate douce fait déjà office de « liant »,  je choisis de mettre seulement de la carotte (très peu) pour ne pas trop humidifier ma farce, je ne mets pas de germes de soja (composés de 95% d’humidité) qui à mon goût n’apportent  rien de spécial sur le plan gustatif et donnent trop d’eau dans la farce. Je me concentre plutôt sur l’accompagnement avec une grande variété d’herbes aromatiques (quand on trouve les herbes) pour offrir plus de saveurs à mes nems.

Voici ma recette des pâtés impériaux ou nems (chả giò / nem rán) :

>> Réactualisée en octobre 2016

Pour 4 personnes soit 30-40 petits rouleaux de 6-7 cm de long.

Préparation : 50 minutes.

Cuisson (durée donnée à titre indicatif) : 5-7 min pour la 1ère friture // 1 à 2 min pour la 2ème friture

Ingrédients :

Farce :

  • 250 à 300 g de porc haché (échine)
  • 250 g nets de crevettes crues entièrement décortiquées
  • 100 g de patate douce
  • 100 g de carotte râpée
  • 20 g de champignon noir séché à réhydrater
  • 50 g de vermicelles de haricot mungo secs
  • 1 petit oignon
  • 1 c. à café de sel fin
  • 1 c. à café de sucre en poudre
  • 1 c. à café rase de poivre blanc moulu

  • 30 galettes de riz de 16 cm de diamètre ou galettes carrées de 17 cm de côté
  • 2 cuillères à café de vinaigre (facultatif) : ça aiderait à rendre les nems plus croustillants.
  • 1 bol d’eau chaude

Sauce nuoc mam préparée (saumure de poisson diluée aigre-douce) :

  • 3 c. à soupe de nuoc mam (extrait d’anchois en saumure liquide – de préférence de Phu Quôc, 35 N)
  • 2,5 c. à soupe de cassonade
  • 1 c. à soupe de vinaigre de riz blanc
  • 2 à 3 c. à soupe de jus de citron vert pressé
  • 9 à 12 c. à soupe d’eau tiède ou chaude
  • 1 à 2 gousses d’ail
  • Piment rouge épépinée et hachée ou 1 c. à café de purée de piment Sambal Oelek selon goût et envie

Accompagnement :

Feuilles « Fish mint » ou Houttuynia cordata (en vietnamien, Rau giấp cá, dấp cá ou diếp cá) en forme de cœur et au senteur de poisson.

  • Feuilles de batavia ou de laitue
  • Une variété d’herbes aromatiques : menthe, feuilles de pérille ou shiso (rau tía tô), coriandre vietnamienne (rau răm), coriandre (rau ngò, rau mùi), et l’indispensable « fish mint » ou feuilles d’houttuynia cordata (rau giấp cá, dấp cá ou diếp cá) aux senteurs surprenantes de poisson, qui se dégustent entre autres avec les nems ou les crêpes vietnamiennes, bánh xèo.
  • Des lamelles de concombre frais

Préparation :

  • Faire tremper séparément les champignons noirs et les vermicelles de soja dans l’eau tiède pendant 20 minutes.

  • Si les crevettes ne sont pas décortiquées, les décortiquer entièrement. Hacher finement au robot ou au couteau. Réserver.

  • Laver, peler et râper finement la carotte et la patate douce.
  • Eplucher et hacher finement l’oignon.
  • Egoutter les champignons noirs, supprimer les parties dures (pieds, base), et hacher finement.

  • Egoutter les vermicelles de haricot mungo, dans un bol, découper les vermicelles aux ciseaux, des tronçons de 1 cm environ.

  • Dans un récipient, mélanger de façon homogène tous les ingrédients de la farce : viande de porc hachée, crevettes hachée, vermicelles transparents, champignons noirs, carotte, patate douce, oignon, avec sel, sucre et poivre.

Confection des nems :

  • Préparer et mélanger un grand bol d’eau chaude (pas bouillante) avec 2 cuillères à café de vinaigre. Étaler un torchon propre sur la table. Une planche ou un plat chemisé de papier sulfurisé (papier de cuisson) pour entreposer les nems.
  • Poser à plat sur le torchon propre, face lisse sur le torchon, face texturée vers soi.À l’aide de sa main, tremper la main dans l’eau chaude puis humecter toute la surface des deux de la galettes de riz.
  • Faire de même avec 2 ou 3 galettes de riz. Laisser les galettes absorber tranquillement l’humidité avant de mettre la farce et de les manipuler.

  • A l’aide d’une cuillère à soupe, prendre une portion de farce et la déposer sur la 1ère galette devenue souple et manipulable, près du bord vers soi. Former un petit boudin de farce de 6-7 cm de long environ.

  • Plier le bord du bas sur la farce. Faire un tour complet sur la farce.

  • Plier les bords latéraux, en les ramenant sur la farce, l’un après l’autre.

  • Puis terminer d’enrouler la farce vers l’extérieur en évitant de trop serrer (la farce gonfle un peu à la cuisson). Au bout du rouleau, si le bord ne colle pas bien, humecter un peu le bord pour sceller le rouleau.

  • Faire de même pour le reste de la farce et des galettes.

Idéalement, il serait bien de laisser « sécher » les nems crus au réfrigérateur pendant une heure environ ou plus.

  • Verser de l’huile dans une grande poêle ou une grande sauteuse à large à bords hauts à revêtement anti-adhésif. Idéalement, il faut 1/2 (0,5) cm de niveau d’huile dans le fond. Par exemple, pour une poêle ou sauteuse de 28 cm de diamètre, prévoir 300 ml d’huile. Chauffer l’huile jusqu’à 140°C (cela fait de petites bulles autour des baguettes lorsqu’elles touchent le fond de la poêle.

  • Glisser délicatement les nems sans se toucher entre eux. Sinon, ils colleront ! Faire frire par petites quantités de nems. Les retourner régulièrement.
  • Au bout de 5 à 7 minutes, les nems vont cuire, l’enveloppe devient blanche et se durcit en cuisant. On cuit la farce, sans trop dorer les nems. Cette 1ère étape est la première friture, celle qui permet aussi de conserver les nems au réfrigérateur ou au congélateur quand on en confectionne en grandes quantités ou à l’avance.
  • Avant de servir, faire la 2ème friture : chauffer un fond d’huile dans la poêle ou la sauteuse (à 1/2 cm de niveau d’huile en fond) jusqu’à 170°C. Piquer les baguettes (en bambou!) au milieu de la poêle pour vérifier la chaleur : si les bulles se forment autour des baguettes et remontent rapidement, l’huile est à bonne température.
  • Mettre les nems pré-frits dans l’huile chaude, et frire rapidement une 2ème fois, 1 à 2 minutes… jusqu’à ce que les nems soient dorés. On peut utiliser l’huile de la première friture, et faire la 2ème friture dans la foulée.

  • Prévoir un plat ou une planche avec du papier journal, une feuille de cuisson ou les déposer sur une grille.
  • Préparer la sauce d’accompagnement, le nuoc mam préparé (en vietnamien, nước mắm pha  (sud) / nước chấm (nord)).

Sauce nuoc mam à l’ail et au piment :

  • Dans un grand bol, mélanger dans l’ordre, la cassonade, le vinaigre de riz blanc, le jus de citron. Puis verser le nuoc et l’eau chaude. Bien mélanger. Goûter et rectifier : la sauce doit être équilibrée entre salé-sucré et légèrement acide.
  • Ajouter l’ail haché et le piment (frais en rondelles ou haché, ou la purée de piment Sambal Oelek) selon goût.

Préparation des herbes et de la salade :

  • Laver toutes les herbes aromatiques et la salade verte. Essorer.
  • Disposer la verdure sur un grand plat ou une grande assiette.

Disposer les nems dans un plat. Tout est prêt pour la dégustation. Vous pouvez les servir en entrée avec les herbes variées et la salade.

Comment déguster les pâtés impériaux ou nems :

  • On pose un nem sur une ½ feuille de salade,
  • On ajoute quelques herbes variées, une lamelle de concombre si on veut.
  • On roule et on trempe le tout dans la sauce de saumure de poisson aigre-douce.

Et si vous voulez le servir comme plat de résistance, ajoutez des vermicelles de riz (les bún) et quelques légumes aigres-doux (carottes et navet blanc).

Bonne réalisation et bonne dégustation !

> Et retrouvez ma recette de bo bun avec nems racontée dans le magazine culinaire ZESTE, Cuisinons simple et bon, en kiosque (France, Suisse et Canada), numéro de février-avril 2015, spécial Cap sur l’Asie, pages 38-39 et 104. Et comment rouler les nems en vidéo sur le site de L’Express / vidéos de Zeste ci-dessous :


Le Bo Bun avec Nems de Minh Tâm – Ma recette… par LEXPRESS