Gelée de coco et d’extrait de pandan (sương sa ou thạch cốt dừa lá dứa)

Avec l’arrivée du printemps et les beaux jours, c’est un réel plaisir de déguster d’exquises petites gourmandises vietnamiennes bien rafraîchissantes et légères comme la gelée à base d’agar-agar, qu’on appelle en vietnamien, sương sa ou thạch rau câu. Du nord au sud du Vietnam, avec des variantes de recettes et d’utilisation culinaire, la gelée d’agar-agar est très appréciée par les Vietnamiens, notamment pour son côté léger et son pouvoir rassasiant.

On parfume cette gelée d’agar-agar avec du lait de coco, des morceaux de coco fraîche, d’extrait de pandan, du café, du lait concentré sucré, du jus de fruits, du thé, du jus de cuisson d’azuki, quelques gouttes d’essence d’amande ou d’essence de fleur de pamplemoussier, etc, additionnée d’un peu de sucre. Toutes ces différentes saveurs sont également un joli prétexte pour varier les couleurs qu’on ravive parfois avec un peu de colorant alimentaire (si possible naturel) et pour jouer avec l’opacité et la transparence des gelées. Plus les couleurs sont vives, plus les Vietnamiens apprécient. Pour une fois, la variété de texture n’est pas de mise. Mais elle surprendra agréablement par son croquant tendre…qui ne ressemble en rien au « jelly » américain bien plus souple, et devient souvent un complément de texture pour différents desserts vietnamiens.

Qu’est-ce que l’agar-agar ? Nom d’origine indonésienne-malaise, son nom botanique est gelidium amansii et en vietnamien, thạch rau câu ou thạch trắng. C’est une algue à frondes et à rubans rouge-brun et translucides, à multiples branches, originaire des côtes pacifiques du Japon et de la Corée, qui pousse à 30 m de profondeur. Après l’avoir nettoyée puis cuite pendant 6 heures dans l’acide sulfurique, on obtient une gelée qui est l’agar-agar. Gélifiant naturel très puissant, l’agar-agar est aussi bien utilisé dans le domaine scientifique pour la culture de micro-organisme que dans le domaine culinaire (sources : Le courrier du Vietnam, 27 mars 2012, article du Dr. Doàn Van Tân). En cuisine, on trouve l’agar-agar sous forme de filaments séchés translucides ou en poudre. Au goût neutre et particulièrement simple d’utilisation, elle est parfaitement digeste, bien tolérée par notre organisme et très rassasiante. C’est une bonne alternative à la gelée animale, pour les végétariens et les personnes qui ne consomment pas de porc. La poudre d’agar-agar se vend dans les magasins bio, parfois en grande surface ou dans les magasins d’alimentation asiatique.

Comment utiliser l’agar-agar pour obtenir une gelée assez ferme ? Comme base, il faut retenir les proportions suivantes. Pour une gelée assez ferme, il faut compter environ 10% de poudre d’agar-agar par rapport au liquide. Si vous voulez une gelée plus ferme encore, plus croquante, rajoutez 1 ou 2% supplémentaires d’agar-agar. Il faut faire gonfler une dizaine de minutes la poudre d’agar-agar dans le liquide (l’eau, l’eau avec lait de coco, le lait, le café, le jus de fruit…) avant de mettre à cuire avec sucre, parfum, colorant. Puis on porte le tout à ébullition, tout en remuant, on baisse le feu et on continue à cuire en remuant pendant une dizaine de minutes. Pour l’utilisation des filaments d’agar-agar, il suffit de couper en petits tronçons et cuire plus longtemps en remuant sans cesse jusqu’à complète dissolution des filaments. La gelée se durcit en refroidissant, pendant une heure ou deux, voire un peu plus, suivant l’épaisseur de la gelée. On peut rajouter cette gelée dans les salades de fruits, jouer avec les parfums et les couleurs, ou on en mélange dans divers desserts vietnamiens de type chè (soupe sucrée, compotée, porridge sucré comme ici). Et parmi les desserts non vietnamiens, vous connaissez certainement déjà la fameuse et délicieuse pâtisserie japonaise Yōkan à base de pâte de haricot rouge azuki gélifiée à l’agar-agar.

Chez moi lorsque j’étais petite, dès qu’il faisait chaud, on avait droit à ces délicieuses gelées aux multiples parfums et couleurs. C’était un peu le « rainbow cake » version légère et rafraîchissante de mon enfance. Il fallait s’armer de patience car ce fut long à faire avec chaque couche de gelée qui devait se raffermir avant d’en verser une nouvelle. Alors la plupart du temps, on réalisait la version simplifiée avec seulement deux couches différentes de gelée. Ce fut amplement réjouissant pour moi car ma partie préférée était la gelée parfumée au lait de coco ! Les faire était aussi plaisant que de les déguster ! Avant le repas quand il y en avait, je chipais toujours des morceaux de gelée de coco coupés en losange. Tant et si bien qu’il ne me restait plus aucune place pour le repas !

Aujourd’hui je vous propose une version simple de la gelée de coco et d’extrait de pandan avec deux couches. Je n’ai pas alterné de gelée translucide comme cela se fait souvent. Ma préférence allant au lait de coco, j’ai choisi simplement de varier la deuxième couche de gelée verte en ajoutant l’extrait de feuilles de pandanus qui exhale un parfum subtil d’amande vanillée et d’herbe fraîchement coupée. Il est vrai qu’il est difficile de trouver ces feuilles de pandanus quand on n’habite pas dans une grande ville. On peut en trouver à Paris dans les magasins d’alimentation asiatique au rayon des herbes fraîches ou parfois déjà mixées au rayon des surgelés aussi, et en dernier recours, on peut aussi utiliser l’arôme synthétique de pandan qui, très honnêtement, n’a pas du tout le même parfum que les vraies feuilles. Que cela ne vous décourage pas pour autant ! Si vous ne pouvez pas faire de la gelée à l’extrait de pandan, variez les plaisirs avec des jus de fruits, du café, du lait au sirop menthe, etc… et avec des formes différentes (les moules en silicone sont parfaits).

Voici la recette de la gelée de coco et d’extrait de pandan (sương sa / thạch cốt dừa lá dứa) :

Ingrédients :

  • 10 g de agar-agar en poudre
  • 200 ml de lait de coco
  • 5 ou 6 grandes feuilles de pandanus
  • 200 ml d’eau mélangée à 5 ou 6 feuilles de pandanus mixées, filtrée
  • 600 ml d’eau
  • 100 g de sucre blanc de canne
  • 1 cuillère à café rase de colorant alimentaire naturel vert en poudre (marque Scrapcooking) avec 1 cuillère à soupe d’eau

Préparation :

  • Laver et sécher les feuilles de pandanus. Les couper en tronçons de 2 à 3 cm. Mixer les feuilles avec 200 ml d’eau dans un blendeur. Passer au chinois pour filtrer l’extrait de pandan. Jeter les feuilles pressées.

  • Préparer deux casseroles pour réaliser les deux parties de gelée de coco (banche et verte).

  • Dans la casserole 1 : Mélanger 5 g de poudre d’agar-agar, 100 ml de lait de coco, 50 g de sucre, 400 ml d’eau.
  • Dans la casserole 2 : Mélanger 5 g de poudre d’agar-agar, 100 ml de lait de coco, 50 g de sucre, 200 ml d’eau mélangées aux feuilles de pandanus mixées et filtrées et 200 ml d’eau dans laquelle 1 cuillère à café rase de colorant alimentaire naturel vert en poudre a été préalablement mélangé.
  • Porter la casserole 1 (mélange blanc) à ébullition sur feu moyen-vif. Baisser à feu moyen, ne pas cesser de remuer durant la cuisson afin que la poudre d’agar-agar se dissolve bien. Environ 10 minutes.
  • Utiliser des moules de différentes formes, des verres, des bols, des boîtes hermétiques, etc. Verser une couche de mélange blanc au lait de coco. Si plusieurs couches, réserver assez de mélange pour alterner les couleurs. Laisser refroidir 30 minutes environ. Plus le contenant est grand, plus le temps de durcissement de la gelée est long.

  • Durant ce temps, porter la casserole 2 (mélange vert) à ébullition, cuire pendant 10 minutes sans cesser de remuer. Verser sur la couche de gelée blanche. Si plusieurs couches, réserver assez de mélange pour alterner les couleurs. Laisser refroidir environ 30 minutes entre chaque couche. Parfois moins si la couche de gelée est fine et si le contenant est petit.

  • Mettre le tout au réfrigérateur pendant quelques heures avant de déguster. Sortir du réfrigérateur, démouler et servir !

Voilà une gourmandise bien rafraîchissante, tendrement croquante, légèrement sucrée, au bon goût de coco et de feuilles fraîches de pandan ! Bonne découverte !

Vietnam : Haricots azuki et gelée de coco (chè đậu đỏ)

Connaissez-vous, le chè đậu đỏ, un fabuleux petit en-cas à base de haricots rouges azuki arrosé de crème de coco ? Cette délicieuse compotée de haricots azuki, d’origine chinoise, se déguste frais en été, parfois chaud en hiver, et se prépare au Vietnam de différentes manières pour varier les plaisirs : nature et juste sucrée, avec lait de coco ou sans, avec parfois des grains de lotus, de la gelée d’herbes ou de jus de coco, ou des perles de tapioca, etc. On trouve facilement ce chè en dessert dans certains restaurants vietnamiens et chinois à Paris (surtout du côté du quartier de Belleville ou du XIIIe arrondissement de Paris).

D’origine de la Chine du Nord, ce petit haricot rouge qu’on désigne communément du nom japonais azuki, est très populaire en Chine, au Japon, en Corée et au Vietnam. En deuxième position de popularité après le soja, l’azuki se consomme principalement bouilli, sucré et sous différentes formes suivant les traditions culinaires des pays cités. On le trouve en pâte confite pour fourrer des pâtisseries japonaises ou gaufres, brioches, gâteaux au riz gluant, en gelée à l’agar-agar comme le délicat yōkan japonais, en purée pour les crèmes glacées, en soupe sucrée, ou tel quel germé ou infusé, ou mélangé dans le riz pour les plats de fête au Japon symbolisant les couleurs du drapeau japonais (rouge et blanc) et aussi l’opulence¹. Merveilleuse légumineuse très digeste, le haricot azuki possède des propriétés curatives particulièrement riches, très nutritif (riche en protéines avec tous les acides aminés et minéraux) mais avec un taux bas de calories. Il a vraiment tout pour plaire !

Et…qu’est-ce que le chè du Vietnam ? C’est une désignation générale pour un mets sucré liquide s’apparentant à une boisson / soupe sucrée, compotée, pudding, ou entremets à base de légumineuses telles que grains de soja ou haricots (plusieurs variétés rouges, blancs, noirs…), de riz gluant, de perles de tapioca, de fruits séchés ou frais, de gelée d’agar-agar aux différents parfums ou goûts, de graines diverses (lotus, sésame…), d’herbes ou d’algues, de boulettes de farine de riz simples ou fourrées, etc. Il se déguste au petit-déjeuner ou comme en-cas, froid ou chaud. Le mot chè précède toujours sa garniture principale : chè đậu đỏ (chè aux haricots rouges), chè khoai môn (chè au taro), etc. On  dénombre pas moins d’une centaine de variétés de chè au Vietnam. Dans le sud du Vietnam, on l’arrose souvent de crème de coco. Le mot chè signifie aussi thé dans le Nord du Vietnam.

Voici un de mes petits en-cas préférés, été comme hiver, à la maison comme au restaurant… Étant originaire du Sud du Vietnam, j’aime arroser généreusement les chè de crème de coco qui de sa pointe salée, rehausse délicatement le goût du chè. La gelée d’agar-agar ajoute une texture gélatineuse et ferme très intéressante au fondant sucré des haricots rouges au parfum d’écorce de clémentine ou d’orange. Et pour couronner ce petit plaisir gourmand, les cacahuètes à peine pilées offrent un plaisant croquant au tout. Quel régal, non ? Sans plus tarder, voici…

La recette de haricots azuki, gelée et crème de coco

Pour 4 personnes.

Ingrédients :

  • 200 g de haricots azuki
  • 120 g de sucre en poudre
  • 2 morceaux d’écorces séchées de clémentine (ou remplacer par l’écorce d’orange)

Gelée d’eau de coco (facultatif)

  • 5 g d’agar-agar en filaments (on en trouve dans les magasins d’alimentation asiatique ou parfois dans les magasins bio)
  • 500 ml d’eau de coco
  • 2 cuillères à soupe de sucre en poudre
  • Pour le service : Un peu de cacahuètes grillées et pilées.

Crème de coco

  • 150 ml de lait de coco
  • 1 cuillère à café de sucre
  • 1/2 cuillère à café de sel
  • 1 cuillère à café de Maïzena

Préparation :

  • La veille : Laver les haricots azuki et les faire tremper dans l’eau une nuit (idéalement 12 h).
  • Le jour J : Rincer les haricots azuki. Dans une casserole, cuire les haricots dans 1 litre d’eau froide sur feu moyennement vif et les mener jusqu’à ébullition (compter environ 10 à 15 minutes). Puis baisser le feu, maintenir un léger frémissement, ajouter l’écorce de clémentine ou d’orange et couvrir. Poursuivre la cuisson pendant 45 minutes. Ne pas mettre de sel en début de cuisson, cela durcit les haricots.
  • Dès que les haricots sont tendres, ajouter les 120 g de sucre et 1 pincée de sel. Si les haricots ont absorbé toute l’eau, rajouter de l’eau chaude de façon à recouvrir 1 cm de hauteur d’eau au-dessus de la surface des haricots. Bien mélanger puis poursuivre la cuisson encore 15 minutes à feu moyen doux. Réserver.

Étape facultative : La gelée d’eau de coco (on peut la faire la veille pour gagner du temps)

  • Faire tremper les filaments d’agar-agar dans l’eau froide pendant 15 minutes. Laver, essorer comme une éponge. (On peut aussi utiliser la poudre d’agar-agar, mais j’ai toujours vu faire la gelée avec les filaments d’agar-agar à la maison et c’est devenu une habitude personnelle.)
  • Dans une casserole, verser 1/2 litre d’eau de coco et ajouter les filaments d’agar-agar. Sur feu vif, cuire en remuant sans cesse jusqu’à ébullition. Baisser le feu en maintenant un léger frémissement. Ajouter le sucre et mélanger. Cuire jusqu’à dissolution complète de l’agar-agar. Cette étape dure environ 15 minutes.
  • Verser dans un récipient rectangulaire de préférence, laisser refroidir puis mettre au réfrigérateur pendant 1 à 2 heures.
  • Le jour J : Sortir la gelée du frais et couper en julienne la gelée. Réserver au frais.

Crème de coco :

  • Dans une petite casserole sur feu moyen vif, verser 150 ml de lait de coco. Ajouter 1 cuillère à café bombée de farine Maïzena (diluée dans un peu d’eau froide au préalable), 1 cuillère à café bombée de sucre et 1/2 cuillère à café de sel. Bien mélanger et ne pas cesser de remuer avec une cuillère en bois, jusqu’à épaississement du lait de coco. Éteindre et laisser tiédir avant de servir. Au goût, la crème de coco doit être très légèrement sucrée avec une pointe de salé.
  • Piler un peu de cacahuètes si envie.

Service :

  • Dans un bol ou dans un verre, mettre un peu de haricots azuki cuits, ajouter un peu de gelée de coco coupée en julienne, arroser de crème de coco refroidie, puis parsemer de cacahuètes grillées pilées.

À servir frais en été ou chaud en hiver, ce délicieux petit en-cas sucré se déguste sans faim…à n’importe quel moment de la journée… Et au moment où j’écris, j’ai un grand verre de chè đậu đỏ presque tout entamé… Oh quel délice !

Bonne découverte et bonne dégustation !

Sources :

¹Wikipedia