Brochettes de tofu aux feuilles de lolot (Tàu hũ lá lốt)

Tofu La Lôt de La Kitchenette de Miss Tâm 1

Pour les amateurs de tofu et les amis végétariens, voici une recette vietnamienne peu connue de tofu aux feuilles de piper lolot (Tàu hũ lá lốt) qui est absolument délicieuse et qui rivalise de saveur et de parfum avec sa version originale composée de viande de porc hachée ou de boeuf (bò lá lốt).

Dans le répertoire des recettes végétariennes vietnamiennes, on trouve des merveilles gustatives. Comment ne pas exploiter les herbes, les épices, les légumes qui existent à profusion ? Et malgré l’omniprésence de la saumure de poisson (nuoc mam), on peut tout à fait adapter une sauce exquise à base de sauce de soja pour accompagner ou arroser les mets qui habituellement se dégustent avec le nuoc mam.

Mais qu’est-ce le La Lôt ou feuilles de Piper Lolot ?  Sans entrer dans les descriptions botaniques, c’est simplement une plante originaire du Vietnam, de la famille des poivriers (à savoir, famille des piperacées (ex. lianes) de genre piper (poivrier)), qui pousse comme de la mauvaise herbe dans les zones humides en forêt. Les feuilles en forme de cœur ressemblent comme deux gouttes d’eau aux feuilles de bétel (que les Anciennes du Nord mâchaient avec la noix d’arec), et sont désignées à tort comme feuilles de « bétel sauvage ». En Asie, seuls le Vietnam, le Laos, la Thaïlande et la Malaisie utilisent ces feuilles en cuisine (en grillade, salade, papillote…). Crue sans odeur, la feuille de lolot exhale un puissant parfum poivré à la cuisson et offre un goût fumé exquis à sa garniture.

Feuilles La Lôt piper lolot - La Kitchenette de Miss Tâm

Le tofu aux feuilles de lolot est très intéressant aussi bien sur le plan des saveurs que des textures. Le moelleux du tofu se mélange subtilement avec les petits morceaux de shiitakés réhydratés (ou champignons parfumés séchés) et le croquant des champignons noirs. Enveloppé dans une feuille de piper lolot (lá lốt) qui donne un parfum enivrant légèrement poivré et fumé à la cuisson, le tofu est grillé en brochettes au four. Associé à une sauce simple de soja préparée aigre-douce, légèrement aillée et pimentée, le tofu imprégné de la douceur des champignons et du caractère subtil des feuilles de lolot, délicatement parfumé de ciboule si typique dans la cuisine vietnamienne, atteint des saveurs fabuleuses insoupçonnables ! Un vrai voyage gustatif…

Voici une recette simple peu connue que l’on trouve au Vietnam et qui saura peut-être enchanter votre palais. La sauce est une adaptation personnelle librement inspirée de la sauce nuoc mam préparée.

Brochettes de tofu aux feuilles de lolot (Tàu hũ lá lốt)

Réactualisée le 17 mars 2016.

Pour 4 personnes. Préparation : 30 minutes. Cuisson : 15 minutes au four.

Ingrédients :

  • 400 g de tofu ferme
  • 4 têtes de champignons parfumés (shiitaké) séchés
  • 20 g champignons noirs séchés
  • 10 petites feuilles de lolot (lá lốt) finement ciselées
  • 2 cuillères à soupe de sauce soja
  • 1 cuillère à soupe rase de cassonade
  • 1/2 cuillère à café de poivre blanc moulu
  • 2 gousses d’ail pressé
  • 150 g de feuilles piper lolot (ou ylot ou la Lôt – on en trouve dans les magasins d’alimentation asiatique à Belleville (Paris 11) ou dans le quartier chinois (Paris 13).
  • 6 tiges de ciboule (ou cive ou oignon vert)
  • 6 ou 7 cuillères à soupe d’huile végétale neutre
  • 1 pincée de sel
  • 3 cuillères à soupe de cacahuètes grossièrement concassées
  • huile végétale neutre (tournesol, arachide)
  • Brochettes en bambou

Tofu La Lot de La Kitchenette de Miss Tam 2

Sauce de soja aigre-douce à l’ail et au piment :

  • 2 cuillères à soupe de sauce de soja
  • 2 cuillères à soupe rase de sucre
  • 1 cuillère à soupe de vinaigre de riz
  • 2 cuillères à soupe d’eau
  • 2 cuillères à soupe de jus de citron vert fraîchement pressé
  • 1 gousse d’ail pressé
  • Piment rouge en fines rondelles (ou éventuellement 1 cuillère à café de purée de piment)

Préparation :

  • Laver et faire tremper dans l’eau tiède les champignons séchés (shiitaké ou champignons parfumés + champignons noirs) dans un grand bol pendant au minimum 30 minutes. Une fois réhydratés, relaver les champignons, supprimer les pieds de champignons, et hacher finement.

Champignon noir de La Kitchenette de Miss Tam

En photo ci-dessus : Champignon noir séché et champignon noir réhydraté.

Shiitaké séché de La Kitchenette de Miss Tam

En photo ci-dessus : Champignons parfumés (ou shiitaké) séchés et réhydratés.

  • Préchauffer le four à 240°C (Th. 8).
  • Laver, sécher et ciseler les 10 petites feuilles de piper lolot (lá lốt).

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  • Peler et hacher finement l’ail.
  • Ciseler finement la partie verte des tiges de ciboule et hacher finement la partie blanche des tiges de ciboule.
  • Dans un récipient, écraser le tofu à la fourchette puis à la main. Incorporer les champignons, les feuilles de lôt ciselés, la partie blanche des tiges de ciboules et l’ail, et mélanger.

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  • Verser deux cuillères de sauce de soja, une cuillère à soupe de sucre et 1/2 cuillère à café de poivre blanc moulu. Mélanger à la main de façon homogène. Laisser reposer 30 minutes.
  • Huile à la ciboule (mỡ hành) : Chauffer l’huile dans une petite casserole. Hors du feu, ajouter une bonne pincée de sel et la partie verte de la ciboule dans l’huile chaude. Ça doit grésiller. Réserver.

Huile de ciboulette recette de Miss Tam

  • Laver les feuilles de piper lolot. Détacher les feuilles en gardant les tiges d’environ 1 cm. Les sécher délicatement avec un torchon propre. Rouler et sécher les feuilles avant utilisation.

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  • Déposer une petite portion du mélange de tofu sur une feuille, côté vert brillant (la photo n’est pas correcte, désolée), tige en haut, pointe de feuille vers soi. Tasser et former un mini-boudin sur la largeur de la feuille. Rouler en serrant bien la farce, vers la tige. Piquer avec la brochette en bambou au centre et en transperçant un peu en-dessous de la tige pour attacher le tout. Procéder de même jusqu’à la fin de la farce au tofu / shiitaké.

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  • Déposer les brochettes sur une plaque à pâtisserie tapissée de papier sulfurisé. Cuire à mi-hauteur pendant 5 minutes de chaque côté. Passer sous grill pendant cinq minutes pour bien faire griller les feuilles (en surveillant bien la cuisson pour ne pas brûler les feuilles).

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  • Après cuisson, parsemer de ciboule huilée sur les brochettes, puis un peu de cacahuètes grillées concassées.
  • Sauce au soja aigre-douce pour tremper les rouleaux de tofu : Mélanger 2 cuillères à soupe de sauce de soja, 1 cuillère à soupe de vinaigre de riz, 1 cuillère à soupe de jus de citron vert, 2 cuillères à soupe de sucre cassonade et 2 cuillères à soupe d’eau. Ajouter 1 ou 2 gousses d’ail pressé et un peu de piment haché (ou purée de piment selon goût). Goûter et rectifier.

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Comment déguster :

  • En entrée ou en apéritif, simplement avec sa sauce de soja aigre-douce à l’ail et au piment.
  • En plat principal, avec des banh hoi (galettes de vermicelles de riz à la vapeur), des herbes aromatiques et salade, des crudités et des galettes de riz.
  • En plat unique dans le même esprit que le bo bun ou bun thit nuong, avec des vermicelles de riz froids, de la salade, des crudités, des herbes diverses (feuilles de pérille (tia tô), polygonum ou coriandre vietnamienne (rau ram), basilic thaï (rau quê), menthe…), des carottes vinaigrées, et arrosé de sauce de soja préparée aigre-douce à l’ail et au piment.

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Très bonne découverte et bon appétit !

Pâté de tête à la vietnamienne (Giò thủ)

Dans la tradition culinaire du nord du Vietnam, les mets préparés pour le Nouvel an sont d’abord destinés au génie du foyer (protecteur du foyer) et aux ancêtres, avant de pouvoir les déguster à son tour le premier jour de l’année. Ils sont servis dans 4, 6 ou 8 bols et respectivement dans 4, 6 ou 8 assiettes. En général, les plats du nord sont composés du fameux gâteau de riz gluant farci au porc et à la pâte de haricot mungo de forme carrée (bánh chưng), de poulet bouilli (gà luộc), de viande de porc en gelée (thịt đông), de soupe de couenne frite et de légumes (canh bóng bì), de vermicelles de soja aux abats de poulet (miến lòng gà), de mortadelle (giò lụa) et/ou pâté de tête de porc (giò thủ), d’oignons blancs vinaigrés (dưa hành), de légumes en saumure (dưa món), de riz glutineux rouge au momordique de Cochinchine (xôi gấc – car la couleur rouge est une couleur qui représente le bonheur au Vietnam)… Du côté des mets sucrés, il y a toujours un plateau de fruits, des fruits confits et confiseries et des entremets sucrés. Voilà un festin assuré pour bien commencer l’année !

Étant originaire du sud du Vietnam, ma famille prépare des mets différents de ceux du nord pour le Nouvel an, mais je traiterai en détail ce sujet l’an prochain pour l’année de la chèvre, je vous le promets ! J’ai eu la chance de grandir dans une famille vietnamienne ouverte aux cultures des autres régions du pays, sans ce clivage régionaliste nord / sud très marqué (hélas) chez les Vietnamiens. Cela m’a permis lorsque j’étais enfant, de découvrir, de goûter et même d’avoir le plaisir de participer à la confection des plats du nord du nouvel an tels que le délicieux pâté de tête de porc, appelé Giò thủ, présenté aujourd’hui dans La Kitchenette.

Pour ceux qui ne connaissent pas cet exquis pâté de fête, c’est le jumeau vietnamien du fromage de tête français. Essentiellement à base des morceaux de tête de porc (oreilles, langues, museau), le giò (= « hachis » de porc) thủ (=tête) est parfumé aux champignons noirs et shiitakés, aux oignons et à l’ail, au nuoc mam pur (saumure de poisson) et surtout au poivre. Autrefois, ce pâté de tête était enveloppé dans des feuilles de bananier. Certains en font encore de cette façon. Comme toujours, il existe plusieurs façons de réaliser ce pâté de tête selon les familles. Certaines personnes ajoutent des épices supplémentaires (des cinq-épices, du gingembre par exemple) pour parfumer, de l’omelette en fines lamelles comme dans le sud pour faire joli, des aromates, de la poudre de bouillon comme il est (trop) souvent d’usage dans la cuisine vietnamienne, ou même du glutamate. En ce qui me concerne, je préfère rester au plus proche de la simplicité.

Pour la cuisson, les Vietnamiens ne cuisent pas les parties de tête aussi longtemps que les Français pour leurs fromages de tête. Cela permet de mieux conserver le croquant des cartilages et de préserver une certaine tenue de la viande. La cuisson à l’eau bouillante salée dure environ 40-45 minutes maximum, mais les oreilles sont souvent retirées avant la fin de cuisson. Ensuite, les morceaux de viande sont découpés en lanières, en lamelles, en tranches, en morceaux selon envie, et sont revenus à la poêle avec les champignons réhydratés et les condiments, épices et aromates, pendant 10 à 15 minutes supplémentaires. C’est pourquoi il est courant de voir ce pâté appelé giò thủ xào (= sauté, poêlé).

Une fois que tout est cuit et revenu à la poêle, les gens au Vietnam utilisent souvent des boîtes de lait métalliques vides (qui existent en plusieurs tailles plus ou moins hautes), pour confectionner les pâté de tête. On obtient ainsi un long pâté cylindrique et de belles rondelles. Hors du pays, on ne trouve pas toujours facilement des longues boîtes cylindriques en métal, mais on peut utiliser des bouteilles en plastique ou simplement des boîtes hermétiques ou des terrines avec couvercle. Personnellement, j’aime utiliser les bouteilles en plastique.

Avec ma copine de blog, Létitia (de Piment oiseau ici), nous nous sommes mises d’accord pour publier chacune sa recette du gio thu le même jour ! C’est un petit clin d’œil gourmand et amical qui a commencé avant Noël autour de choses ragoûtantes comme le cochon, la charcuterie, les oreilles, les museaux, les têtes, où les langues se sont déliées joyeusement…

Voici ma recette du pâté de tête à la vietnamienne (Giò thủ).

Préparation : 1 heure. Cuisson : 45 minutes + 15 minutes.

Ingrédients :

  • 2 oreilles de porc
  • 2 langues de porc
  • 2 joues ou 1 museau de porc (si vous n’en trouvez pas, vous pouvez remplacer par du jarret)
  • 1 gros oignon haché + 1 gros oignon pour la cuisson de la viande à l’eau
  • 3 ou 4 gousses d’ail finement haché
  • 20 g de champignons noirs séchés
  • 2 têtes de shiitaké (champignons parfumés) séchés
  • 2 cuillères à soupe de nuoc mam (saumure de poisson)
  • 1 cuillère à soupe de sucre roux de canne
  • 1 cuillère à café de poivre noir moulu
  • 1 cuillère à soupe de poivres noir et blanc mélangés, à concasser grossièrement.
  • 1 cuillère à soupe rase de sel fin + 2 cuillères à soupe de sel pour le nettoyage + 1 cuillère à soupe de sel fin pour la cuisson des morceaux de porc.
  • Vinaigre blanc pour nettoyer les oreilles et le museau.
  • facultatif : 1 bout de gingembre pour la cuisson à l’eau des morceaux de viande

Matériel :

  • Un moule long cylindrique (une bouteille en plastique ou une boîte de conserve haute et fine) pour avoir de belles tranches rondes traditionnelles.
  • Sinon, une terrine ou une boîte hermétique rectangulaire fera également l’affaire.

Préparation :

  • Bien nettoyer les oreilles, langues et museau avec deux cuillères à soupe de sel. Frotter. Nettoyer en particulière les oreilles et le museau au vinaigre blanc mélangé à un peu d’eau. Rincer abondamment.

  • Faire cuire toute la viande dans l’eau bouillante salée (1 cuillère à soupe de sel) avec 1 oignon pelé entier (et facultatif :1 bout de vieux gingembre) pendant 40-45 minutes. Bien surveiller les oreilles au bout de 20-25 minutes. Prendre une baguette asiatique ou une brochette en bois / bambou, et transpercer l’oreille. Si ça passe facilement, retirer les oreilles du bouillon. Si ça cuit trop longtemps, les cartilages vont perdre en croquant. C’est ce croquant qui fait l’intérêt du pâté de tête vietnamien. Laisser cuire le reste des morceaux de viande.
  • Après cuisson, sortir du bouillon, nettoyer, laisser refroidir.

  • Pendant la cuisson du porc, faire tremper les champignons noirs et shiitakés séchés dans l’eau dans un grand bol pendant 30 minutes. Puis rincer à l’eau pour les nettoyer, égoutter, puis couper les champignons réhydratés en lanières de 2 à 3 mm. Réserver.

  • Les oreilles : couper en lanières de 2 à 3 mm d’épaisseur.
  • Les langues : peler toute la langue, surtout le dessus de langue qui aura blanchi à la cuisson. Couper en tranches.
  • Le museau ou les joues : couper en petits morceaux.

  • Peler l’oignon et les gousses d’ail, puis hacher. Concasser grossièrement les grains de poivres noirs et blancs.
  • Dans une grande poêle ou marmite, chauffer un peu d’huile sur feu vif, faire revenir l’oignon. Ajouter les oreilles, les langues et le museau ou les joues, puis l’ail. Verser le nuoc mam pur (saumure de poisson), le sel, le sucre, le poivre moulu et les grains de poivre. Faire revenir pendant 10 minutes.

  • Ajouter en dernier les champignons. Faire revenir pendant environ 5 minutes. Goûter, rectifier avec un peu de sel, de poivre ou de sucre si nécessaire.
  • Lorsque la viande suinte et rend un peu de liquide, devient visqueuse d’aspect, la cuisson arrive à terme. Ce jus est la gelée qui va permettre de lier tous les morceaux de viande en refroidissant. Réserver hors du feu et laisser tiédir.

  • A moins de posséder un vrai moule long et cylindrique, on peut en créer un simplement avec une grande bouteille en plastique en coupant le haut de la bouteille. Prendre un grand sac plastique de congélation, chemiser l’intérieur de la bouteille (voir photos).
  • Remplir complètement la bouteille de morceaux de viande cuite avec son jus. Bien tasser le contenu au fur et à mesure à l’aide d’une cuillère en bois.

  • Au bout de la bouteille, une fois bien remplie avec un peu de débordement de viande, refermer le sachet en plastique en chassant l’air et en comprimant au maximum les morceaux de viande. Faire un nœud au bout. Laisser refroidir à température ambiante pendant 3 à 4 heures.

  • Puis garder au réfrigérateur au moins 12 heures avant de déguster. Le froid permettra à l’ensemble du pâté de se former grâce à la « gelée » (nhựa) du porc obtenue pendant la cuisson.
  • Le lendemain ou après 12 heures de repos au frais, on peut sortir le pâté de tête de sa bouteille en tirant sur le sachet en plastique.
  • Sortir le pâté du sachet et couper en tranches épaisses. Les disposer dans une assiette pour servir.

Et voilà un superbe pâté de tête à la vietnamienne, un délicieux giò thủ pour accompagner les différents mets du Nouvel an vietnamien, ou simplement pour le plaisir d’en savourer sans occasion spéciale, en apéritif, en sandwich ou avec un simple bol de riz blanc… Quel régal !