Poisson mijoté à la vietnamienne (Cá kho tộ)

Le poisson mijoté à la vietnamienne ou poisson au caramel, en vietnamien cá kho tộ  ( = poisson / kho = cuire dans la saumure de poisson / tộ = grand bol), est un plat très populaire au Vietnam. Très simple, délicieux et parfaitement en accord avec le goût des Vietnamiens, ce plat se cuisine avec diverses variétés de poisson du pays comme le panga (pangasius de deux variétés : en vietnamien, cá basa ou cá tra), le poisson à tête-de-serpent (cá lóc) ou le poisson-chat (cá trê).

Avec 3.400 km de côtes, le fleuve rouge dans le Nord et le fleuve du Mékong dans le Sud, le poisson (d’eau douce et de mer) au Vietnam est la première source de protéines et tient une place extrêmement importante dans l’alimentation. Il est quasiment présent à tous les repas, frais, séché ou le plus courant, sous forme de saumure comme le nuoc mam (saumure de poisson, condiment national du Vietnam, en vietnamien nước mằm) ou le mắm (saumure fermentée) en usage dans les préparations (marinade, assaisonnement, sauce). Son importance est telle, qu’on l’associe à l’attachement maternel, dans un proverbe du sud du Vietnam.

Không có gì bằng cơm với cá, (Rien ne vaut le riz avec le poisson).

Không có gì bằng má với con. (Rien ne vaut la mère avec son enfant).

Hors du Vietnam, en Occident, suivant le pays où l’on réside, on trouve de délicieuses adaptations de recettes avec du saumon, du maquereau, de la daurade, etc. On peut également trouver ces poissons du Vietnam au rayon des surgelés dans certains magasins d’alimentation asiatique en France ou même le panga frais, très répandu ces dernières années en Europe… Sur la question du panga, je ne polémiquerai pas là-dessus mais je vous invite à vous documenter pour vous faire votre propre opinion. Personnellement, sans aucun jugement, la France étant déjà pourvue d’abondantes variétés délicieuses de poissons, je préfère adapter la recette avec celles du pays dans lequel je vis.

Les préparations de ce plat varient d’une famille à l’autre, d’une région à l’autre. Invariablement dans toutes les versions, le caramel (non pâtissier!), la saumure de poisson non diluée, le poisson, le poivre et le piment sont présents. Dans le sud, on l’agrémente encore de quelques petits morceaux de poitrine de porc pour varier le goût et la texture du plat, mais aussi pour montrer une certaine abondance. En effet, dans le passé, le poisson et les produits issus des rivières et de la mer étaient les aliments du quotidien. La viande était moins présente, mais réservée pour les repas de fête, les cérémonies funéraires ou les offrandes. Ajouter de la viande dans un plat de poisson est (aussi) en quelque sorte un signe de richesse.

Comme toujours, les recettes sont très variées. Si habituellement on fait le caramel au moment de la préparation, certains font usage du caramel industriel prêt à l’emploi (mais je le déconseille) ou du caramel de coco; l’emploi des oignons ou d’échalotes; de l’ail ou pas; de la ciboulette chinoise ou sans; le poisson mariné au préalable ou pas; la cuisson avec l’ajout d’eau ou d’eau de coco; et enfin, certains mettent aussi un peu de citron ou un peu de gingembre, ce qui est « moins authentique ». Peut-être une confusion avec un plat similaire au gingembre (cá kho gừng) ou au galanga (cá kho riềng). Mais pourquoi pas ?

Dans mon enfance, ce plat se retrouvait souvent à la table familiale. On le faisait souvent aux maquereaux pour son goût fumé particulièrement apprécié et en accord avec cette préparation à la vietnamienne. Mijoté doucement dans la marmite en terre*, le poisson nous offrait un fumet fabuleux… Je ne peux dissocier ce plat à la belle marmite en terre et à la joie de sa dégustation. Chaque fois que j’en vois, je me souviens aussitôt de ce merveilleux cá kho tộ de ma jeunesse, en train de cuire sur le feu, à la chaleur réconfortante de la cuisine. Une tendresse gustative étreint mon palais. Je salive… et j’ai envie de ressortir ma propre marmite…

*La marmite en terre ne s’utilise pas comme une marmite en fonte ou une casserole en inox, elle peut être utilisée sur flamme directe, mais pas trop vive. Il faut monter doucement la chaleur. Tout choc thermique peut lui être fatal. Il faut éviter de poser la marmite chaude sur une surface froide comme le marbre ou l’inox, mais sur du liège, un dessous-de-plat tressé, ou sur du bois. Le nettoyage se fait à l’eau chaude, sans produit vaisselle. Au sel, et si résidus, à tremper avec un mélange eau + bicarbonate de soude, puis frotter. En ce qui me concerne, je fais mon plat dans une cocotte en fonte ou simplement une bonne casserole en inox à fond épais, et je transvase dans ma belle marmite de terre. 

Voici la recette familiale remaniée du poisson mijoté à la vietnamienne ou cá kho tộ.

Pour 4 personnes. Préparation 25 minutes + 1 heure de marinade. Cuisson : 5 minutes + 30 minutes.

Ingrédients :

  • 600-700 g de darnes de saumon de 2 cm d’épaisseur environ (ou lotte, maquereau,…)
  • Facultatif (à la mode du Sud): 100 g de poitrine de porc (non salée) coupée en lardons
  • 2 échalotes hachées
  • 3 gousses d’ail hachées
  • 2 à 3 tiges de ciboulette chinoise
  • Facultatif et selon goût : du piment rouge entier ou ciselé.
  • 3 cuillères à soupe de nuoc mam (saumure de poisson – je conseille la marque Phú Quốc si vous en trouvez)
  • 1/2 cuillère à café de sel fin
  • 2 cuillères à soupe de sucre (pour le caramel)
  • 2 cuillères à soupe d’huile végétale (par ex. tournesol)
  • Poivre noir moulu
  • Sel pour rectifier si besoin.

Préparation :

  • Laver les darnes de poisson. Nettoyer et sécher.
  • Hacher l’échalote et l’ail.

  • Dans un récipient large, mettre le poisson à mariner pendant une heure avec un peu d’échalote, d’ail hachés, du sel et du nuoc mam (saumure de poisson).
  • Dans une marmite en terre (idéalement – mais dans ce cas, pas de feu vif et éviter à tout les chocs thermiques qui risquent d’éclater votre marmite), en fonte ou casserole en inox à fond épais, faire chauffer à feu vif le sucre et l’huile pour caraméliser le sucre. Ne pas hésiter à remuer (contrairement au caramel habituel). Une fois doré et caramélisé, ajouter le reste d’échalote et d’ail, faire revenir très vite.

  • Ajouter les petits morceaux de poitrine de porc et faire revenir 5 minutes.
  • Ajouter enfin le poisson avec sa marinade. Poursuivre la cuisson quelques minutes puis retourner les darnes délicatement. Facultatif : Ajouter le piment rouge. Verser environ 300 ml d’eau (ou d’eau de coco). Amener doucement à ébullition, puis baisser à feu doux et poursuivre la cuisson pendant 20 à 30 minutes. Goûter, rectifier si besoin avec un peu d’eau si trop salé ou un peu de sel si pas assez salé. Poivrer.

  • En fin de cuisson, poivrer largement (selon goût). Ajouter la ciboulette chinoise coupée en tronçons de 4 à 5 cm environ (et facultatif : quelques rondelles de piment rouge). Arrêter la cuisson. Servir chaud.

Servez ce plat avec du riz blanc Thaï parfumé, accompagné de liserons d’eau sautés à l’ail (ici), de quelques légumes aigres-doux (ici) ou des germes de haricot mungo au gingembre (ici) et une soupe au tamarin (canh chua ici), le repas sera exquis ! Bon appétit !