Le turbot (définition pour un cuisinier): poisson noble à la chair blanche et goûteuse.
L’italien Gioachino Rossini (1792-1868), compte parmi les plus grands compositeurs du XIXe siècle. Malgré l’étendue du répertoire de ses oeuvres, son nom se rattache à l’opéra (trente-neuf opéras), dont le plus populaire est Il barbiere di Siviglia (d’après le Barbier de Séville de Beaumarchais). Installé définitivement à Paris en 1848, réputé pour être un grand amateur de gastronomie et de vins rares (sa cave était légendaire!), Rossini fréquentait assidûment La Tour d’Argent, Bofinger et la Maison dorée où il avait une table attitrée à chaque lieu. Parallèlement à la musique, il composait des pages culinaires auxquelles il donna le nom de ses opéras (Les bouchées de la Pie voleuse, Tarte Guillaume Tell) et baptisa ses Péchés de vieillesse selon son inspiration gourmande (Hachis romantique, Petite Valse à l’huile de ricin). Il fut également auteur d’un Livre de cuisine. Quant au célèbre tournedos Rossini, nul n’en connaît le véritable créateur : était-ce son ami Antonin Carême gastronome de renom, Casimir Moisson chef de la Maison Dorée, ou peut-être Rossini lui-même? Quoiqu’il en soit, Rossini aimait confectionner des plats riches à base de foie gras et de truffes, qui entrent dans la composition des plats portant son nom … Doté d’un grand sens de l’humour, Rossini n’hésitait pas à brocarder ses contemporains, qu’ils fussent interprètes ou compositeurs…dont le jeune Wagner!
Une savoureuse petite anecdote…
« On affirmait donc qu’à l’un des dîners hebdomadaires, où l’auteur du Barbier réunissait quelques convives de marque, les domestiques, à la mention du menu « Turbot à l’allemande » présentèrent d’abord aux invités, une sauce fort appétissante, dont chacun prit sa part. Puis, brusquement, le service fut interrompu. Qui ne vint pas, ce fut le turbot. Les convives s’interrogeant les uns les autres, devinrent perplexes ; que faire de cette sauce ? — Alors Rossini jouissant malicieusement de leur embarras, tout en avalant lui-même la sauce : « Eh quoi, se serait-il exclamé, qu’attendez-vous encore? Goûtez cette sauce, croyez-moi, elle est excellente. Quant au turbot, hélas! la pièce principale… C’est juste… le poissonnier au dernier moment a omis de l’apporter; ne vous étonnez pas. N’en est-il pas de même de la musique de Wagner?… Bonne sauce, mais pas de turbot!… pas de mélodie! »
Extrait de La visite de R. Wagner à Rossini (en mars 1860), par Edmond Michotte, éd. Actes Sud, 1906, p. 13-14.
Sauce à l’allemande : Mettez un peu de beurre, des champignons hachés dans une casserole; faites bien cuire vos champignons, joignez-y trois cuillerées à dégraisser de velouté travaillé et une cuillerée de consommé; faites réduire, jetez-y du beurre, du persil blanchi; passez et vannez le tout, mettez du jus de la moitié d’un citron, un peu de mignonnette, passez et servez. »
Grand Dictionnaire de cuisine d’Alexandre Dumas, (manuscrit en 1870, 1ère publication en 1873) édition Phébus, 2008 (p. 524-525)
Sources pour la biographie de Rossini : Wikipedia, Potel & Chabot
Sources : Wikisource / cette anecdote m’a été sympathiquement rapportée par Mme R. l’épouse et la muse d’un grand chef d’orchestre R.J. auquel je rends hommage pour son magnifique Tancredi de Rossini et pour son amour de la grande cuisine et…des bonnes sauces!
Message personnel : Que mes amis wagnériens me pardonnent! 🙂