Soupe aigre-douce au poisson (canh chua cá)

Connaissez-vous le plaisir de cuisiner avec son père ? Quand l’occasion se présente, je savoure chaque minute qui passe. Et quand il s’agit en plus d’une de mes soupes préférées, le plaisir en est décuplé. Une fois n’est pas coutume, voici une recette vietnamienne à 4 mains : la soupe aigre-douce au tamarin et au poisson ou canh chua cá.

Traditionnellement, la cuisine vietnamienne se transmet de mère en fille, ou en famille entre femmes. Point de livres, ni d’écoles de cuisine, la cuisine vietnamienne se transmet oralement, par l’observation et par la pratique. Si des écoles de cuisine vietnamienne fleurissent aujourd’hui au Vietnam, c’est principalement destiné aux touristes. On s’adapte à la mode. Lorsqu’un(e) Vietnamien(ne) vous dit ne pas savoir cuisiner, il ou elle sait en réalité toujours cuisiner quelques plats familiaux. Prenez deux ou trois Vietnamiens ou Vietnamiennes, mettez-les ensemble, immanquablement la discussion tournera autour de la nourriture, des meilleurs plats, des recettes de famille et même de la façon de les cuisiner. C’est montrer tout l’amour et l’importance que portent les Vietnamiens à la cuisine ! Je parle de mon peuple, mais il pourrait s’agir d’autres pays asiatiques, j’en suis sûre. Mais je m’égare.

Excepté les professionnels, les hommes au Vietnam ne cuisinent pas. Ils aident éventuellement en cuisine lors des grands repas de fête comme la confection des gâteaux de riz gluant du nouvel an (banh chung, banh tet). Pour la cuisine du quotidien, ce sont bien les femmes qui s’en chargent. Mais les Vietnamiens exilés depuis les années quarante / cinquante et ceux qui ont dû quitter le pays dans les années soixante-dix et quatre-vingts, ces hommes se sont mis à cuisiner, pour retrouver le goût du Vietnam, le réconfort affectif et gustatif, et en vieillissant, le besoin d’effectuer un retour aux sources.

À l’étranger, une profonde mutation dans la mentalité des Vietnamiens s’est opérée. Les hommes vietnamiens aiment et se mettent à cuisiner. La cuisine du Vietnam est un patrimoine qui leur est cher ! Sans doute qu’à travers cette cuisine, l’amour maternel et la voix de la patrie résonnent aussi dans leur cœur. Elle évoque la joie des réunions familiales ou amicales autour d’une table, le lien fraternel qui les relie entre compatriotes exilés, rappelle une histoire et une culture communes, et son identité en ces terres d’accueil. Faire la cuisine est un acte d’amour, de plaisir mais aussi de résistance !

Mon père fait partie de ces Vietnamiens venus en France pour étudier au début des années soixante. Il a fallu qu’il se mette à la cuisine pour satisfaire ses envies de plats vietnamiens, soigner son mal du pays et préserver aussi sa culture. C’est ainsi qu’il a cuisiné en reproduisant les plats de mémoire gustative ou en mémorisant ce qu’il dégustait en famille, chez des amis vietnamiens, dans les restaurants du monde entier qui servent des plats vietnamiens car il voyage tout le temps, pour les besoins de sa profession. Mon père aime réellement cuisiner même si sa façon de faire est un tantinet loufoque. C’est un improvisateur né. Rien ne peut se faire conventionnellement. Mais le résultat est vraiment bluffant, je dois l’avouer. Le seul défaut chez lui : sa tendance à faire des quantités pour un régiment ! Une petite soupe ou un petit ragoût pour quatre devient LE plat pour le mois. À force de rajouter ceci ou cela, la casserole devient une grosse marmite. Et ça, ça n’a pas changé depuis mon enfance…


Mon cher père… 70 ans ! Quel est son secret de jouvence ?

Il y a quelques semaines, mon père m’a offert un des plus beaux cadeaux : faire la cuisine à quatre mains. Il sait que la soupe aigre-douce au poisson est une de mes préférées. C’est aussi celle qu’il réalise à la perfection. Je rêvais depuis longtemps qu’il me révèle son secret de fabrication. Cette soupe populaire toute simple s’entoure pourtant de magie avec lui. Je ne me souviens que de gestes, de bruits d’aspiration de soupe lorsqu’il goûtait pour rectifier l’assaisonnement, des grognements de satisfaction et du capharnaüm qui régnait dans la cuisine ! Aujourd’hui, c’est toujours la même chose, sans le désordre car c’est chez moi. La kitchenette est trop petite. Il faut bien s’organiser et je suis là pour ça pendant que mon père s’agite bien sûr aux fourneaux. Bien que je sache bien faire cette soupe, mon père me donne ses instructions pour préparer les ingrédients. Rien de difficile, il faut simplement tout laver, sécher, couper. Pendant ce temps, il fait sa soupe. Je lui demande les quantités, il n’en a aucune idée. Voilà à peu près un raccourci de nos échanges durant la réalisation de la soupe… Tout cela en vietnamien mais traduit ici en français !

Mon père : – « Oh c’est simple, normalement tu fais revenir un peu d’ail et d’oignon avec les morceaux de tomates, tu mets les darnes, tête et queue de poisson que tu fais revenir, tu mets de l’eau à la moitié de la casserole (c’est une grosse marmite!), tu ajoutes les morceaux d’ananas et le jus de tamarin, tu assaisonnes d’un peu de sucre et de nuoc mam. Quand ça bout, tu rajoutes les gombos et les tiges de taro. Tu goûtes. Tu rectifies. Mais aujourd’hui, on fait avec l’aile de raie, alors tu ne fais pas revenir la raie avant. Tu rajoutes seulement après la première ébullition de l’eau.

Moi : – Euh d’accord… mais tu mets combien de poisson pour quelle quantité d’eau pour le bouillon? Quelles sont les quantités des ingrédients de cette soupe ?

Mon père : – Je n’en sais rien. Je fais à l’instinct. Tu regardes, tu évalues, tu goûtes. C’est simple !

Moi – perplexe : – OK ça ne m’aide pas trop, mon cher Père… Eh es-tu sûr de vouloir mettre autant de tomates (il doit y en avoir 5 ou 6) ??? Ce n’est pas juste une ou deux ?

Mon père : – Oh c’est comme tu veux. Moi j’aime quand c’est coloré. Elles donnent du goût et de l’acidité. Alors que l’ananas va donner du sucré à la soupe. Il faut que tu coupes tes tomates en gros morceaux de biais. C’est plus joli. (finalement il coupe les tomates)

Moi : – Mmm… ça ne me fait pas avancer d’un iota ton histoire. Et dis donc, stop, stop ! Qu’est-ce que tu as mis dans le bouillon pendant que je découpais l’ananas ?

Mon père : Du jus de tamarin qu’on vient de filtrer, du sucre et du nuoc mam pur.

Moi : – OK mais tu vas trop vite. Combien de nuoc mam, combien de sucre ?

Mon père : – Mmm (il réfléchit), eh bien tu mets un peu de sucre et un peu de nuoc mam.

Moi (désespérée) : – On ne va pas aller loin comme ça Papa. Un peu… ? C’est combien ? Une, deux, trois cuillères à soupe ?

Mon père : – Je ne sais pas. Je n’ai pas mesuré. J’ai versé, mélangé, goûté, rectifié et voilà. Facile, non ? Il faut simplement goûter. Après ébullition, j’ai mis les autres légumes, hein, tu n’oublies pas. Les germes de haricots mungo puis les herbes aromatiques en dernier ! Et la touche finale, tu dois mettre un peu d’ail frit et le piment, OK ?

Moi (dubitative sur la quantité de sucre car mon père a semblé vider la boîte!) : – Comment veux-tu que je partage ta recette avec mes lecteurs ?

Mon père : – Comment, tu n’as rien retenu de ma leçon de cuisine ?

Moi : – Euh… si, si (éclats de rire). C’était parfaitement (pas) limpide ! Reçu 5/5. Merci Papa ! On goûte ? Mmmh… quelle merveille !!! Le goût de l’enfance… Tu es fantastique !

Mon père : – Maintenant on met les ailes de raie cuite dans une assiette avec une ou deux cuillères à soupe de nuoc mam pur. On pioche quelques morceaux de raie pour déguster avec le bol de riz rempli de soupe aigre-douce et de légumes… Alors, c’est bon ?

Moi : Oh la la, c’est divin ! La raie est bien tendre et se marie parfaitement avec le nuoc mam pur. L’acidité du tamarin se rééquilibre avec la douceur de l’ananas. La richesse des saveurs du bouillon, des herbes, de l’ail frit et le mélange étonnant des textures des légumes sont vraiment superbes. Merci Papa ! On va tous se régaler ! »

Voici maintenant ma recette de la soupe aigre-douce au poisson (canh chua cá) :

Pour 4 – 6 personnes. Préparation : 40 minutes. Cuisson : 30 minutes.

Ingrédients :

  • 600 g de poisson de type mulet ou merlu. On peut aussi utiliser l’aile de raie (cá đuối) dans ce cas, comptez deux ailes de raies pour 4, le pangasius frais ou surgelé (cá tra) ou le fameux poisson à tête-de-serpent (cá lóc).
  • 1,5 litre d’eau bouillante
  • 1/4 d’ananas ou un 1/2 petit ananas
  • 2 ou 3 tomates
  • 12-15 gombos (đậu bắp)
  • 2 tiges de taro (bạc hà)
  • 150 g de germes de haricots mungo
  • 1 gousse d’ail
  • 1 gros oignon
  • 3 gousses d’ail frit
  • 8 tiges d’herbes à paddy (rau mò om) ou s’il n’y en a pas, du basilic thaï
  • 6 à 8 feuilles de coriandre longue ou épineuse (ngò gai) ou s’il n’y en a pas, quelques brins de coriandre (persil chinois)
  • Facultatif : Piment rouge frais, épépiné, ciselé en fines rondelles.
  • 100 g de pâte de tamarin séché à réhydrater dans l’eau bouillante et à filtrer (si vous n’en trouvez pas, on peut remplacer par 2 ou 3 cuillères à soupe de jus de citron ou du vinaigre de riz comme mon père le fait souvent aussi).
  • 3 cuillères de nuoc mam non dilué (saumure de poisson – préférez la marque Phu Quôc)
  • 1 cuillère à soupe de sucre (ou plus si vous aimez sucré – attention, goûtez seulement après avoir mis l’ananas qui va déjà sucrer la soupe!)
  • 1 cuillère à café de sel

Herbe à paddy (plante aquatique poussant dans les champs de riz inondés)
En vietnamien, il existe plusieurs appellations : Ngò Om, Ngò Ôm, Ngổ (Nord) / Rau Om, Rau Mò Om, Rau Ôm (Sud) / Ngổ Hương, Ngổ thơm, Ngổ Om (Centre).
Goût citronné – Parfum anisé.

Préparation :

  • Dans un bol, faire tremper 100 g de pâte de tamarin séché recouverte d’eau bouillante pendant la préparation de la soupe. Au bout de trente minutes, écraser le tamarin dans l’eau, filtrer avec une passoire ou un chinois. Jeter le pulpe réhydraté de tamarin pressé. Réserver le jus.
  • Laver, égoutter, sécher les herbes, les tomates, les gombos et les tiges de taro.
  • Peler, hacher finement les gousses d’ail. Peler et hacher grossièrement l’oignon.
  • Supprimer la tête et la base de l’ananas. Peler le fruit. Ôter les « yeux ». Trancher en quatre dans le sens de la hauteur. Utiliser seulement le quart si c’est un grand ananas. Sinon 1/2 si c’est un petit. Réserver le reste pour le dessert ou pour une autre utilisation. Couper l/4 d’ananas en tranches moyennement épaisses. Réserver.

  • Couper les tomates en quartiers.
  • Couper la tête, puis en biais, en deux ou trois parties, les gombos.

  • Peler les tiges de taro comme les tiges de rhubarbe. Couper en biais, de 2 à 3 cm de large.

  • Couper finement la coriandre longue et épineuse ou la coriandre habituelle (le persil chinois). Couper finement une partie de l’herbe à paddy. Garder quelques feuilles entières pour décorer la soupe.
  • Faire frire 3 gousses d’ail finement haché dans un fond d’huile chaude jusqu’à ce que ça prenne une couleur dorée. Arrêter la cuisson aussitôt. Transvaser l’ail frit immédiatement dans un bol, sans l’huile. Réserver.

  • Laver le poisson, réserver les darnes de poisson (merlu, mulet, pangasius, etc…). Si option ailes de raie, couper chaque aile en deux.

  • Dans une grande casserole ou une marmite, faire revenir l’ail et l’oignon hachés dans un peu d’huile. Puis ajouter quelques quartiers de tomate. Faire revenir. Ajouter les morceaux de poisson et les faire revenir pendant 5 minutes environ.

  • Pendant ce temps, faire bouillir 1,5 litre d’eau. Verser sur le poisson. Ajouter le jus de tamarin, l’ananas et les tomates restantes. Cuire quelques minutes jusqu’à nouvelle ébullition (environ 10 minutes). Goûter puis assaisonner avec le nuoc mam, le sucre et le sel. Avec l’option de l’aile de raie, on mettra la raie seulement après avoir versé l’eau bouillante sur l’ail, l’oignon et les tomates revenues à la poêle.

  • Ajouter les gombos, les tiges de taro en tranches. Poursuivre la cuisson pendant 10 minutes. Ajouter les germes de haricots mungo. Goûter, rectifier l’assaisonnement si nécessaire (il faut que la soupe soit à la fois acide et un peu sucrée et salée). Poursuivre la cuisson encore 5 minutes et éteindre le feu.

  • Sortir le poisson de son bouillon et le déposer dans une assiette séparée, arrosé de nuoc mam pur, non dilué.
  • Ajouter à la soupe les herbes aromatiques coupées, ainsi qu’un peu d’ail frit dans chaque bol et facultatif, quelques rondelles fines de piment (pour ceux qui en veulent).
  • Servir chaud, en même temps que le poisson arrosé de nuoc mam non dilué et de piment.

Service :

Et voilà une soupe exquise du sud du Vietnam colorée, riches en parfums et saveurs, et qui plaît énormément aux enfants par son côté aigre-doux !

Bonne dégustation à toutes et à tous !

Torta caprese ou gâteau de l’île de Capri

La cuisine italienne a une place de choix dans mon cœur. Et lorsqu’une Vietnamienne est invitée chez une amie italienne excellente cuisinière et gourmet, avec une tablée d’amateurs de cuisine italienne, cela frise l’inconscience d’amener un dessert…italien ! Mais avec une torta caprese, je voulais conquérir l’estomac et le cœur des convives… Vol direct, septième ciel !

La torta (=gâteau) caprese (=de l’île de Capri) est de loin mon gâteau au chocolat préféré. Cela faisait un moment que je lorgnais sur la recette trouvée et proposée par mon amie de blog, Graziella de L’Italie dans ma cuisine, une de mes sources italiennes !  Mais connaissant la « légèreté » du gâteau (250 g de beurre!) et mon addiction pour la torta caprese, je me suis abstenue de tester cette version. L’occasion était trop belle pour réaliser cette merveilleuse douceur pour le dîner de mon amie Alessandra.

Allora qu’est-ce que cette torta caprese a de si spécial ? C’est un gâteau sans farine, à base d’amandes, de chocolat, de beurre et de sucre. Son goût marie les amandes délicatement grillées à la finesse d’un chocolat corsé, sa texture légère, indécemment moelleuse, réserve de petites surprises gourmandes avec la présence de quelques morceaux d’amandes grossièrement hachés. Ce gâteau est simplement sublime et diaboliquement irrésistible.

Sur l’origine de ce gâteau, c’est assez flou. Une légende dit que dans les années vingt le pâtissier Carmine di Fiori aurait oublié de mettre de la farine dans son gâteau commandé par trois malfaiteurs américains, venus en Italie pour acheter des stocks de guêtres pour le compte d’Al Capone, et que cela leur avait tellement plu qu’ils lui auraient demandé la recette… Mais en réalité, sur l’ìle de Capri, personne ne connaît cette histoire, lit-on dans l’interview de Lello Sorrentino (article ici en anglais, Tales of a dolce born by mistake in a corner of Paradise).  Plusieurs versions existent allant des origines autrichiennes par des héritières du peintre August Weber, à la pension Weber, à celle d’un pâtissier du nom de Capochiella (selon Claudio Novelli, auteur d’un ouvrage sur la cuisine de Capri) qui aurait de fatigue, confondu le cacao en poudre avec la farine, se serait endormi, puis réveillé par l’odeur alléchante de son gâteau au chocolat et aux amandes, se retrouvait avec un délicieux gâteau sans farine ! Que croire ? Quoi qu’il en soit, toutes les versions convergent vers un point, ce gâteau est le résultat d’un oubli de farine et nous, gourmands, sommes bien reconnaissants de ce heureux hasard.

Pour 8 personnes. Préparation : 40 minutes. Cuisson : 1 heure. Moule à manqué de 28 cm.

Ingrédients :

  • 200 g d’amandes entières mondées
  • 100 g d’amandes en poudre
  • 250 g de beurre mou
  • 200 g de sucre en poudre
  • 250 g de chocolat noir (min. 64% de cacao)
  • 5 œufs moyens ou gros
  • 1 bonne pincée de sel
  • Sucre glace

Préparation :

  • Préchauffer le four à 200°C (Th. 6/7). Faire dorer les amandes entières mondées sur la plaque à pâtisserie pendant 5 à 10 minutes suivant la puissance du four. Surveiller les amandes pour qu’elles soient juste dorées. Laisser refroidir dans une assiette. Hacher grossièrement au mixer. Il faut qu’il reste des petits bouts d’amandes.

  • Dans une poêle, faire dorer à sec l’amande en poudre pendant 5 ou 10 minutes à feu moyen. Dès que la poudre devient légèrement dorée, arrêter le feu, transvaser dans un récipient pour refroidir.
  • Faire fondre le chocolat noir au bain-marie. Séparer les jaunes et les blancs d’œufs.
  • Dans un grand récipient, battre le beurre mou et le sucre jusqu’à ce qu’ils blanchissent. Incorporer les jaunes d’œufs et bien mélanger.
  • Ajouter le chocolat fondu et les amandes à la préparation, bien mélanger.

  • Monter les blancs en neige avec une bonne pincée de sel. Ajouter à la préparation par petites portions en mélangeant délicatement.

  • Beurrer un moule à manqué. Verser la préparation dans le moule. Enfourner à mi-hauteur et laisser cuire pendant 1 heure à 170°C à chaleur tournante (température valable pour mon four). Au bout de 50 minutes, vérifier la cuisson du gâteau. Suivant la puissance du four, le gâteau sera assez cuit ou pas. La croûte du gâteau doit être ferme et l’intérieur moelleux.

  • Lorsque la torta caprese a refroidi, saupoudrer de sucre glace. Le lendemain il est tout aussi exquis si ce n’est même meilleur !

Bonne dégustation et bon week end à toutes et à tous !

Brioche des rois aux épices

Un peu de douceur pour commencer l’année…, voici une exquise brioche des Rois (ou pas) aux épices pour tirer les Rois.

Vous rappelle-t-elle une viennoiserie traditionnelle des pays froids ? Les cinnamon rolls  (trad. roulés à la cannelle) comme le désignent les Anglo-Saxons, les kanelbullar suédois, ou encore les kanelsnegle, des brioches à la cannelle danoise qui font parler d’elles dans l’actualité culinaire depuis fin décembre. En effet, ces petites brioches risquent de disparaître sous le coup d’interdiction de l’Union européenne, suite à une dose de cannelle bien plus élevée que la limite autorisée et réglementée par l’Union européenne en 2008 dans leur confection (lire l’article de L’Express du 31 décembre 2013 ici ou l’article du Huffington Post du 28 décembre 2013 ici). Cette variété de cannelle chinoise contient une dose élevée de coumarine (2g par kilo) contre 0,25 g par kilo pour la cannelle de Ceylan ou de Madagascar, qui peut endommager le foie à haute dose, nous apprend-t-on. Or la moitié des viennoiseries danoises contient beaucoup de cannelle chinoise au goût plus prononcé et parfumé que ses cousines de Ceylan et de Madagascar, goût auquel les gens sont habitués; et cette variété de cannelle est plus stable à la cuisson sur le plan gustatif, nous informe un des membres de l’Association des pâtissiers danois. Alors, disparition définitive des kanelsnegle, une viennoiserie traditionnelle danoise vieille de deux cents ans ou pas ? Cela serait bien dommage… Nous en saurons davantage en février.

En attendant, j’ai découvert la délicieuse recette de brioche à la cannelle de ma copine de blog Létitia de Piment Oiseau (recette originale ici) qui me l’a recommandée en décembre suite à mes recherches. Cette recette a l’avantage d’être vraiment simple et facile à faire. Je l’ai déjà faite plusieurs fois avec succès. Jamais elle n’a été autant appréciée par mes amateurs de brioches exigeants à la maison.

Puis il m’est venu l’idée de remplacer la cannelle par le mélange des quatre-épices à base de cannelle, de gingembre en poudre, de girofle et de muscade pour me rapprocher du parfum alléchant des biscuits belges, les fameux Speculoos. J’ai également rajouté un peu plus de sucre dans le beurre d’épices (ou de cannelle) et j’ai réalisé un glaçage plus concentré en sucre que celui de Létitia, plus proche des cinnamons rolls canadiens. Vraiment, le résultat est fabuleux ! Une petite fève et la brioche devient…festive ! Voici ma brioche des rois aux épices inspirée de l’exquise recette de brioche à la cannelle du superbe blog Piment Oiseau.

Pour un moule à manqué de 24 cm de diamètre. 4 à 6 personnes. Préparation : 40 minutes + 3 heures de repos de la pâte. Cuisson : 25-30 minutes.

Ingrédients :

Pâte :

  • 260 g de farine
  • 25 g de sucre en poudre + 1 cuillère à café de sucre
  • 1/2 cuillère à café de sel fin
  • 10 cl de lait
  • 55 g de beurre doux
  • 13 g de levure fraîche (en vente en boulangerie – cube de 42 g)
  • 1 œuf battu
  • 1 fève décorative pour les galettes des Rois

Beurre d’épices (cannelle, gingembre, girofle, muscade)

  • 75 g de beurre doux ramolli
  • 1 cuillère à café de quatre épices (ou sinon de la cannelle) en poudre
  • 2 cuillères à soupe bombée de sucre cassonade (au lieu de 2 cuillères à café dans la recette de Piment Oiseau)

Glaçage

  • 4 cuillères à soupe bombée de sucre glace (au lieu de 1 CS sucre en poudre)
  • 2 cuillères à soupe de lait (au lieu de 10 ml)

Préparation :

Pâte :

  • Dans un récipient, mélanger la farine, le sucre et le sel.

  • Dans un bol, chauffer quelques secondes au four à micro-ondes 5 cl de lait et le beurre. Bien mélanger.

  • Dans un autre bol, faire chauffer très légèrement 5 cl de lait (pas trop sinon ça va tuer la levure). Émietter 13 g de levure fraîche dans le lait tiède. Ajouter 1 cuillère à café de sucre. Bien mélanger jusqu’à dissolution complète de la levure. Laisser reposer 10 minutes.
  • Dans un bol, battre légèrement l’œuf.

  • Incorporer le beurre fondu, la levure et l’œuf battu dans le mélange farine-sucre-sel. Mélanger et pétrir pendant 15 minutes. La pâte homogène sera très collante.

  • Former une boule dans le récipient, recouvrir d’un torchon humide ou d’un film alimentaire, laisser lever la pâte à température ambiante (ou près d’un chauffage…) pendant deux heures.

Beurre d’épices (ou de cannelle)

  • Dans un bol, mélanger le beurre ramolli avec une cuillère à café du mélange de quatre épices (cannelle, gingembre, girofle, muscade) et 2 cuillères à soupe bombée de sucre cassonade, jusqu’à obtenir un beurre homogène. Réserver à température ambiante.

  • Sortir la boule de pâte et dégazer la pâte à coup de poing ! Étaler la pâte sur un plan bien fariné. La pâte étant souple et collante, il faut bien fariner les mains et le rouleau à pâtisserie. Former un long rectangle d’une fois et demi à deux fois la longueur standard du rouleau à pâtisserie et à peu près 30 cm de largeur.

  • À l’aide d’une spatule ou du dos de la cuillère à soupe, tartiner délicatement et très finement la surface de la pâte étalée, de beurre d’épices (ou de cannelle).

  • Poser la fève sur la pâte. Rouler la pâte en long boudin.

  • Couper des tronçons de 5 cm environ (en évitant de couper la fève…).

  • Poser les tronçons de pâte roulée dans le moule tapissée de papier sulfurisée (sauf si le moule est en silicone) en veillant à les espacer (car la pâte va encore gonfler).

  • Recouvrir d’un torchon ou d’un film alimentaire. Laisser reposer et lever la pâte encore une heure à température ambiante.

  • Préchauffer le four à 200°C (Thermostat 6/7) pendant 10 minutes. Puis enfourner à mi-hauteur la brioche. Au bout de 20-25 minutes de cuisson, surveiller de près la brioche. Suivant le four, la chaleur indiquée est plus ou moins forte. Ne pas hésiter à baisser la température du four à 190°C ou 180°C si au bout de 20 minutes de cuisson, la surface de la brioche dore déjà trop.
  • Dans un bol, mélanger le sucre glace et le lait pour le glaçage.
  • A la sortie du four, étaler le glaçage sur la surface encore chaude de la brioche. Laisser refroidir.

Et voilà une délicieuse brioche des Rois aux épices, bien moelleuse et délicatement parfumée pour tirer les Rois en ce début de janvier 2014 ! Cherchez bien, une petite fève se cache dans l’une de ces petites brioches roulées à détacher au fur et à mesure que l’on déguste…

Bonne année et tous mes meilleurs voeux pour 2014 !!!

Questionnaire de Miss Tâm #2 : Entretien avec Fiamma Luzzati (textes et dessins)

Vous connaissez mon amour pour la cuisine italienne et les beaux Italiens le peuple italien. Une fois n’est pas coutume, il n’y a pas de recette… Quoique… si !  Cliquez ici et vous aurez la merveilleuse « Fougasse des paresseux » de Fiamma Luzzati… Et après, réservez quelques minutes pour faire la connaissance de Fiamma, une personne étonnante, formidable et bourrée de talents ! Et plus belle que Claudia Cardinale…

J’ai rencontré Fiamma Luzzati le jour de son anniversaire, par hasard, lors d’un atelier de Pasta Therapy initié par Farine00 à l’épicerie italienne RAP à Paris (lire l’article ici).

Elle était la dernière arrivée, grande, belle, gracieuse, lumineuse, descendant avec prestance l’escalier en colimaçon menant vers la cave voûtée où se trouvait l’atelier. Son humour, ses questions, son carnet de notes, son bel accent italien gorgé de soleil et son talent de « pétrisseuse de pâte »… Tout me plaisait chez elle. Je ne savais pas encore qu’elle était l’auteure de « L’avventura – La vie dessinée d’une Italienne à Paris » et du blog L’avventura sur le site de Libération (pour avoir une idée…par ici). Je ne savais pas non plus que j’allais devenir fan de ses textes et dessins plein d’esprit et d’humour… dont l’atelier de pâtisserie italienne de Marco Bianchi qui m’avait fait hurler de rire… (« Le gâteau sans rien », mai 2013).

Fin de l’été, j’achète son livre, reçu avec une gentille dédicace. Je suis aux anges ! Des échanges, un dîner, un déjeuner, et voilà l’envie de présenter Fiamma Luzzati, mon coup de cœur de l’année 2013, dans ma rubrique « Questionnaire de Miss Tâm ».

Fiamma ne fait rien comme les autres. Elle réfléchit beaucoup, observe, croque les gens avec humour et ne peut répondre de façon succincte aux questions… Il lui faut du temps, un vrai face à face, un échange, un zeste de vie. Alors le « Questionnaire de Miss Tâm » devient un entretien fleuve oscillant joyeusement entre réflexions diverses et variées, digressions passionnantes et déambulations existentielles et autobiographiques… Tout cela entre le déjeuner au restaurant coréen Bong (Paris 15), la balade à pied jusqu’au boulevard Saint-Michel, jusque dans le bus 86 pour clore in extremis l’interview. Paradoxalement, le temps a passé très vite. J’étais même restée sur ma faim quand nous nous sommes dit au revoir dans le bus.  Voici un « condensé » des trois heures d’entretien avec la belle Fiamma Luzzati.

Avant de commencer l’entretien, voici le « Questionnaire de Miss Tâm » ou le portrait culinaire de Fiamma Luzzati :

1-    Si tu étais un aliment ou un plat?

Dans ma jeunesse, j’étais plutôt un dessert. Mystérieusement, je suis devenue plutôt salée, je dirais une charcuterie. Je pourrais aussi m’identifier aux légumes et aux graines. Mais je me souviens d’une charcuterie fabuleuse à Parma, il y a une dizaine d’années, il y avait toutes sortes de variétés incroyables de jambons, de saucissons et de lards. J’aime l’idée de l’apéro, avec un éventail de petites choses à goûter, à picorer, plutôt qu’un vrai repas carré. Goûter me correspond davantage. Comme dans la vie, j’aime rester à la surface des choses et ne veux pas être spécialiste de quoique ce soit. Je n’aime pas tout savoir sur un sujet. Ça me laisse la liberté de découvrir plein d’autres choses.

2-    Ton meilleur souvenir d’enfance de cuisine ou en lien avec la nourriture.

Pétrir. Pétrir la pâte, et notamment la pâte à pizza. Je trouvais que c’était très sensuel, agréable. Déjà petite, très tôt, je pétrissais la pâte avec ma mère. C’était quelque chose que j’aimais bien faire. La pâte et le résultat que tu obtiens, dépendent beaucoup de ton état. Tu te retrouves à faire la même recette, mais cela peut être catastrophique parce que la pâte absorbe ton état émotionnel. Tu as donc un résultat qui varie énormément. C’est vivant.

3-    Ton coup de foudre gustatif. 

Je n’arrive pas à faire une hiérarchie. J’aime beaucoup de choses. Par exemple, la cuisine japonaise en général me plaît. Mais un souvenir gustatif récent m’a particulièrement plu chez Rino (46 rue Trousseau, 75011 Paris), c’était le fait qu’il associe une viande (tartare d’agneau) combinée à une émulsion aux huîtres, aux saveurs très iodées, avec une sorte de pain aux algues et des feuilles de légumes. La combinaison viande d’agneau et sauce aux huîtres étaient totalement inattendue, surprenante. C’était incroyable, très fort. Giovanni Passerini trouve vraiment des combinaisons audacieuses, il est très doué.

Il y a eu aussi la salsa di noci (à la Pasta Therapy) faite au mortier. C’était une révélation gustative parce que je n’avais jamais goûté cette sauce comme ça, avec les noix pilées au mortier. Et ça me renvoie aussi à l’enfance car j’ai grandi dans la région de cette sauce, à Gênes.

Fiamma (au centre) en train de piler de bonnes noix au mortier – A l’épicerie RAP, Paris, durant la Pasta Therapy de Farine00. Juin 2013.

4-    L’anecdote culinaire la plus drôle qui t’est arrivée : en cuisine ou pendant un repas.

Je ne sais pas. Il n’y en a pas vraiment. (rires)

5-    Dans une cuisine, quel ustensile ou objet serais-tu ?

Je serai un batteur électrique qui fait monter la mousse, la crème, les blancs d’oeufs. J’aime bien ce processus, la transformation, de voir monter la mousse, c’est beau, c’est aérien, c’est léger.

6-    Ton pire cauchemar culinaire ou l’aliment / plat le plus détesté ?

Je n’associe pas la viande à un bon souvenir. Sauf le saucisson. J’aime la viande crue, en tartare. Mais tout ce qui est transformé, cuit, les ragoûts par exemple, je n’aime pas. Tout comme les produits industriels comme le Nutella. J’adore le chocolat mais pas le Nutella, l’huile de palme. Ou la betterave et son jus, un peu trop sanguin à mes yeux.

7-    Ton plat secret ou magique pour conquérir le cœur de ton élu ?

Un plat de pâtes. Sûrement. Un en particulier. Des pâtes à la pomme et au Whisky. Une recette apprise d’une amie qui cuisinait très bien. Au début de ma rencontre avec Emmanuel. On fait un soffritto* d’oignons, on ajoute de la pomme, du Whisky, et de la crème. C’est délicieux !

*hachis à base d’oignons, parfois mélangé à d’autres ingrédients, que l’on fait revenir dans de la matière grasse, base à partir de laquelle on prépare d’autres plats 

8-    Si tu étais une chef cuisine, où serais-tu (pays, lieu, resto…)?

Une chef en Sicile avec son propre potager comme Alain Passard.

9-    Le plat ou le dessert que tu as toujours rêvé de faire sans jamais oser ?

Je ne m’attaquerais pas aux desserts. Par exemple, les macarons ou la charlotte. Ou les desserts un peu sophistiqués. Je vois déjà toutes les complications. Quoique… j’aimerais le faire une fois pour impressionner mes invités, le faire pour quelqu’un.

10-  En cuisine, si tu étais un secret, lequel serais-tu ?

Le gingembre. Que je mets dans une soupe de potiron, avec des épices. C’est une chose qui n’est pas très connue, que je n’ai pas vraiment trouvé dans les recettes.

Allez, la question bonus : Quel est ton plat vietnamien préféré (si tu en connais un)?

Je suis très ignorante sur le sujet. Je ne peux pas te dire grand-chose. A part que j’ai beaucoup aimé les rouleaux verts : tes brochettes de bœuf au feuilles de Lôt et tout ce que tu avais préparé chez toi.

Merci Fiamma ! Pour compléter ton portrait culinaire, passons à des questions plus personnelles…

– En quelques mots, qui es-tu, d’où viens-tu ? 

Il y a pas mal de confusions : je suis Romaine et Sicilienne mais j’ai grandi à Gênes. Mes deux parents sont Siciliens. Donc je suis Sicilienne d’origine. J’ai grandi à Gênes mais sans être attachée à la ville, j’aime beaucoup sa cuisine. Rome m’a beaucoup marquée affectivement parce que j’y ai fait mes études et j’y ai encore beaucoup d’amis. Rome est un attachement amical, mais pas gastronomique. Bien plus que Milan où j’ai également vécu un moment. Je suis assez nomade. Si je le pouvais, je pourrais l’être davantage. Globalement, c’est difficile de dire que je suis de là ou d’ailleurs.

Paris pour moi est une ville intellectuelle. Pour y être bien, il faut pouvoir profiter de cet aspect. J’y ai des émotions intellectuelles. J’ai choisi de vivre à Paris à un moment donné de ma vie pour changer de dynamique. J’ai suivi le courant, je travaillais pour une agence de graphisme qui m’avait proposé de venir à Paris et d’ouvrir une agence ici. Même si Paris n’était pas dans mes plans. Après, j’y ai rencontré mon mari qui est totalement opposé à moi, un vrai sédentaire. Et je suis à Paris depuis 15 ans.

Dans ma vie, j’ai exercé de nombreux métiers divers et variés. Finance, catering, édition, volley-ball… Même si cela ne se voit pas, j’étais très sportive et je pratiquais le sport à haut niveau. La compétition dans le sport m’amusait assez mais je m’en lassais vite aussi. Trop de stress, trop de tension. J’aime mélanger toutes les activités cérébrales, artistiques, manuelles et sportives. Dans certaines disciplines sportives, je trouve qu’on peut développer le côté artistique. Petite, je faisais de la compétition de gymnastique. J’aurais aimé faire une carrière de danseuse. J’aurais pu peut-être trouver un plaisir. Le corps devient un instrument comme un pinceau. Il y a quelque chose à créer. Mais C’est une satisfaction intellectuelle aussi quand cela devient un acte artistique. Je ne l’ai pas fait. Petite, j’étais dans un très bon club de gymnastique, mais je n’ai pas trouvé d’équivalent pour la danse. Surtout en province. Si j’étais dans une ville de danse, cela aurait pu se passer autrement…

Le fil conducteur chez moi est l’écriture : raconter des histoires, témoigner. Je recompose toujours les faits, les histoires. Je pense que cela me convient plus de raconter, de faire du témoignage, de raconter du vécu qui n’est pas forcément autobiographique, plutôt que de la pure fiction. Dans la pure fiction, je m’angoisse vite, je perds pieds. Mais la fiction qui est un exercice difficile, m’intéresse.

– Comment es-tu devenue auteure de bande dessinée ?

En vérité, je ne sais pas comment me définir. Je ne suis pas auteure de bande dessinée et je ne suis pas vraiment une dessinatrice, encore moins une illustratrice. Et artiste, ça sonne vraiment très prétentieux pour moi. Artisane, cela me conviendrait mieux. Sauf que les artisans sont très doués de leurs mains. Moi je ne le suis pas trop. A la rigueur, suis-je une artisane de l’écriture. Même si je dessine beaucoup, je pars toujours d’un texte et le dessin, qui n’est pas le sujet principal, s’y intègre. En ce moment, j’ai très envie de faire une sorte de reportage. Et de le faire en BD me permet vraiment de m’exprimer.

Avant la création du blog de l’Avventura il y a un an et demi, j’écrivais déjà des histoires et je ne dessinais pas du tout. A l’agence de graphisme où je travaillais, j’étais rédactrice, pas graphiste. En arrivant à Paris il y a 15 ans, ma seule expérience de dessin était l’atelier de dessin avec modèles vivants proposé par les Ateliers de la ville de Paris, qui ne sont pas vraiment des cours, et avec beaucoup de monde.

La mise en espace dans le dessin reste donc un vrai problème pour moi. C’est à chaque fois un défi. Je n’ai pas ça naturellement et je ne sais jamais par où commencer. Par exemple, je suis incapable de faire des scènes urbaines, même non rigoureuses.  D’ailleurs je ne le fais pratiquement jamais dans mes dessins, je trouve des combines, je fais des détours. Un vrai dessinateur n’a jamais ce problème. Ce qui me vient naturellement, c’est capter des poses, des expressions toujours humaines et c’est sur ça que je me concentre. Si tu me demandes d’écrire sur n’importe quel sujet, je peux le faire sans problème. Avec le dessin, j’ai encore des limites techniques. Mais ça me plairait de pouvoir surmonter ces difficultés. Je reviens de loin, sans avoir eu réellement de formation de dessin.

Comment t’est venue l’idée de créer le personnage de Fiamma Luzzati ? Est-ce ton double ?

Non pas vraiment. Elle me ressemble un peu, mais ce n’est pas moi. J’ai voulu créer un personnage de femme pas trop jeune, mais pas trop âgée non plus, dans une phase de vie où tout est possible. Dans un âge qui a de l’expérience, sans avoir fondé de famille, où tout est encore ouvert et possible. Une femme qui cherche et qui se cherche. Elle est très observatrice comme moi. Je voulais aussi qu’elle soit une anti-héroïne, pas un canon de beauté ou une icône. Je voulais qu’elle ait un grand pif, qu’elle plaise sans être belle ou sexy, qu’elle soit quelqu’un de singulier. Graphiquement elle est née comme ça, je n’ai pas trop réfléchi. Si elle me ressemble physiquement, ce n’est pas voulu.

Globalement, elle n’est pas moi car ce n’est pas un récit autobiographique. Je raconte des choses que je n’ai pas forcément vécues directement. Ou simplement j’ai une idée, je me fais une réflexion sur quelque chose et je combine avec ce que l’on m’a raconté, ou encore avec ce que j’ai en partie vécu. Je construis une histoire. Beaucoup de mes lecteurs pensent même que c’est un récit en temps réel. J’ai un peu entretenu le doute. Et même si ce n’est pas ma vie directement, c’est en quelque sorte une autre facette de « ma » vie. Je pourrais vivre ces aventures, et à part l’aventure de la piscine qui était bien réelle, les autres ne sont pas autobiographiques. Les lecteurs apprécient la vérité et sincérité qui se dégagent de mes récits.

– Comment t’est venue l’envie de créer un blog ? Pourquoi ?

C’était d’abord un autre projet, une fiction que j’avais écrite autour de Berlusconi. Il y avait déjà le personnage de Fiamma. Pour coller à l’actualité et publier rapidement, je devais faire un blog, si possible sur un site de l’information (comme Libération ou Le Monde). Après une discussion éclairante avec un ami journaliste, celui-ci m’a conseillée d’écrire des réflexions sur l’actualité et des histoires en tant qu’Italienne à Paris. J’ai donc créé le blog de l’Avventura sur le site de liberation.fr, puis j’ai publié mon livre « L’avventura, la vie dessinée d’une Italienne à Paris ». Cela fait maintenant un an et demi que le blog existe.

– Quelle est l’histoire préférée dans ton propre blog ou dans ton livre ?

En particulier une des histoires dans le livre : celle de la relation entre la Sicile et la Bretagne (ici « En Bretagne on trouve l’amour », juillet 2012). Après des vacances en Bretagne, j’ai commencé un délire sur un parallèle possible entre ces deux terres en constatant une similitude entre les deux cartes géographiques. Il y a comme ça des histoires qui me font rire sur le moment que j’évacue et que je ne trouve plus drôles après. Et celles comme la relation entre la Sicile et la Bretagne qui me font encore rire aujourd’hui, pour laquelle j’ai une tendresse.

– Pour revenir au thème de mon blog, dis-moi Fiamma, aimes-tu cuisiner ou préfères-tu manger ? Ou les deux ? Si oui, quel genre de cuisine fais-tu chez toi ? Et quelle cuisine aimes-tu en dehors de chez toi ?

Je préfère manger. Et en cuisine, j’aime pétrir la pâte. Cela remonte déjà à l’enfance.

La cuisine que je fais chez moi est essentiellement italienne. Mais quand je sors, j’aime découvrir et me faire surprendre. Par exemple, j’aime beaucoup la cuisine asiatique, et plus particulièrement la cuisine japonaise. Non seulement pour l’esthétisme, les saveurs, la légèreté de cette cuisine mais aussi parce qu’il y a du choix, plein de petites choses à goûter que l’on peut picorer tout au long du repas, et sans se sentir lourd après. En général, avoir du choix à table en petites portions, picorer et goûter à une cuisine légère, cela ne peut que me plaire. Sinon, j’aime aussi me faire surprendre par une cuisine comme par exemple chez Rino qui propose une cuisine inventive et légère, audacieuse mais exquise.

– Quels sont tes adresses préférées de cuisine italienne à Paris que tu pourrais recommander à mes visiteurs ? 

Je recommande le restaurant Rino pour sa cuisine inventive, qui se situe au 46 rue Trousseau, 75011 Paris. Et pour une cuisine traditionnelle italienne, j’aime beaucoup le restaurant Fontanarosa, au 28 boulevard Garibaldi, 75015 Paris.

– Tu résides en France, à Paris. Quelles sont les croyances, les erreurs ou les confusions que les Français font souvent dans la cuisine italienne ?

En arrivant en France, je trouvais criminel de servir les pâtes dans la même assiette avec le plat de résistance, comme accompagnement avec une viande ou un poisson. Pour un Italien, c’est inconcevable. Maintenant je me suis un peu habituée, donc je considère que ce n’est pas très grave. Mais quand même, cela me fait toujours un petit choc.

– Enfin, pour clore l’entretien, quels sont tes rêves, tes projets pour les mois à venir ? Peut-on espérer de Fiamma Luzzati une oeuvre autour de la cuisine ? 

Oui un blog sur les chefs italiens vient de paraître ce mois-ci, sur le site de lemonde.fr : ici. Il y a la rubrique gastronomie, mais aussi d’autres rubriques comme la science. J’ai d’ailleurs déjà commencé un entretien avec un scientifique. Et la constante reste bien sûr l’humour. Je veux raconter les choses à ma façon, en étant drôle. Toujours avec ce regard décalé parce que cela me convient. Je suis de nature mélancolique, j’évacue mes angoisses par l’humour. C’est une thérapie pour moi et ça fait du bien pour les autres.

Mon rêve est de continuer à faire du reportage, de pouvoir en faire de plus en plus. Toujours en dessin, en BD. De pouvoir vivre de mon métier.

 Merci Fiamma pour ce merveilleux moment passé avec toi et merci surtout d’avoir accepté de répondre à ce long questionnaire, de façon imperturbable, en dégustant la bonne cuisine coréenne, en déambulant à travers les rues de Paris, ou encore dans un bus bondé. Mille mercis pour les dessins qui ont été réalisés pour ce portrait… Le tien !

Si vous avez aimé le portrait de Fiamma Luzzati et vous souhaitez découvrir son travail et suivre ses publications hebdomadaires, voici les liens :

Blog de L’Avventura sur lemonde.fr : http://lavventura.blog.lemonde.fr

Site de Fiamma Luzzati : www.fiammaluzzati.com

Et…c’est bientôt Noël… voilà une belle idée de cadeau avec l’option dédicace personnalisée ! Le livre de Fiamma Luzzati « L’avventura – La vie dessinée d’une Italienne à Paris » Rozebade Éditions est en vente ici.