Banh Bôt Loc Trân / Raviolis de tapioca aux crevettes et au porc

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Huê, ancienne capitale impériale sous la dynastie des Nguyên de 1802 à 1945, et capitale de la province de Thừa Thiên (centre du Vietnam), est réputé pour le raffinement de la poésie, de la musique et de la gastronomie. Sa cuisine, plus relevée et pimentée que le nord ou le sud du pays, a incontestablement hérité de la variété, de la richesse et de la finesse de la cuisine impériale. La plupart des mets exigent du savoir-faire dans la présentation et dans l’équilibre des saveurs, mais également du temps pour la réalisation.

L’un des plats populaires les plus connus dans le pays et hors du Vietnam, est la fameuse soupe de nouilles au boeuf et au pied de porc, Bun Bo Huê. On connaît également les délicieux banh bèo (crêpe de riz vapeur aux crevettes) que l’on déguste en entrée et qui sont parfois servis dans les restaurants vietnamiens à l’étranger ou en France. Si ces petites crêpes vapeur banh bèo vous semblent assez familières, elles sont souvent servis à la mode du sud, une variante plus simple et servies sans autres accompagnements. En effet, dans la pure tradition de Huê, les banh bèo font partie des spécialités culinaires composés de cinq mets différents qui se dégustent ensemble tels que les banh nâm, banh ram it, banh uot et les banh bôt loc, servies sur un grand plateau, accompagnées de sauce de nuoc mam sucré-salé (et non aigre-doux comme le sud ou le nord). Ces mets peuvent constituer un repas complet que l’on partage plutôt entre amis, au restaurant ou pour une occasion, une fête…

Photo La Kitchenette de Miss Tâm Huê Resto Hang Ma Ba Kieu 3

À Huê, je vous recommande un petit boui-boui qui ne paie pas de mine, le restaurant Hàng Me Bà Kiều (situé au 12 Võ thị Sáu, Huê), spécialisé dans ces délicieux petits mets de Huê à découvrir si vous êtes de passage dans la cité. La patronne, très aimable, vient prendre elle-même la commande et vous montre comment déguster ces plats. Dans le fond du restaurant, on peut apercevoir des cuisinières accroupies en train de réaliser sous vos yeux les petits plats, gage de fraîcheur. J’y ai goûté entre autres de merveilleux Banh Bôt Loc enveloppés dans des feuilles de phrynium placentarium (de la famille de l’arrow-root – en vietnamien, lá dong) qui ressemblent un peu aux feuilles de bananier, de plus petite taille et plus malléable et solide.

Photo La Kitchenette de Miss Tâm Huê restaurant Hàng Me Bà Kiêu 1Huê photo La Kitchenette de Miss Tâm Resto Hàng Me 5

Si vous ne les connaissez pas encore, je vous propose aujourd’hui de découvrir ces petits raviolis de tapioca aux crevettes et au porc, un peu moins connus des Occidentaux : les Bánh Bột Lọc. Il existe deux versions de Banh Bôt Loc : la traditionnelle enveloppée dans une feuille de dong ou de bananier et la version sans feuille qu’on désigne Bánh Bột Lọc Trần (Bánh = gâteau, galette / Bột = farine / Lọc = filtrer / Trần = nu ou au naturel), simplement parce que ces raviolis sont sans feuilles (comme nus) et à base de « farine filtrée », par extension, la fécule ou amidon de manioc obtenu par filtrage pour récupérer l’amidon). Dans les deux versions, il y a deux variantes possibles : celle avec une crevette entière seule et celle avec un mélange de crevettes et de porc.

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La variété de crevettes à Huê permet de conserver la carapace extrêmement fine des crevettes (de taille moyenne) et qui lui donne une texture un peu croustillante très agréable. La pâte à raviolis à base de fécule de tapioca est très particulière si on n’en a jamais goûté. Elle est translucide et comme texture, très élastique. Plutôt surprenant lorsqu’on est habitué aux dim sum cantonais ou aux raviolis à la pâte souple de riz. L’huile aux oignons verts ou ciboule (mỡ hành) permet de parfumer les raviolis et d’éviter qu’ils ne se collent entre eux. La sauce préparée à base de nuoc mam pur n’est pas aigre-douce comme on a l’habitude d’en goûter avec les raviolis vietnamiens du nord (banh cuôn) ou les pâtés impériaux frits (nems / cha giò). Elle doit être salé-sucré et bien diluée, avec un peu d’ail et de piment. Excepté les cinq mets de dégustation mentionnés plus haut, les banh bôt loc sont aussi servis avec les banh bèo, ces petites crêpes de riz aux crevettes cuite vapeur, accompagnés d’autres plats consistants bien sûr…

Banh Bôt Loc Huê photo La Kitchenette de Miss Tâm 3

Voici la recette des Banh Bôt Loc Trân qui n’est pas difficile à réaliser mais qui demande un certain tour de main. Je conseille aux courageux(ses) débutant(e)s de prévoir plusieurs sachets de fécule de tapioca dans le cas où la fécule de tapioca rencontre des problèmes. Suivez bien mes conseils pour la pâte : verser de l’eau bouillante, par petites quantités et en veillant bien à mélanger entre chaque versement d’eau. Il faut également acquérir un peu de pratique pour reconnaître la souplesse de la pâte. Car selon la qualité de la fécule, il faudra plus ou moins d’eau. La quantité d’eau indiquée est donc variable… Rater la pâte est très facile ! Il faut observer, tester et adapter. Là est toute la subtilité (et la difficulté) de cette recette. Alors bon courage pour les hardi(e)s !

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Pour environ 40 petits raviolis. Préparation : 1 heure 15. Cuisson : 15 minutes + 10 minutes.

Ingrédients :

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Pâte

  • 400 g de fécule de tapioca
  • 320-350 ml d’eau bouillante
  • ½ cuillère à café de sel fin

Farce

  • 150 g de crevettes crues décortiquées
  • 150 g de poitrine de porc
  • 2 gousses d’ail
  • ½ oignon
  • ½ cuillère à café de sel
  • ½ cuillère à café de poivre blanc
  • 2 cuillères à café de sucre
  • ½ cuillère à soupe de nuoc mam pur (saumure de poisson)

Annato Rocou photo La Kitchenette de Miss Tâm

Huile d’annatto (rocou)

  • 2 cuillères à soupe de graines d’annatto (rocou)
  • 4 cuillères à soupe d’huile végétale

Huile à ciboule

  • 6 cuillères à soupe d’huile végétale neutre
  • 3 tiges d’oignons verts / ciboule chinoise
  • 1 bonne pincée de sel

Sauce Nuoc Mam préparée de Kitchenette de Miss Tam

Sauce de nuoc mam préparée

  • 1 dose de nuoc mam pur (saumure de poisson)
  • 1 dose de sucre en poudre
  • 3 doses d’eau chaude
  • 1 ou 2 gousses d’ail haché
  • Piment rouge épépiné, ciselé

Préparation :

Farce

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  • Trancher la poitrine de porc en lardons. Ôter la couenne selon goût. Réserver dans un bol.
  • Laver les crevettes et les décortiquer entièrement en enlevant la carapace, la tête et le bout de queue. Découper en deux ou trois parties. Réserver dans un bol.
  • Hacher finement les deux gousses d’ail et hacher le ½ oignon.

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  • Faire mariner séparément le porc et les crevettes. Diviser les doses de marinade de la farce pour le porc et pour les crevettes soit dans chaque bol :
  • 1 gousse d’ail finement haché, ¼ d’oignon haché, ¼ cuillère à café de sel, ¼ cuillère à café de poivre blanc, 1 cuillère à café de sucre.
  • Bien mélanger et laisser reposer 30 minutes.

Huile de graines d’annatto / rocou

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  • Dans une casserole ou poêle, verser 2 cuillères à soupe de graines d’annatto / rocou puis 2 cuillères d’huile végétale neutre (type tournesol, arachide…). Ecraser une gousse d’ail et l’ajouter à l’huile (L’ail permet de parfumer un peu l’huile et d’atténuer le goût particulier des graines d’annatto / rocou).
  • Faire chauffer à feu moyen-vif jusqu’aux premiers grésillements puis baisser à feu moyen. L’huile se colore en rouge orangé. Remuer souvent. L’opération dure environ 10 minutes.
  • À l’aide d’un chinois (passoire à maillage fin), filtrer l’huile et jeter les graines.
  • Réserver.

Farce

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  • Après le temps de marinade, faire chauffer une poêle avec 1 cuillère à soupe d’huile.
  • Verser 1 cuillère à café d’huile d’annatto / rocou sur la viande de porc et 1 cuillère à café sur les crevettes. Mélanger. Cela permettra d’obtenir une belle coloration orangée.
  • Dans la poêle chaude et huilée, faire revenir le porc à feu vif pendant 5 minutes puis ajouter une 1/2 cuillère à soupe de nuoc mam pur. Baisser à feu moyen, poursuivre la cuisson encore 5-7 bonnes minutes.
  • Ajouter les crevettes, faire revenir 3-4 minutes. Éteindre et laisser refroidir.

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Huile à la ciboule ou oignons verts

Huile de ciboulette recette de Miss Tam

  •  Laver, nettoyer et sécher les oignons verts ou ciboule chinoise.
  • Réserver la partie blanche et n’utiliser que la partie verte des oignons verts.
  • Ciseler et réserver dans un bol qui contiendra l’huile.
  • Verser 6 cuillères à soupe d’huile végétale neutre dans une petite casserole et porter à ébullition. Ajouter une grosse pincée de sel et verser aussitôt sur les oignons verts ou ciboule ciselés. Mélanger et réserver.

Sauce nuoc mam préparé pour les banh bôt loc

Sur la base de 1 dose de nuoc mam pur (saumure de poisson), 1 dose de sucre et 3 doses d’eau.

  • Dans une petite casserole, faire chauffer doucement 2 cuillères à soupe pleines de nuoc mam pur, 2 cuillères à soupe rases de sucre en poudre et 6 cuillères à soupe d’eau. Remuer sans cesse jusqu’à complète dissolution du sucre.
  • Verser dans un grand bol.
  • Hacher finement l’ail et selon goût, ciseler ou couper le piment en fines rondelles.
  • Les ajouter à la sauce nuoc mam sucré-salé avant de servir.

Pâte à raviolis de tapioca

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  • Faire bouillir 350 ml d’eau. (On n’en utilisera que 320 ml, mais tout dépend de la qualité et de la marque de la fécule de tapioca, la fécule pourrait avoir besoin de plus – ou moins – d’eau !).
  • Dans un grand récipient, mettre 400 g de fécule de tapioca et 1 cuillère à café de sel. Mélanger.
  • Verser par petites quantités l’équivalent de 320 ml d’eau bouillante dans la fécule de tapioca (en 3 ou 4 fois). Entre chaque versement d’eau, mélanger la fécule de tapioca à l’aide d’une cuillère en bois. Cela fera des gros paquets de farine. C’est normal.

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  • Puis, laisser tiédir 3 ou 4 minutes avant de pétrir à la main. Attention, la pâte est très chaude ! Il faut pétrir doucement au début pour ne pas se brûler. Peu à peu, la pâte tiédit et devient supportable au toucher. Il faut travailler la pâte rapidement avant qu’elle ne sèche. Elle doit être souple et avoir la même texture qu’une pâte à modeler, et ne pas coller. La réserver dans un sac en plastique et fermer hermétiquement pour qu’elle ne sèche pas.

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N.B. Si on verse toute l’eau dans la fécule, l’amidon ne prendra pas et la pâte sera toute liquide. Si l’eau n’est pas assez chaude, l’amidon ne prendra pas non plus et la pâte sera d’apparence souple, mais trop sèche pour être manipulée et « se cassera ».

Réalisation des raviolis

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  • Prélever une boule de pâte. Former un boudin. Découper en petites portions de la taille d’une grosse cerise. Les raviolis doivent être petits car la pâte de tapioca est assez élastique et gommeuse après cuisson. S’il y a trop de pâte, ça sera difficile de…mastiquer !

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  • Remettre les petites portions dans un sac en plastique et refermer pour préserver la pâte du dessèchement.
  • Prendre une portion de pâte, la rouler en boule, l’aplatir en disque en pressant et en tournant le disque pour égaliser la surface. Former un disque le plus fin possible. Repères : En général, le disque devra faire 6 cm de diamètre.

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  • Prendre un morceau de crevette et un morceau de porc. Inutile d’en mettre trop, le ravioli risque de se déchirer. Plier en deux, bien sceller le bord du ravioli, et terminer avec le dos de la fourchette en pressant juste le bord du ravioli pour réaliser un joli motif (voir photo) et pour le sceller complètement (double sécurité !).

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  • Réaliser ainsi jusqu’à la fin de la pâte. Environ 40 petits raviolis.
  • Les conserver au fur et à mesure de la confection, dans une boîte hermétique pour éviter le dessèchement de la pâte à raviolis.

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  • Préparer un grand récipient d’eau très froide, voire glacée à disposition pour accueillir les raviolis cuits.
  • Dans une grande casserole, porter l’eau à ébullition (remplir la casserole au ¾ du niveau). Mettre à cuire les raviolis (ils peuvent se chevaucher, mais pas trop pour éviter le risque qu’ils se déchirent). Ils vont flotter très rapidement. Laisser cuire au moins 10 minutes. La pâte au bord des raviolis devient translucide, le centre reste plus opaque (c’est normal).

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  • À l’aide d’une écumoire, sortir délicatement les raviolis cuits et les plonger dans l’eau froide ou glacée à proximité. Cela permet aux raviolis de ne pas se coller entre eux et de raffermir la pâte pour qu’elle ne se déchire pas.
  • Égoutter les raviolis et les disposer joliment dans un plat, une grande assiette, etc.
  • Arroser d’huile à ciboule / oignons vers, puis de quelques cuillères de sauce de nuoc mam sucré-salé à l’ail et au piment.

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 Conseils : Avant de servir, si vous les préparez à l’avance, passez-les rapidement une ou deux minutes au four à micro-ondes (ou à la vapeur), la pâte redeviendra translucide et souple. Sinon… ça sera dur et pas très appétissant !

Voilà, c’est prêt à la dégustation ! C’est une entrée idéale et exquise, raffinée, esthétiquement surprenante car les raviolis transparents laissent apparaître son contenu ! Sa texture élastique et inhabituelle étonnera le palais de vos convives et amusera les enfants.

Bonne découverte et bonne dégustation à tous !

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Dessert aux trois couleurs et variations à la vietnamienne

Suong Sa Hot Luu Banh Lot La Kitchenette de Miss Tam

Amateurs de cuisine d’Asie du Sud-Est, vous connaissez certainement les Banh Lot, ce dessert d’aspect étrange de vermisseaux verts arrosés de lait de coco ! On en trouve parfois dans les restaurants vietnamiens, laotiens, cambodgiens ou thaïlandais en France ou emballés avec sachet de lait de coco et sirop de sucre dans le rayon frais de certains magasins d’alimentation asiatique. Si son aspect n’est pas très engageant, une fois qu’on y a goûté, on ne peut plus s’en passer ! De la recette simple avec lait de coco à la variante aux trois couleurs, d’un pays à un autre, les versions se multiplient pour notre plus grand bonheur gustatif. En vietnamien, nous l’appelons Banh Lot (Bánh = Gâteau ou galette /  Lọt = tomber à travers, glisser), une douceur gourmande à base de farine de riz, de fécule de tapioca, de fécule de haricot mungo ou encore de fécule de châtaigne d’eau selon les recettes, et de jus extrait de feuilles de pandanus.

En Asie du Sud-Est, ce délicieux dessert très populaire se vend dans la rue, aux marchés et on peut en déguster aussi dans les gargotes ou dans les restaurants. En Indonésie, Malaisie, au Singapour, on l’appelle Cendol ou Chendol, en Birmanie, Mont Let Saung မုန့်လက်ဆောင်း, en Thaïlande, Lod ou Lot Chong ลอดช่อง, au Cambodge, Bong’aem Lot បង្អែមលត, au Laos, Khao Lot Song et au Vietnam, chè Bánh Lọt.  Excepté le mot Cendol / Chendol issu du mot javanais, sundanais et indonésien, Jendol (bosse / bosselé / renflement, à cause de la texture des banh lot), toutes les autres appellations signifient à peu près la même chose : « passer à travers des trous ». À juste titre, les banh lot sont confectionnés à partir de différents de types de farines ou fécules selon les pays ou recettes, avec du jus extrait de feuilles fraîches de pandanus qui donne sa couleur verte, qui en cuisant, devient une pâte assez liquide que l’on fait passer à travers des trous au-dessus d’une bassine d’eau glacée. Ainsi se forment de petits vermisseaux tout verts si appétissants à nos yeux…

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Le point commun de ce dessert sud-est asiatique est la forme des banh lot, la couleur verte issue de l’extrait des feuilles de pandanus, la présence du lait de coco et du sirop de sucre brun de canne ou de palme, et l’indispensable glace pilée. Ensuite, les variantes sont infinies et souvent reprises d’un pays à l’autre : on ajoute des fruits frais comme par exemple le fruit de jacquier, le fruit de palmier et même le durian (en Malaisie), des imitations de graines de grenade à base de châtaignes d’eau et de fécule de tapioca, de la gelée d’agar-agar ou de la gelée d’herbes, des haricots de toutes sortes comme les doliques, les haricots mungo ou haricots azuki, etc.

La réussite des banh lot est la qualité de leur consistance : un peu gélifiée et pas trop molle. Le mélange courant à base de farine de riz avec ou pas de fécule de tapioca ne permet pas toujours d’obtenir une bonne consistance. Il faut le bon dosage, un savoir-faire. Mais surtout, avec l’utilisation de la farine de riz, il faut souvent utiliser des additifs alimentaires comme de l’hydroxyde de calcium appelé chaux éteinte (vôi) ou encore des carbonates de potassium et bicarbonate de sodium vendus en bouteille de la marque Lye Water (nuoc tro tàu), pour affermir la texture et obtenir la bonne consistance. Une autre astuce pour faciliter la confection sans additifs est d’utiliser soit de la fécule de haricot mungo (bôt dâu xanh) d’une marque thaïlandaise, soit de la fécule de châtaigne d’eau (photo ci-après) comme j’utilise ici, qui donne une très belle consistance sans additifs et quasiment inratable ! On trouve ces fécules dans les grands magasins d’alimentation asiatique comme Paris Store et si on habite en province, il y a également la possibilité d’en commander par Internet.

Chataigne d eau Photo La Kitchenette de Miss Tam - copie copie

Les Banh Lot ont fait le bonheur de toute mon enfance. J’aimais le vert et toutes ces couleurs vives, ces formes bizarres et ces textures variées dans un seul même dessert ! Malgré le travail que cela demandait, il régnait dans la cuisine familiale une telle joie que rien ne nous semblait insurmontable. On mettait la main à la pâte et on m’expliquait en détail chaque geste, chaque action, le pourquoi du comment, une vraie leçon de cuisine ! Tout était si minutieux, si précis. Les petits dés de châtaignes d’eau devaient vraiment imiter les graines de grenade. Un dé trop grand et il fallait aussitôt le retailler correctement. La pâte verte gluante et fumante de banh lot glissait, tombait allègrement à travers de multiples petits trous de la vieille passoire en alu, pour donner naissance à de petits vermisseaux verts, presque vivants, se frayant un chemin parmi les gros glaçons… Ce fut vraiment fascinant pour les yeux d’une petite fille comme moi ! Mais le moment de dégustation était aussi crucial. J’attendais de sentir en bouche la combinaison magique des banh lot glissants et presque fondants, des dés croquants et gommeux des châtaignes d’eau enrobées de fécule de tapioca, de la purée farineuse de haricot mungo, du croquant ferme de la gelée d’agar-agar et de la glace pilée qui fond sur la langue, tout cela sous un nappage crémeux au lait de coco et au sirop parfumé de sucre brun… Oh ce fut simplement sublime !

À propos de dessert aux trois couleurs à la vietnamienne (je précise), on s’y perd un peu ! En effet, il y a plusieurs recettes : celle avec les banh lot (qui demande plus de travail et que l’on trouve moins souvent dans les restaurants) et celle avec des haricots rouges ou azuki à la place des fausses graines de grenade (chè ba màu). Et le fameux « suong sa hôt luu » ou dessert aux trois couleurs que l’on trouve dans les restaurants, est généralement fait avec la gelée d’agar-agar colorée en vert (plus facile et rapide à faire). Il y a aussi une version avec des banh lot en plus, mais alors c’est précisé « Suong Sa Hôt Luu Banh Lot« . Alors, si vous demandez un dessert aux trois couleurs, vérifiez bien le contenu… Je vous propose aujourd’hui quatre versions dans un seul article.

Voici d’abord ma recette du chè banh lot, une base des variantes de desserts aux trois couleurs… Bonne découverte !

Pour 4 / 6 personnes. Préparation : 1 heure. Cuisson : 10 minutes.

Version simple Chè Bánh Lọt (Banh Lot au sirop de sucre de canne et au lait de coco)

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Banh Lot

  • 125 g de farine de châtaigne d’eau
  • 1 cuillère à soupe  bombée de farine de tapioca
  • 400 ml d’eau
  • 200 ml de jus de feuilles de pandanus (6 à 7 feuilles de pandanus fraîches mixées avec 250 ml d’eau – parfois on trouve en version surgelée dans certains magasins d’alimentation asiatique).
  • Un peu de colorant alimentaire naturel vert
Feuilles fraîches de pandanus

Feuilles fraîches de pandanus

Sirop de sucre

  • 200 g de sucre brun de canne ou de palme
  • 200 ml d’eau
  • 1 pincée de sel

Nappage au lait de coco

  • 200 ml de lait de coco
  • 1 cuillère à café bombée de farine de tapioca
  • ¼ cuillère à café de sel

Préparation :

  • Laver et nettoyer les feuilles de pandanus. Les couper en tronçons de 1 à 2 cm et mixer avec 250 ml d’eau.

Feuilles de pandanus photo La Kitchenette de Miss Tâm

Feuilles de pandanus photo La Kitchenette de Miss Tâm

  • Filtrer le jus de feuilles de pandanus. Réserver 200 ml.

Feuilles de pandanus photo La Kitchenette de Miss Tâm

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  • Dans une petite casserole, mélanger les 200 g de sucre brun de canne ou de palme avec 200 ml d’eau et le sel, et porter à ébullition.

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  • Mélanger régulièrement le sucre pour le dissoudre plus rapidement. L’opération ne dure que 5 à 10 minutes. Une fois dissout, réserver le sirop de sucre pour le refroidir avant utilisation.

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  • Verser 200 ml de lait de coco dans une petite casserole et le chauffer à feu moyen-vif. Diluer une cuillère à café bombée de farine de tapioca dans un peu d’eau froide et verser dans le lait de coco avec 1/4 de cuillère à café de sel. Bien remuer jusqu’à ce que le lait de coco s’épaississe un peu et prenne l’aspect d’une crème anglaise. Eteindre, réserver pour le laisser tiédir ou refroidir.

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  • Préparer un grand récipient ou grande casserole remplie d’eau glacée avec plein de glaçons. Et le cuit-vapeur à petits trous ou une passoire à trous ronds. L’idéal serait d’avoir le presse-purée à pression.

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Photo tirée du site commercial Cuisineaddict. Photo : DR

  • Dans un récipient, tamiser les 125 g de farine de châtaigne d’eau qui est très sèche et granuleuse en l’état. Verser les 400 ml d’eau froide sur la farine
  • Ajouter le jus de feuilles de pandanus et du colorant alimentaire naturel vert selon le degré de coloration désirée. En ce qui me concerne, j’utilise la marque Scrapcooking (à commander sur le net) qui fait des colorants 100% naturel en poudre. Je dilue 1/2 cuillère à café de colorant vert en poudre avec un peu d’eau prélevée de celle utilisée pour la farine. Attention, trop d’eau peut nuire à la consistance des Banh Lot ! Et je verse dans la préparation farine + eau + jus de pandan.

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  • Bien mélanger de façon homogène.

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  • Dans une casserole, filtrer la préparation à travers la passoire. Jeter ce qui n’est pas filtrable. Cuire à feu moyen-vif (sur une échelle de 10, mettre le feu à 7). Ne pas cesser de remuer. L’opération dure 5 minutes. Puis la pâte commence à s’épaissir de façon irrégulière. Baisser le feu à 6 tout en remuant rapidement sans cesse pendant encore 5 minutes.

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  • La pâte d’un beau vert doit être épaisse, bien molle et lisse. Remuer encore 2 minutes et éteindre aussitôt.

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  • Au-dessus du récipient d’eau glacée remplie de glaçons, verser la pâte chaude sur le cuit-vapeur ou la passoire à trous ronds ou le presse-purée à pression. À l’aide d’une spatule (ou maryse souple), presser sur la pâte pour former de petits vermisseaux à travers les trous qui tombent au fur et à mesure dans l’eau glacée. Ne pas hésiter à rajouter des glaçons pour maintenir l’eau froide. Cette action permet aux Banh Lot d’avoir une consistance plus ferme. Il restera un peu de pâte collante dans le cuit-vapeur / la passoire / le presse-purée. Une fois refroidie et sous l’eau, la pâte se décolle parfaitement des parois !

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  • Conserver les Banh Lot dans l’eau froide et au frais pendant 1 ou 2 jours maximum.

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Pour servir :

  • Facultatif : Déposer des glaçons pilés au fond d’un verre.
  • Égoutter une louche de Banh Lot verts et verser dans le verre.
  • Verser une ou deux cuillères à soupe de sirop de sucre selon goût.
  • Arroser de nappage au lait de coco (une ou deux cuillères à soupe, selon goût).
  • Avant de déguster, bien mélanger et déguster !!!

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Version Chè Banh Lot Dâu Xanh (chè bánh lọt đậu xanh / Banh Lot aux haricots mungo)

Préparation : 1h15. Cuisson : 10 mn + 25 mn.

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  • Banh Lot : cf. Chè Banh Lot
  • 250 g de haricots mungo décortiqués
  • 1 sachet de vanille
  • 1 cuillère à soupe de sucre
  • 1 pincée de sel

Préparation :

  • La veille, laver soigneusement les haricots mungo pelés et décortiqués jusqu’à ce que l’eau soit bien limpide et transparente.
  • Faire tremper dans l’eau froide pendant une nuit. (Certains disent qu’il suffit de deux ou trois heures de trempage. Mais la cuisson sera plus longue!)

Haricots mungo photo La Kitchenette de Miss Tam

  • Le jour J : Rincer les haricots mungo et égoutter. Les cuire à feu moyen pendant 20-25 minutes dans une petite casserole avec 1,5 cm d’eau au-dessus du niveau des haricots. Remuer de temps en temps.
  • En fin de cuisson, prendre un grain de haricot mungo et l’écraser pour tester sa cuisson. Si le grain se désagrège facilement en purée, les haricots sont cuits. Les égoutter et les réduire en purée avec la vanille, le sucre et le sel soit au mixer soit en les écrasant à la fourchette dans un bol. Réserver.

Haricots mungo photo La Kitchenette de Miss Tâm

Pour servir :

  • Dans un verre, déposer facultativement un peu de glaçons pilés, 1 cuillère à soupe bombée de purée de haricot mungo et 1 louche de Banh Lot égouttés.
  • Verser 1 ou 2 cuillères à soupe de sirop de sucre et napper de lait de coco selon goût.
  • Avant de déguster, bien mélanger le tout !

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Version Chè Ba Màu (Chè = entremets, dessert / Ba = 3 / Màu = couleurs ou Dessert aux trois couleurs)

Préparation : 1h30. Cuisson : 10 mn + 25 mn + 1h30

Che ba mau Banh Lot La Kitchenette de Miss Tam

  • Banh Lot : cf. Chè Banh Lot
  • Purée de haricot mungo : cf. Chè Banh Lot Dâu Xanh
  • 200 g de haricots rouges ou azukis bouillis
  • 1 cuillère à soupe de sucre
  • 1 cuillère à café de sel (en fin de cuisson)

Préparation :

  • La veille, laver, rincer les haricots rouges ou haricots azuki. Les faire tremper dans de l’eau froide pendant une nuit entière – au minimum 10 heures !
  • Jour J : Dans une casserole, cuire les haricots rouges ou azuki dans 6 fois son volume d’eau. Porter à ébullition puis baisser à feu moyen. Cuire entre 1 heure et 1h30.

Haricots rouges photo La Kitchenette de Miss Tam 3

  • Ajouter vers la fin de cuisson, le sucre et le sel. N.B. Si on ajoute le sel en début de cuisson, cela va durcir les haricots !
  • Rincer, égoutter les haricots. Réserver.

Haricots rouges photo La Kitchenette de Miss Tam 2

Pour servir :

  • Dans un grand verre (haut si possible), déposer facultativement des glaçons pilés, 2 cuillères à soupe de haricots rouges ou azuki bouillis, de la purée de haricot mungo, des Banh Lot verts.
  • Verser 2 à 3 cuillères à soupe de sirop de sucre et le nappage à base de lait de coco.
  • On peut aussi mettre les glaçons pilés au-dessus des Banh Lot avant de verser le nappage au lait de coco, au lieu d’en mettre au fond du verre.

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Version Suong Sa Hôt Luu Banh Lot (ou littéralement : Sương Sa ou Thạch = gelée d’agar-agar / Hột Lựu = graines de grenade / Bánh Lọt = gâteau qui tombe dans des trous / Dessert à la gelée d’agar-agar, grenade et banh lot)

Préparation : 1h30. Cuisson : 3 x 10 mn + 25 mn

Suong Sa Hot Luu Banh Lot La Kitchenette de Miss Tam 31

  • Banh Lot verts : cf. Chè Banh Lot
  • Purée de haricot mungo : cf. Chè Banh Lot Dâu Xanh

Pour faire les fausses graines de grenade (hột lựu) :

  • 200 g de châtaignes d’eau (en boîte)
  • Du colorant alimentaire rouge (si possible naturel – j’utilise la marque Scrapcooking, en poudre)
  • 6 à 7 cuillères à soupe de farine de tapioca

Pour faire la gelée d’agar-agar (suong sa ou sương sa / thạch) :

  • 7 g de poudre agar-agar (algue)
  • 500 ml d’eau
  • 1 cuillère à soupe de sucre
  • (si coloré, ajouter du colorant alimentaire naturel ou du jus de feuilles de pandanus)

Préparation :

Imitation de graines de grenade :

  • Laver et égoutter les châtaignes d’eau. Bien sécher en épongeant les châtaignes d’eau.

Chataignes d eau photo La Kitchenette de Miss Tam 1

  • Découper en petits dés de la taille des graines de grenade (0.5 cm x 0.5 cm)
  • Verser du colorant alimentaire naturel rouge (j’utilise la marque Scrapcooking acheté sur le net – colorant à base de betterave) dilué (si usage en poudre) sur les dés de châtaignes d’eau.

Suong Sa Hot Luu de La Kitchenette de Miss Tam 2

  • Les mélanger soigneusement et laisser tremper 30 minutes.

Suong Sa Hot Luu de La Kitchenette de Miss Tam 3

  • Dans une boîte en plastique ou dans un sac en plastique propre, mettre 6 cuillères à soupe de farine de tapioca. Puis ajouter les dés de châtaignes d’eau colorés en rouge et égouttés. Fermer la boîte ou le sac en plastique, et secouer le tout jusqu’à ce que la farine de tapioca recouvre complètement les dés de châtaignes d’eau.

Suong Sa Hot Luu de La Kitchenette de Miss Tam 5

  • Préparer un grand récipient d’eau glacée avec plein de glaçons.

Banh Lot de La Kitchenette de Miss Tam 7

  • Porter une grade casserole d’eau à ébullition. Mettre à cuire les dés de châtaignes d’eau recouvertes de farine. Remuer régulièrement pour que les graines se détachent bien. Dès que les graines remontent à la surface, les mettre aussitôt dans l’eau glacée. Les détacher si nécessaire si elles vont se coller les unes aux autres !

Suong Sa hot Luu de La Kitchenette de Miss Tam 6

  • Garder dans l’eau glacée avant de servir. Attention, cela ne se conserve pas et doit être utilisé dans les heures qui suivent la cuisson.

Suong Sa Hot Luu de La Kitchenette de Miss Tam 7

Gelée d’agar-agar (à réaliser 2 ou 3 heures minimum avant de déguster – pour que la gelée soit bien figée) :

  • Faire tremper pendant 30 minutes dans une petite casserole, les 7 g de poudre d’agar-agar avec 1/2 d’eau froide (et/ou dans les 500 ml de liquide, on peut aussi mélanger un peu de jus de feuilles de pandanus avec un peu de colorant vert – l’essentiel est d’avoir 500 ml de liquide pour 7 g de poudre d’agar-agar pour avoir la bonne consistance bien ferme).
  • Mélanger. Porter le tout à ébullition, verser le sucre et remuer sans cesse pendant 5 à 10 minutes à petits bouillons.

Suong Sa Hot Luu La Kitchenette de Miss Tam

  • Verser dans une boîte en plastique ou n’importe quel récipient. Laisser refroidir. Mettre au frais au moins pendant 1 heure. La gelée doit être bien figée avant de la manipuler.
  • Découper la gelée en julienne ou en fines lamelles. Réserver.

Suong Sa Hot Luu 6 La Kitchenette de Miss Tam

Pour servir :

  • Dans un verre haut, déposer (facultatif) des glaçons pilés, des fausses graines de grenade (châtaignes d’eau), de la purée de haricot mungo et les Banh Lot verts.
  • Déposer une cuillère à soupe de gelée d’agar-agar en filaments.
  • Verser 2 à 3 cuillères à soupe de sirop de sucre et le nappage au lait de coco.
  • Bien mélanger le tout avant de déguster.

Suong Sa Hot Luu de la Kitchenette de Miss Tam 9

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Autres variantes avec :

  • Azuki
  • Fruits de jacquier frais ou en sirop (mit)
  • Fruits de palmier (thôt nôt)
  • Gelée d’herbes (Suong Sao)

Banh Lot de La Kitchenette de Miss Tam 22

Bun Bo Huê (soupe de nouilles de riz épicées au boeuf à la mode de Huê)

Bun Bo Huê de La Kitchenette de Miss Tâm 26

Pays de soupes, le Vietnam offre une grande variété de soupes constituant à elles seules un repas complet. Parmi celles-ci, on retrouve les fameuses soupes emblématiques des trois régions du Vietnam : le Phở (soupe Pho) du nord, la soupe Hủ tiếu Mỹ Tho dite soupe saïgonnaise dans le sud et la soupe Bún Bò Huế (bún = vermicelles ou pâtes de riz / = bœuf / Huế = de la ville de Huê, centre du Vietnam), une spécialité de Huê très appréciée par les Vietnamiens et surtout par mon grand-père paternel, fin gastronome !

Dans cette région, en particulier à Huê, capitale gastronomique réputée au Vietnam, sa cuisine est particulièrement parfumée et pimentée, exigeant un savoir-faire et des préparations culinaires plus longues et complexes que les autres régions. Sans doute les vestige et héritage gastronomiques du temps de la dynastie Nguyễn à Huế. L’une des spécificités de la cuisine du centre est l’usage du mắm ruốc (pâte de petites crevettes (acetes japonicus) en saumure et fermentées) dans la préparation des sauces ou soupes et la présence importante de piment séché en flocons ou en poudre.

Bun bo Hue de La Kitchenette de Miss Tam 6 copieBun bo Hue de La Kitchenette de Miss Tam 7 copie

À l’origine, le Bun Bo Huê ne comportait pas de porc dans sa recette et portait bien son nom Bún Bò Huế (Bún = vermicelles ou pâtes de riz / Bò = boeuf). L’association bœuf et porc étant courante dans la cuisine vietnamienne, il n’est pas étrange de retrouver le porc dans ce plat, qui a été ajouté au fil du temps pour enrichir les saveurs du bouillon et apporter de nouvelles textures. Plus il y a d’os, meilleur est le bouillon. Certains restaurants vietnamiens à l’étranger ou en France mentionnent bien Bun bò giò heo ou littéralement, soupe de pâtes de riz au bœuf et au pied de porc. Mais même sans le préciser, le Bun Bo Huê se prépare maintenant systématiquement avec du bœuf et du porc (jarret / pied de porc).

BubeBoBunHue

De nos jours, par manque de temps, peu de personnes cuisinent ce plat de A à Z sans ajouter du bouillon préparé industriellement en cube (cube spécial bun bo Huê en vente dans les magasins d’alimentation asiatique au goût très flatteur) ou de la poudre de bouillon (bôt nêm), avec ou sans os dans le bouillon. C’est un choix. Pourtant, les os à eux seuls suffisent déjà à donner du goût à la soupe. Comme certains irréductibles, je préfère tirer profit des saveurs naturelles qu’offrent les aliments frais sans l’artifice standard des exhausteurs de goût et du glutamate. Pour cela, il est vrai qu’il faut du temps et de la patience pour réaliser cette soupe à partir de bouillon d’os et obtenir un savoureux Bun Bo Huê digne de ce nom !

D’une région à une autre, au Vietnam ou hors du pays, la soupe Bun Bo Huê se modifie, s’adapte au goût des régions, tout en conservant invariablement les bases principales de la recette de Huê : gite de boeuf, jarret et pied de porc, la mortadelle de Huê, la citronnelle en grande quantité, le mam ruôc, le piment séché, la fleur de bananier et les herbes fraîches. La soupe bun bo Huê que j’ai goûtée à Saigon était fabuleuse mais bien moins pimentée et parfumée que celle de Huê.

Dans le sud, les tranches de gite de bœuf sont souvent revenues à la poêle pour donner encore plus de goût à la viande. Ailleurs, on les fait tremper dans le bouillon chaud avant de servir. Certaines recettes préconisent la marinade de la viande dans le nuoc mam avant de la cuire, d’autres ajoutent des nerfs de bœuf très appréciés par les Vietnamiens pour son côté coriace et gommeux.  On voit aussi des versions culinaires avec l’ajout de cannelle, d’anis étoilé ou bien des tomates. Mais tout cela n’est pas dans la préparation originale de Huê.

Bun Bo Huê Sai Gon photo La Kitchenette de Miss Tâm

Bun Bo Huê dégusté au Vietnam. Photo : La Kitchenette de Miss Tâm.

L’utilisation des herbes et aromates est très variée d’une recette à l’autre mais la citronnelle est obligatoire dans cette soupe. Si on a la chance d’en trouver, on doit également mettre de la coriandre vietnamienne (rau răm / polygonum ), de la fleur de bananier, de l’oignon blanc cru finement ciselé et de l’oignon vert ou de la ciboule de Chine. Optionnellement, on peut rajouter de la coriandre longue ou épineuse (ngò gai) comme souvent dans les soupes vietnamiennes, du basilic thaï selon goût, de la coriandre (persil chinois), parfois de la menthe aussi. Normalement, il n’y a pas de gingembre bien que certaines personnes aiment en mettre dans le bouillon. La citronnelle étant très présente, il est préférable de ne pas trop surcharger les saveurs déjà très riches dans cette soupe.

Les pâtes de riz utilisées dans ce plat sont spécialement conçues pour cette soupe, d’aspect similaire à des gros spaghettoni italiens. Sur les paquets de pâtes, le nom de la soupe doit y figurer comme ci-après.

Bun bo Hue de La Kitchenette de Miss Tam 19 copie

Pour compléter le bol de soupe, il y a encore à ajouter l’exquise mortadelle et pour ceux qui le souhaitent, le sang cuit de porc qui n’est pas toujours du goût de tout le monde. La ville de Huê a sa propre mortadelle qu’on appelle chả Huế (mortadelle / pâté de porc de Huê) dont la recette est assez similaire à la mortadelle du nord (giò lụa / chả lụa), plus goûteuse et parfumée, plus aillée et poivrée, emballées en petites portions individuelles dans des feuilles de bananier. À défaut d’en trouver ou d’en faire soi-même, on peut simplement remplacer par la mortadelle (ou pâté de porc vietnamien) qu’on trouve habituellement dans les magasins asiatiques (recette ici).

Cha Huê photo La Kitchenette de Miss Tâm

Chả Huế (mortadelle de Huê) dégusté à Huê. Photo : La Kitchenette de Miss Tâm.

La complexité de ce plat réside non seulement dans sa préparation et l’alliance subtiles des parfums et saveurs, mais aussi dans la combinaison riche de textures différentes des ingrédients : le bœuf tendre et élastique, le porc moelleux, le sang bouilli fondant, le croquant des germes de haricot mungo cru et de la fleurs de bananier…

Les critères de réussite du Bun Bo Huê sont sensiblement les mêmes partout : il faut un bouillon bien propre et limpide, goûteux à la saveur particulière et typique de mam ruôc de Huê sans que cela agresse le palais et incommode l’odorat (beaucoup de Vietnamiens ne supportent pas le goût et l’odeur de cette pâte), bien parfumé à la citronnelle, avec une viande de gite de bœuf à la fois tendre et « élastique », des morceaux fondants de porc et une sauce préparée aux piments, ail, oignon et citronnelle.

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Fleur de bananier. Photo : La Kitchenette de Miss Tâm.

Faire un Bun bo Huê chez soi, c’est une aventure culinaire assurée ! Avec toutes ces informations, partons maintenant explorer la recette de bun bo Huê, soupe épicée de pâtes de riz au bœuf de Huê.

6 personnes. Préparation : 1 heure 30. Cuisson : 3 heures.

Ingrédients :

Bouillon

  • 600 g de gite de bœuf
  • 1,2 kg d’os de bœuf et de porc (2/3 os à moelle de bœuf et 1/3 os de porc)
  • 1 jarret de porc tranché en rondelles (haut du pied de porc) soit environ 500 g
  • Facultatif : un pied de porc tranché en 4 morceaux
  • 6-8 tiges de citronnelle fraîche écrasée
  • 1 oignon jaune
  • 3 cuillères à soupe de nuoc mam pur (saumure de poisson)
  • 1 cuillère à soupe de sucre
  • 1 cuillère à soupe de gros sel
  • 1 cuillère à soupe de mam ruôc de Huê (pâte de petites crevettes fermentées) dilué, bouilli et filtré 2 fois. Attention, si vous utilisez les pâte de crevettes măm tôm et le măm tép faits avec d’autres variétés de crevettes, le goût ne sera pas aussi fin !
  • 4 litres d’eau

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Mélange pimenté pour le bouillon

  • 1 cuillère à soupe de piment en poudre ou de flocons de piments séchés (attention, c’est très fort ! Si vous n’aimez pas trop pimenté, réduire à 1cuillère à café de piment voire moins)
  • 1 oignon jaune haché
  • 3 gousses d’ail haché
  • 1 tige de citronnelle fraîche (partie blanche) hachée
  • 1 cuillère à soupe de nuoc mam
  • 1 cuillère à café de sucre
  • 3 cuillères à soupe d’huile végétale neutre (type tournesol ou arachide)
  • Facultatif : 1 cuillère à soupe de graines de rocou (graines d’annatto) pour obtenir une huile rouge qui colorera le bouillon.

Garnitures

  • 200 g de mortadelle de Huê (chả Huế) ou de mortadelle vietnamienne (ou pâté de porc vietnamien – giò lụa / chả lụa) soit deux ou trois lamelles par bol de soupe.
  • Facultatif : Sang de porc cuit en tranches ou en cubes (cela s’achète dans certains magasins d’alimentation asiatique au rayon frais)
  • 200 g de germes de haricots mungo à mettre une petite poignée par bol de soupe
  • 2 citrons verts coupés en quartiers à presser dans le bouillon avant de déguster selon goût.
  • Piments frais ciselés selon envie.

Pâtes de riz

  • 600 g de pâtes de riz spécial pour la soupe bun bo Huê (d’aspect similaire aux spaghettoni italiens)

Herbes fraîches

  • 1 fleur de bananier finement tranchée en lamelles et pré-trempée dans du jus de citron (si on n’en trouve pas, on peut remplacer simplement par la laitue iceberg finement ciselée)
  • 1 oignon blanc finement ciselée : pour parsemer au moment de servir
  • Quelques tiges de ciboule de chine (hành lá) : partie blanche écrasée dans le bouillon / partie verte ciselée à parsemer au moment de servir.
  • 1 bouquet de coriandre vietnamienne (polygonum – rau răm) ciselée et une partie de tiges et feuilles laissées entières pour l’assiette d’accompagnement.
  • Quelques feuilles de coriandres longues ou épineuses (ngò gai) ciselée
  • Quelques feuilles de basilic Thaï (rau quế) ciselé

Préparation :

Bouillon

  • Laver, nettoyer les os. Mettre à cuire à l’eau bouillante pendant 15 minutes. Rincer à l’eau froide, nettoyer les impuretés sur les os.

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  • Verser 4 litres d’eau dans une grande marmite. Porter à ébullition et ajouter une cuillère à soupe de gros sel. Mettre les os précuits et nettoyés dans l’eau bouillante, baisser aussitôt le feu pour ne garder qu’un léger frémissement (c’est le secret d’un bouillon clair, translucide). Cuire pendant 30 minutes et écumer régulièrement les impuretés à la surface du bouillon.
  • Déposer le gite de bœuf entier dans le bouillon d’os. Ajouter un oignon jaune et le bouquet de citronnelle fraîche écrasée (pour mieux en libérer le parfum. Cuire pendant 30 minutes à découvert (ne pas couvrir la marmite pour ne pas troubler le bouillon) en maintenant un léger frémissement.

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  • Ajouter ensuite les jarret et pied de porc tranchés dans le bouillon (le gite de boeuf doit cuire plus longtemps que le jarret et le pied de porc).
  • Écumer régulièrement les impuretés à la surface du bouillon.

Pendant le temps de cuisson du bouillon :

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Bun bo Hue de La Kitchenette de Miss Tam 10 copie

  • Préparer le mam ruôc de Huê (pâte de petites crevettes fermentées en saumure) : Diluer une bonne cuillère à soupe de pâte de crevettes dans un bol avec de l’eau froide (remplir le bol), bien mélanger et laisser reposer 15 minutes pour que le dépôt reste au fond du bol.
  • Mettre 500 ml d’eau à bouillir dans une petite casserole pendant ce temps. Verser doucement dans l’eau bouillante, la pâte de crevettes diluée en veillant à bien jeter le dépôt resté au fond du bol (c’est le premier filtre de la sauce). Cuire l’eau du mam ruôc pendant 10 minutes et laisser reposer 15 minutes pour le 2ème filtre. Un dépôt se retrouve à nouveau au fond de la casserole.
  • Verser tout doucement (pour ne pas remuer le dépôt) le liquide filtré du mam ruôc dans la grande marmite de bouillon.
  • N.B. Cette astuce un peu fastidieuse permet d’obtenir un bouillon bien limpide et d’éviter un goût trop prononcé des crevettes en saumure qui peut être désagréable si on cuisine mal. Cette pâte de crevettes étant crue, il faut toujours la filtrer quand elle est diluée avec l’eau et la cuire.
  • Poursuivre la cuisson du bouillon, des os et de la viande pendant une heure et demi en gardant un léger frémissement et sans couvrir !
  • Pendant ce temps : préparer le mélange pimenté pour mettre dans le bouillon.
  • Facultatif si on veut colorer son bouillon : Dans une poêle et à huile chaude, faire revenir une cuillère à soupe de graines de rocou (graines d’annatto) pendant quelques minutes. L’huile se colorera en rouge. Verser l’huile dans un bol, jeter les graines de rocou.
  • Hacher finement la partie blanche de la citronnelle après avoir enlevé la première couche de feuille et écrasé légèrement la tige. Réserver.
  • Hacher oignon et ail. Les faire revenir et suer à la poêle dans trois cuillères à soupe d’huile chaude (si option huile de rocou, verser une cuillère à soupe à ce moment-là).

Bun bo Hue de La Kitchenette de Miss Tam 11 copie

  • Dès que l’oignon devient translucide, ajouter les flocons de piment ou poudre de piment et la citronnelle hachée. Faire revenir rapidement (attention, le piment chauffé à l’huile vous prendra à la gorge! Pensez à bien aérer la cuisine!) à feu vif.
  • Ajouter 1 cuillère à soupe de sucre et 3 cuillères à soupe de nuoc mam. Bien mélanger. Réserver une bonne cuillère à soupe de cette sauce au piment de côté. Verser une louche de bouillon chaud dans le reste de sauce préparée au piment séché. Mélanger le tout et laisser réduire quelques minutes à feu moyen-vif. Éteindre.
  • Enlever les tiges de citronnelle et l’oignon du bouillon et jeter.  Sortir les rondelles de jarret, morceaux de pied de porc et le gite de bœuf. Laisser tiédir. Trancher le gite en lamelles de 3 mm d’épaisseur environ, dépiauter un peu le jarret si la rondelle est trop imposante pour le bol, laisser entières les rondelles plus petites de jarret. Réserver le porc pour le service.
  • Bun bo Hue de La Kitchenette de Miss Tam 18 copieVerser le sauce pimentée et remettre les lamelles de gites de boeuf dans le bouillon. Si option cubes ou tranches de sang bouilli de porc : les ajouter au bouillon à ce moment-là. Poursuivre la cuisson encore 30 minutes. Ne pas oublier d’écumer les impuretés régulièrement quand il y en a.Si le bouillon a trop réduit, on peut rajouter de l’eau qui doit toujours être bouillante pour que le bouillon reste limpide.
  • En fin de cuisson, jeter les os. Pour les puristes, on peut encore filtrer le bouillon. goûter et rectifier le bouillon si nécessaire avec du nuoc mam pur pour le salé, un peu de sucre pour adoucir ou un peu de sauce pimentée préparée si ce n’est pas assez relevé.

Bun bo Hue de La Kitchenette de Miss Tam 12

  • Avant de servir, remettre les rondelles de jarret et pied de porc dans le bouillon pour les réchauffer avant de servir.
  • Pendant la dernière phase de cuisson du bouillon, on peut préparer les herbes, les aromates et les garnitures.

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  • Préparer un récipient d’eau froide avec 2 cuillères à soupe de jus de citron pressé. Laver, peler les premières pétales de la fleurs de bananier et trancher très finement la fleur. Faire tremper pendant 20 minutes les lamelles de fleurs de bananier dans l’eau citronnée afin d’éviter le noircissement de la fleur dû à l’oxydation au contact de l’air. Égoutter et mettre dans un plat de service.

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  • Laver, essorer les différentes herbes aromatiques, déposer une partie dans le plat de service. Ciseler les feuilles pour parfumer la soupe au moment de servir.
  • Laver et égoutter les germes de haricots mungo (dits “pousses de soja”). Mettre une partie dans le plat de service. Réserver une partie pour le bol de soupe (une petite poignée par bol).

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  • Couper en quartier les citrons verts et déposer dans le plat de service.
  • Trancher la mortadelle vietnamienne pour en disposer dans le bol de soupe au moment de servir.
  • Laver les tiges de ciboules de Chine ou oignons verts. Séparer la partie blanche de la verte. Du plat de la lame du couteau ou couperet, écraser la partie blanche de la ciboule et jeter dans le bouillon. Ciseler la partie verte pour parsemer le bol de soupe au moment de servir.

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  • Faire bouillir une grande casserole d’eau pour les pâtes. Dès ébullition, verser les pâtes de riz (type spécial pour ce plat – comme des gros spaghettis mais blancs à base de riz). Cuire selon indication du paquet (environ 8 minutes en général). Dès fin de cuisson, passer directement sous l’eau froide du robinet, abondamment, pour arrêter la cuisson et éviter que les pâtes ne collent entre elles. Réserver dans la passoire.

Préparation et dressage des (grands) bols de soupe :

Préparation des bols de bun bo Huê au Vietnam. Photo : La Kitchenette de Miss Tâm

Préparation des bols de bun bo Huê au Vietnam.
Photo : La Kitchenette de Miss Tâm

  • Mettre un peu de pâtes de riz dans les bols.
  • Ajouter une petite poignée de fleurs de bananier, de germes de haricots mungo, de la partie blanche de ciboule de Chine ou oignons verts.
  • Déposer trois lamelles de gite de bœuf, une rondelle de jarret de porc (et facultatif, un bout du pied de porc pour ceux qui le souhaitent).

Bun Bo Huê Saigon photo La Kitchenette de Miss Tâm 4

  • Déposer quelques cubes ou tranches de sang bouilli et deux ou trois lamelles de mortadelle de porc.
  • Parsemer de lamelles d’oignon blanc cru nature, d’herbes aromatiques ciselées et quelques petites rondelles de piment pour les gros mangeurs de piment.
  • Verser le bouillon brûlant et servir aussitôt.
Bun Bo Huê Saigon photo La Kitchenette de Miss Tâm 7

Bun Bo Huê dégusté au Vietnam.
Photo : La Kitchenette de Miss Tâm.

  • À disposition sur la table pour les convives, un plat de service contenant un peu de fleurs de bananier finement tranchées, de germes de haricots mungo, d’herbes aromatiques fraîches, de citrons verts en quartiers à presser dans la soupe selon goût et des piments frais, ainsi qu’une coupelle du reste de sauce préparée pimentée si la soupe n’est pas assez relevé pour le mangeur !

Et voilà… si vous êtes arrivé(e) jusqu’au bout de cette recette, bravo et toutes mes félicitations ! Vous avez bien mérité votre bol de Bun Bo Huê !!! Très belle découverte et bonne dégustation !

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Banh bao (Brioche à la vapeur farcie au porc et aux champignons)

Banh Bao copyright La Kitchenette de Miss Tam 24

Si vous êtes amateur de la cuisine chinoise et vietnamienne, vous connaissez certainement ces jolis bao 包 (envelopper) ou pain vapeur fourré, tout ronds, tout blancs, que l’on voit vendus par quatre en sachet dans les magasins d’alimentation asiatique ou à l’unité chez les traiteurs chinois et vietnamiens.

Ces petits pains vapeur, bāo zi 包子 sont très populaires et originaires de Chine, varient de taille et de farces selon les régions et existent aussi bien en version farce salée ou sucrée qu’en version nature qu’on appelle mantou. La pâte est composée de farine de blé, d’eau, parfois un peu de sucre, et de levure. Les farces salées sont souvent à base de porc et de légumes, mais comme toujours il existe une multitude de variantes. L’influence de la cuisine chinoise étant vaste, on trouve aussi trace de ce type de pain vapeur mais aux farces différentes, aux Philippines, au Japon, en Mongolie et… bien sûr au Vietnam.

Dans la version vietnamienne, les bánh bao (bánh = gâteau ou galette / bao = envelopper) ont été adaptés au goût des Vietnamiens. La pâte est faite de farine de blé, additionnée de de farine de riz ou de maïs selon les familles, mélangée avec du lait au lieu de l’eau comme la version originale chinoise, avec toujours deux sortes de levures, la boulangère et la chimique, et avec une quantité de sucre plus importante que les Chinois. Quant à la farce, il existe bien sûr des variantes très proches des pains chinois, à base de porc laqué par exemple, mais la version vietnamienne la plus populaire est celle aux porc haché, champignons parfumés (shiitakés) et/ou champignons noirs, œufs durs de poule ou de caille et saucisses chinoise Lap Cheong (en vietnamien, lạp xưởng). La farce peut également s’enrichir de petits dés de pois patate (ou jicama) qui est très doux et croquant, ou encore la châtaigne d’eau de même texture. On en trouve en France, dans les marchés asiatiques, frais (pois patate), en boîte ou surgelé (châtaigne d’eau).

Les critères de réussite des banh bao pour les Vietnamiens sont le moelleux et la blancheur de la pâte. Chaque famille possède son petit secret de fabrication. Pour blanchir la pâte par exemple, certains ajoutent quelques gouttes de vinaigre ou de citron dans la pâte (non testé), du vinaigre dans l’eau de cuisson à la vapeur. D’autres disent que le lait aiderait à rendre la pâte plus blanche que l’eau. Ou encore le mélange de farines favoriserait la texture moelleuse. Aujourd’hui, on trouve des préparations en sachet pour la confection des banh bao. Selon mes recherches et à la lecture de certains forums à ce sujet, il semblerait que ces préparations ne sont pas fiables. En ce qui me concerne, je n’ai jamais testé.

Dans le sud du Vietnam, les banh bao, très complets et nourrissants, se dégustent à n’importe quelle heure de la journée, et s’achètent facilement dans la rue. Hors du pays, ces brioches farcies restent très populaires et appréciées par les Vietnamiens exilés. Avec le temps, les banh bao sont même devenus la madeleine de Proust pour la génération née hors du Vietnam comme moi, nourrie avec délice et bonheur aux banh bao, pour le goûter, pour un en-cas ou pour un repas sur le pouce… Et avec quelques gouttes de Maggi®, la magie opère… Chers amis et visiteurs d’origine vietnamienne, vous en souvenez-vous ?

Banh Bao copyright La Kitchenette de Miss Tam 26

Voici ma recette de banh bao (brioches à la vapeur farcies au porc et aux champignons) qui, je l’espère, vous plaira.

Réactualisée en octobre 2017.

Pour 12 brioches de taille moyenne. Préparation totale : 1 heure. Levain : 20 minutes. 1ère levée de pâte : 1h30-2 heures. 2ème levée de brioches farcies : 30 minutes. Cuisson à la vapeur : 15 à 20 minutes (selon la taille des banh bao)

Ingrédients :

Pâte à brioche

  • 400 g de farine de blé T45
  • 50 g de sucre en poudre
  • 4 g de levure boulangère sèche (soit 2 c. à café rases)
  • ½ cuillère à café de sel fin
  • 210-220 ml de lait (ou de l’eau)

Farce

  • 200 g de viande de porc haché (palette ou échine)
  • 12 œufs durs de caille ou 2 œufs durs (coupés en 6 chacun)
  • 1 saucisse chinoise Lap Cheong (lạp xưởng)
  • 6 grosses têtes de champignons parfumés séchés (shiitaké) réhydratés
  • 40 g d’oignon
  • 1 c. à café de sucre
  • 1 c. à soupe de nuoc mam (de préférence de Phu Quôc, Vietnam)
  • 1 c. à café d’huile de sésame
  • 1/3 c. à café de poivre blanc moulu
  • 2 tiges de ciboulette thaïe (ou cive, oignon de printemps, oignon vert)

Préparation :

Pâte à brioche

  • Dans un grand récipient, mélanger le lait tiède (max 38°C) avec la levure boulangère sèche, 1 c. à café de sucre et 1 c. à soupe de farine (prélevée sur la quantité totale de farine). Bien mélanger jusqu’à complète dissolution de la levure, puis laisser reposer la pâte 20 minutes jusqu’à ce qu’une mousse se forme à la surface.

Banh Bao copyright La Kitchenette de Miss Tam 2

  • Ajouter ensuite le reste de farine de blé, le sucre, le sel, mélanger puis pétrir pendant 15-20 minutes jusqu’à l’obtention d’une pâte homogène, souple et non collante.

Banh Bao copyright La Kitchenette de Miss Tam 3

Banh Bao copyright La Kitchenette de Miss Tam 5

  • Laisser lever la pâte à température ambiante (ou au four à 35°C) pendant 1h30 à 2 heures dans son récipient recouvert d’un torchon.

Pendant que la pâte repose, on prépare la farce.

Farce

  • Faire tremper les champignons parfumés séchés (shiitaké) dans un grand bol d’eau tiède pendant 1 heure (au mieux, quelques heures). Une fois réhydratés, couper les pieds, hacher les shiitaké et réserver.

Shiitakés copyright La Kitchenette de Miss Tam

Banh Bao copyright La Kitchenette de Miss Tam 8

  • Faire cuire les œufs à l’eau bouillante pendant 10 minutes (si option œufs de caille, cuire à l’eau bouillante pendant 4 minutes). Puis les plonger après cuisson dans l’eau froide jusqu’à refroidissement, avant de les écaler. Réserver.

Banh Bao copyright La Kitchenette de Miss Tam 7

  • Couper la saucisse lap xuong en fines rondelles. Réserver.
  • Peler et hacher finement l’oignon.
  • Ciseler la ciboulette thaïe.
  • Mélanger la viande de porc haché avec les champignons hachés, la ciboulette, l’oignon, le nuoc mam pur, le sucre, l’huile de sésame, le poivre blanc.  Laisser reposer au frais.

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Réalisation des brioches

  • Découper 12 carrés de papier sulfurisé (papier de cuisson).
  • Après le temps de levée, la pâte double de volume. Dégazer la pâte, la pétrir un peu (la pâte doit être souple et pas collante) sans trop la travailler.

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  • Former deux boudins de pâte et couper 6 portions de pâte par boudin de pâte.

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  • Couper les œufs durs 6. Si option œufs de caille, les laisser entier.
  • On peut préparer la farce pour faciliter le pliage des banh bao. Dans ce cas, former des boulettes de farce en insérant 1 œuf de caille dans le centre de la boulette. Si on choisit l’option de l’œuf dur de poule, voir les instructions ci-dessous.
  • Abaisser la pâte pour former un disque épais de 3-5 mm au rouleau à pâtisserie. Amincir le contour du disque pour faciliter le pliage en faisant rouler le rouleau à pâtisserie vers le centre. Cela permet d’obtenir le centre du disque plus épais et de renforcer la base de la brioche pour la farce. NB. Une belle pâte se vérifie à son élasticité. On doit pouvoir étirer légèrement la pâte sans qu’elle se déchire.

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  • Prélever 1 bonne cuillère à soupe de portion de farce. Déposer 1 morceau d’œuf et deux rondelles fines de saucisse.

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  • Refermer la brioche en enveloppant la farce.
  • Le procédé est le suivant : Prendre le disque de pâte dans la paume de la main gauche (si on est droitier), déposer la farce. De la main droite, faire un premier pli en Z et pincer le bord pour sceller, puis créer un autre pli pour former une fronce et pincer en décalé sur le 1er pli, ainsi de suite jusqu’au bout. L’astuce est de toujours garder le 1er pli en main pour pouvoir sceller le tout.

Petite vidéo en accéléré : Cliquez ici IMG-3015

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  • Déposer la brioche fermée sur un bout de papier de cuisson. Faire de même avec le reste de pâte et de farce. En principe, on obtient 12 brioches farcies.

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  • Cuire les banh bao pendant 15 minutes à la vapeur, à partir de l’ébullition de l’eau. Après cuisson, les laisser reposer 10 minutes avant de les sortir.

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Et voilà de délicieux banh bao bien moelleux et parfumés, à la farce savoureuse ! On les déguste tels quels, chauds ou tièdes, avec ou sans sauce de soja, à n’importe quel moment de la journée, du petit-déjeuner au dîner.

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Les banh bao se conservent quelques jours au réfrigérateur dans une boîte hermétique ou au congélateur pendant quelques semaines. Vous pouvez soit réchauffer à la vapeur quelques minutes, soit une minutes au four à micro-ondes en imbibant la surface d’un peu d’eau au préalable pour que la brioche ne soit pas sèche.

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Bon appétit !