Halte gourmande : Restaurant Siam@Siam à Paris

Le week end arrive… C’est l’occasion de vous faire découvrir ce restaurant de spécialités asiatiques (Laos, Vietnam, Cambodge, Thaïlande, Chine), le Siam@Siam, situé en retrait au fond de la galerie du centre commercial Oslo, au cœur du quartier chinois de Paris (13ème arrondissement), au-dessus de Tang Frères).

Mon père, gourmand et gourmet, connaît toujours de bons plans de restaurants asiatiques à Paris. C’est d’ailleurs mon conseiller « officiel » en matière de cantines ou de restaurants vietnamiens / asiatiques, et je peux totalement me fier à ses critères. Ce ne sont pas des restaurants gastronomiques ou de « haut standing », chic ou encore bobo, mais des lieux où la communauté asiatique aime se rendre pour manger de la bonne cuisine traditionnelle.

Un jour, je rejoins mon père dans le quartier chinois du 13ème arrondissement de Paris pour déjeuner ensemble. Il me vante une excellente soupe de canard braisé aux cinq-épices et aux nouilles de blé et d’œufs (mì vịt tiềm) qu’on peut déguster dans un restaurant ouvert depuis environ une année au-dessus de Tang Frères. J’en ai l’eau à la bouche et je le suis, impatiente, vers le chemin des joies gustatives. Nous grimpons l’escalier roulant du centre commercial Oslo, passons devant le Paristore, longeons de nombreux magasins et de restaurants asiatiques, jusqu’au bout de la galerie qui mène vers les Olympiades, et arrivons enfin chez Siam@Siam, le dernier restaurant situé à droite de la galerie. La surprise est de taille du restaurant, grande ! L’endroit ne ressemble en rien aux autres restaurants ou cantines du quartier. C’est spacieux, avec un décor plutôt sobre (pas de dorures, de rouge, de couleurs criardes, de bibelots kitsch), avec une cuisine ouverte derrière un grand bar. Les cuisiniers en jolie tenue de cuisinier assez stylée, tous coiffés de charlottes, et impassibles devant les regards curieux des clients, s’agitent devant les fourneaux. Les bonnes odeurs flottent déjà… On nous accueille et nous place. Banquettes confortables, grandes tables… Et la vue du bar ouvert sur la cuisine est absolument… magnifique, photogénique, digne d’un film de Wong Kar-wai. C’est un peu exagéré, mais j’ai été littéralement fascinée par la vue de ces cuisiniers derrière le bar. Avant même de manger, je suis déjà conquise.

La carte qu’on nous remet est aussi alléchante que les bonnes odeurs qui nous parviennent au nez. Ma soupe de canard initialement prévue se transforme rapidement en un festin à la hauteur de notre gourmandise. Difficile de faire un choix, tout est bon. Il a quand même fallu se décider… Voici les délicieux plats et desserts choisis.

  • Rouleaux de printemps maison (à la vapeur)

  • Brioches vapeur aux pousses de bambou Kampout

  • Salade Thaï à l’ananas et aux fruits de mer

  • Amok Trei (en flan)

  • Boeuf Loc Lac (bo luc lac)

  • Milkshake au durian

  • Riz gluant et sa crème de durian

Les entrées à la vapeur sont fabuleuses, l’amok trei cambodgien dans sa version flan en papillotte, est bien épicé et goûteux, le boeuf loc lac est de loin le meilleur que j’ai dégusté dans un restaurant avec une viande extrêmement tendre et marinée à point, et la sublime salade Thaï à l’ananas et aux fruits de mer avec gambas et noix de Saint-Jacques est  généreusement servie. Quant aux desserts, nous sommes amateurs de durian… Rien à ajouter, on aime ou on déteste ce fruit…

En conclusion, les plats sont copieux et bien servis, la cuisine est de très grande qualité et particulièrement savoureuse, la carte des spécialités est vraiment intéressante (voir photo), enfin la variété des cuisines (Laos, Cambodge, Thaïlande, Vietnam, Chine) justifie bien le choix du terme général de « restaurant de spécialités asiatiques ». L’accueil est courtois, le service rapide. On peut être bien conseillé si on ne connaît pas les plats. Enfin, pour notre plaisir, les prix sont plus que raisonnables, oscillant entre 5 et 10 euros pour les entrées et certains plats, et autour de 12-13 euros pour les plats aux fruits de mer, gambas, crabes… Comment y résister ?

Je n’ai qu’une question à poser à mon père : « On y retourne pour une soupe au canard ? » Et vous, cela vous tente-t-il d’y faire un tour ce week end ?

Bon week end à vous tous ! Et…bonne découverte !

Chouquettes au chocolat et à la cannelle

On quitte provisoirement le Vietnam pour des humeurs gustatives autour des chouquettes. La pâtisserie… mon autre passion. C’est mercredi et j’associe sans peine ce jour de la semaine à la pâtisserie et aux délicieux goûters gourmands ! Cela me ramène aussi vers la première recette postée sur ce blog il y a seulement huit mois, quasiment jour pour jour, des chouquettes ! Le temps passe si vite.

Pas de fraises, pas de crème, pas de jolies décorations et de couleurs… Voici une petite douceur qui n’a rien de spectaculaire mais qui est ô combien délicieuse et…simple à faire! Chez moi, on aime le cacao et la cannelle. Rien de plus normal que d’ajouter ces ingrédients dans les chouquettes, de varier avec des pépites de chocolat (qui ne sont pas en photo ici) si l’on veut, ou d’ajouter d’autres ingrédients (pâte à pistache, pralines, canneberges, zestes d’agrumes…) encore au gré des envies. La pâte à choux est une base incroyable.

Voici une recette facile et simple à réaliser. Il faut juste un peu de patience encore chaque (trop) longue fournée, essayer de ne pas se jeter sur ces petites boules de douceurs pour les faire disparaître aussitôt sorties du four… C’est sans doute là, la plus grande difficulté de cette recette !

Pour 50-60 petites chouquettes. Préparation : 15 mn. Cuisson : 25 mn par fournée (x 3 fournées)

Ingrédients :

  • 120g de beurre
  • 4 œufs
  • 1/4 litre d’eau (250 ml)
  • 130 g de farine
  • 1 cuillère de cacao non sucré en poudre (de type Van Houten par exemple)
  • 1 cuillère à soupe de sucre en poudre
  • 1/2 cuillère à café de cannelle
  • 1 pincée de sel
  • 50g environ de graines de sucre + (facultatif : pépites de chocolat pour faire des chouquettes tout chocolat)

Préparation :

  • Préchauffer le four à 200°C (th.6 /7) à chaleur tournante.
  • Mettre dans une casserole (si possible à fond épais) les 25cl d’eau, le sel, le sucre et le beurre froid coupé en morceaux, puis chauffer sur feu vif tout en remuant. Au bouillon, retirer la casserole du feu.
  • D’un seul coup, ajouter la farine et mélanger vigoureusement avec une cuillère en bois jusqu’à ce que la pâte ait une consistance bien homogène et se décolle des parois de la casserole. Ajouter le cacao et la cannelle. Bien mélanger.
  • Remettre la casserole sur feu doux et bien mélanger la pâte pendant 1 à 2mn pour assécher la pâte.
  • Hors du feu, ajouter les œufs un à un, en mélangeant énergiquement jusqu’à l’obtention d’une pâte épaisse et molle.
  • Sur une plaque à pâtisserie chemisée de papier sulfurisé, faire des petites boules de pâte de la taille d’une noix avec espacement de 2 cm entre chaque chou (ça gonfle!) soit avec une poche à douille pour les perfectionnistes bien équipé(e)s, soit à l’aide de deux cuillères à café pour ceux ou celles qui sont habiles des mains (ou paresseuse comme moi). Compter 20 à 25 petits choux par plaque.

  • Parsemer de perles de sucre (ou de pépites de chocolat au choix ou les deux) à la main pour mieux maîtriser la quantité. Beaucoup de sucre ou de pépites de chocolat vont rouler sur la plaque. L’astuce consiste à prendre la plaque et la faire tourner en rond pour agglomérer le reste de perles de sucre ou de pépites de chocolat autour des choux.
  • Enfourner à mi-hauteur à 200°C pendant 25 minutes (attention, tout dépend de votre four!). Les chouquettes doivent être bien gonflées. Prolonger la cuisson de 5 minutes si nécessaire. N.B. Ne pas ouvrir le four pendant la cuisson des chouquettes, cela les ramollirait.

5 g par chouquette, une tonne de plaisir… Pour les amoureux du chocolat et de la cannelle, voilà une variante de chouquettes qui plaît aux petits comme aux grands ! À la sortie de chaque fournée, les chouquettes disparaissent en un clin d’œil… 

Flan vietnamien au lait de coco (Bánh Gan)

 Voici un des desserts qui a marqué mon enfance : le Bánh Gan, flan vietnamien au lait de coco (littéralement Bánh = gâteau et Gan = foie). Un nom bien étrange et peu appétissant pour un flan, n’est-ce pas? Ils sont fous ces Vietnamiens ! Cela s’explique simplement par l’aspect (et parfois la texture) du flan qui se rapproche beaucoup du foie… Nous avons encore d’autres noms étranges pour des desserts…en réserve.

Il est difficile de connaître l’origine de ce dessert qui n’est pas exclusivement originaire du Vietnam. En effet, ce flan au lait de coco, décliné en plusieurs variantes, existe dans toute l’Asie du Sud-Est, notamment au Cambodge, au Laos et en Thaïlande. Les ingrédients changent subtilement d’un pays à l’autre, mais l’essentiel reste les œufs et le lait de coco, ainsi que son aspect « flan ». J’aime en particulier déguster ce flan avec du riz gluant à la vapeur comme au Laos ou au Cambodge. Avec la présence des Français durant un siècle au Vietnam (ex-Indochine qui regroupait également le Cambodge et le Laos), y aurait-il eu une influence culinaire et un détournement de la crème renversée ou flan français ? C’est tout à fait possible. Le lait de vache fut alors remplacé par le lait de coco, et les œufs de poule par des œufs de cane, le sucre blanc par le sucre local (sucre de palme, sucre brun,…).

Au Vietnam, il y a deux façons de cuire ce flan au lait de coco (Bánh Gan nướng): au four comme un gâteau ou au bain-marie. La cuisson change complètement la texture. Dans certaines recettes vietnamiennes, on ajoute en plus de la farine de riz pour rendre le flan plus compact et « farineux », de la poudre de cacao pour rendre le flan plus foncé comme le foie ( ! ) mais aussi pour le goût corsé du cacao, de la poudre des cinq-épices ou de la badiane (étoile d’anis) pour parfumer et masquer le goût très fort des œufs de cane (car à l’origine au Vietnam, on faisait ce flan avec des œufs de cane qui ont un goût très prononcé). En Thaïlande, on ajoute aussi du lait et parfois du lait concentré en même temps que le lait de coco et de l’extrait de feuilles de pandanus. Au Cambodge et au Laos, pas d’épices, la recette du flan reste simple et se concentre essentiellement sur les œufs et le lait de coco, parfois on ajoute aussi de l’extrait de feuilles de pandanus.

Dans mon enfance, j’ai le souvenir du meilleur Bánh Gan fait à la maison ! Bien sûr, mes souvenirs affectifs me détournement complètement de l’objectivité. Cependant, jamais je n’ai trouvé d’équivalent… Finalement peu importe que cela soit le meilleur ou pas, le fait d’avoir aidé à réaliser ces délicieux flans lorsque j’étais petite en « touillant » les œufs dans le chinois avec un fouet, humant le parfum subtil des étoiles d’anis, et ayant écouté avec joie les leçons de cuisine,  « mon » Bánh Gan me semble d’un coup meilleur !

Voici donc la recette du Bánh Gan, flan vietnamien au lait de coco, tel que je le fais.

Pour un moule à manquer de 26 cm de diamètre.

Ingrédients :

  • 6 œufs de cane (ou 7 ou 8 gros œufs de poule)
  • 200 à 220 g de sucre brun de canne (ou éventuellement, sucre cassonade)
  • 400 ml de lait de coco
  • 2 ou 3 anis étoilés (badiane)
  • 1/3 cuillère à café de bicarbonate de sodium
  • Facultatif – pour la couleur : 1/2 cuillère à café de cacao en poudre non sucré
  • Un peu d’huile neutre (tournesol ou arachide) pour le moule.

Banh Gan Nuoc Côt Dua Canh Hôi La Kitchenette de Miss Tâm

Préparation :

  • Préchauffer le four à 200°C avec la plaque de cuisson remplie d’eau au 2/3 de sa hauteur. Mettre à chauffer le moule à manquer ou n’importe un moule à cake (par exemple) vide au bain-marie. Le but de l’opération est d’avoir le niveau d’eau à la moitié de la hauteur du moule : le flan aura ainsi une jolie double texture, une moitié au bain-marie et une moitié cuite au four.
  • Dans une casserole, sur feu moyen, faire fondre le sucre (sans faire bouillir) dans le lait de coco. Ajouter les étoiles d’anis (si vous souhaitez en mettre – mais attention, le goût en sera complètement modifié, il faut aimer le goût un peu anisé des badianes) et facultativement, ajouter 1/2 cuillère à café de cacao en poudre non sucré pour la couleur selon envie. Réserver et laisser tiédir. Puis enlever les étoiles d’anis.
  • Casser les œufs dans un grand bol et surtout ne pas battre les œufs. Les mélanger doucement.
  • Dans la casserole contenant le lait de coco tiédi, passer au chinois (= passoire à maillage très fin pour filtrer les liquides), les œufs entiers et filtrer à l’aide d’un fouet. On passe le fouet dans le chinois, on « touille » en écrasant les œufs, et pour récupérer les œufs filtrés, on racle sous la passoire avec le fouet pour faciliter l’écoulement des oeufs à travers le maillage. Mélanger.

Banh Gan trung La Kitchenette de Miss Tâm

  •  Ajouter le bicarbonate de sodium. Bien mélanger.
  • À l’aide d’une serviette en papier, huiler le moule bien chaud sorti du four. Verser immédiatement l’appareil du flan dans le moule chaud, puis mettre au four, au bain-marie, sur la plaque de cuisson remplie d’eau chaude. Baisser le thermostat à 6 (180°C) puis cuire pendant une heure.
  • Après cuisson, sortir le flan du four quand la surface du flan est bien dorée. Laisser refroidir et garder au réfrigérateur une nuit avant dégustation, cela sera meilleur !

À déguster tel quel comme un flan, ou comme au Laos / Cambodge, en fines portions sur du riz gluant à la vapeur arrosé de lait de coco, c’est absolument délicieux, rafraîchissant, avec un parfum subtil d’étoile d’anis !

Brochettes de crevettes grillées à la canne à sucre : Chạo Tôm

Après le Sud et le Nord du Vietnam, voici un mets exquis et raffiné, originaire de Huê de la région du Centre (ancienne capitale de la cité impériale et un des hauts lieux de la gastronomie vietnamienne) : le Chạo Tôm. C’est une délicieuse pâte de crevettes grillée et cuite autour des bâtonnets de canne à sucre qui se déguste avec des herbes aromatiques fraîches, de la salade, des vermicelles ultra fines Bánh hỏi et des galettes de riz.

À l’origine, le Chạo Tôm était servi en entrée parmi la multitude de plats lors de fêtes ou de cérémonies. À présent, il s’est démocratisé et entre dans la catégorie des plats fréquemment consommés. La préparation étant un peu longue, ce mets est rarement présent au quotidien, mais fait la joie des tables en entrée ou en plat pour une occasion spéciale, lors d’un grand repas entre amis ou en famille, lors d’un repas de fête, ou simplement au restaurant.

Les Vietnamiens en raffolent et c’est un des mets favoris que mon père commande souvent quand il va dans un restaurant vietnamien. Ce plat est absolument mythique pour moi. Petite, j’étais complètement fascinée par la jolie pâte rose de crevettes bombée, grillée, luisante, si savoureuse enrobant les délicieuses cannes à sucre que l’on mâchait pour en extraire le jus, après avoir dépiauté la pâte de crevettes. Ensuite on enroulait la pâte de crevettes avec des vermicelles ultra fines, de la salade, des herbes aromatiques et une galette de riz pour les courageux. On trempait ce rouleau « maison » contenant des trésors de parfums et de saveurs dans une sauce sublime et magique, le tương à base de pâte de soja fermentée, de cacahuètes et de riz gluant. Parfois, on nous servait simplement une sauce de poisson préparée, le nước mắm pha (ou nước chấm – terme du Nord). C’était tout un rituel, long, joyeux, festif : manger avec les doigts, sentir les aliments, confectionner son petit rouleau, savourer lentement à son rythme (mais pas trop lentement sous peine d’en avoir moins que les autres!)… Quel merveilleux souvenir d’enfant ! Aujourd’hui, quand je déguste ce mets, la même joie me parcourt.

Savez-vous que dans la cuisine vietnamienne, il est très fréquent et usuel d’associer le porc (viande, abats ou gras) avec d’autres viandes comme le boeuf (la soupe Bún Huế), plus souvent les crevettes ou gambas (rouleaux de printemps Gỏi cuốn, salade de papaye verte au porc et aux crevettes gỏi đu đủ tôm thịt) ? Non seulement pour enrichir les saveurs (aussi étrange que cela puisse paraître pour un Occidental), mais encore pour affiner la texture. La cuisine vietnamienne étant très peu grasse (très peu de fritures par exemple), l’ajout de gras de porc ou de barde, remplace simplement le beurre ou l’huile qu’on utilise ici et n’est pas riche ou gras en excès. Ainsi pour le Chạo Tôm, la vraie recette comporte des petits dés de gras de porc à incorporer dans la pâte de crevettes (1/5 du poids des crevettes) ou encore du gras de porc (1/10 du poids des crevettes) pour que la pâte de crevettes ne sèche pas à la cuisson au grill ou au charbon. Certaines personnes mélangent aussi de la viande de porc hachée (de l’échine – viande moelleuse et grasse du porc), en plus du gras, dans la pâte de crevettes. Sincèrement, cela n’ajoute rien, c’est plus gras et je préfère le goût des crevettes seules comme dans la version originale sans viande de porc haché.

Pour ce mets, il existe une autre particularité, le choix des sauces parmi la multitude qui existe. Il faut veiller à ne pas faire de faute de goût, les Vietnamiens sont tatillons sur ce point, mon père en particulier. Chaque famille selon sa région d’origine (Nord, Sud, Centre) défend son choix, sa recette (ou secret de recette!). Ainsi il n’est pas rare que pour un plat, il existe une ou deux sortes de sauce. Vous le constaterez sur le net avec les nombreuses recettes vietnamiennes qui diffèrent d’une personne à l’autre, d’un continent à l’autre, même si on est Vietnamien. Quel dilemme, quel choix pour la sauce alors ? Pour ma part, c’est selon le goût de chacun. On peut être du Sud et préférer la sauce de poisson préparée, ou être du Nord et apprécier la sauce à base de soja fermentée (Hoisin), de soupe de riz gluant, de cacahuètes broyées, du piment. Et il y a la version traditionnelle avec du foie de porc mixée dans la sauce, du soja jaune (đậu tương ou đậu nành) broyé, de la soupe de riz gluant, des cacahuètes, du sucre et du piment…

Le chạo tôm est une recette un peu longue mais assez simple à réaliser.  Il faut surtout une bonne organisation et préparation pour optimiser le temps de réalisation.

Voici la recette du chạo tôm tel que je le prépare.

Pour 4 personnes – une douzaine de brochettes. Préparation : 1h30 à 2h. Cuisson : 10 minutes à la vapeur + 3 minutes au four sous grill de chaque côté (cela dépend du four – bien surveiller la cuisson!).

Ingrédients :

Pâte de crevettes :

  • 600 g de crevettes crues décortiquées
  • 3 grandes cannes à sucre de 15 cm en conserve (cf. photo) coupées en quatre dans le sens de la longueur
  • 6 oignons verts (connu aussi sous l’appellation de ciboule ou cive) – seulement la partie blanche finement ciselée
  • 3 gousses d’ail haché
  • 1 blanc d’œuf (facultatif)
  • 60 g de gras tendre de porc (ça permet de rendre la pâte moelleuse et goûteuse)
  • 1 cuillère à soupe de sauce de poisson en saumure : nuoc mam (j’utilise la marque Phu Quôc)
  • 1 cuillère à soupe d’huile neutre (de tournesol par exemple)
  • 1 cuillère à café de sucre
  • 1 cuillère à café de poivre blanc en poudre
  • 1 cuillère à soupe de farine Maïzena
  • 1/3 cuillère à café de sel

Sauce :

  • 3 cuillères à soupe de sauce Hoisin (en bouteille ou en boîte de conserve, dans le rayon des sauces de soja, dans les magasins d’alimentation asiatique).
  • 3 cuillères à soupe de potage de riz gluant filtré à la passoire à mailles fines (au « chinois »)
  • 2 cuillères à soupe de cacahuètes grillées broyées + 1 peu de cacahuètes grossièrement pilées pour mettre sur les sauces.
  • 1 cuillère à soupe de vinaigre de riz
  • 7 à 8 cuillères à soupe d’eau chaude
  • Selon goût : piment frais épépiné, haché.

Accompagnement et service :

  • Feuilles de batavia ou laitue
  • Herbes aromatiques : Menthe, Périlla (rau tía tô), Polygonum (rau răm ou encore « menthe vietnamienne »), éventuellement de la coriandre. (à part la menthe et la coriandre fraîche, la périlla (de la même famille que le shiso japonais) ou le rau ram (dite menthe vietnamienne) se trouvent au rayon frais dans les supermarchés asiatiques à Paris (et peut-être dans les autres grandes villes de France).
  • Concombre
  • 400 g de vermicelle fine de riz (bún) cuite selon les indications du paquet (les Bánh hỏi (galettes de vermicelles ultra fines à la vapeur) étant longs à réaliser, j’ai pris l’option des vermicelles de riz simples).
  • Une trentaine de petites galettes de riz de 18 cm de diamètre

Matériel indispensable :

  • Grande marmite à vapeur

Préparation :

La sauce :

  • Laver plusieurs fois l’équivalent de 3 cuillères à soupe de riz gluant et le faire tremper dans beaucoup d’eau. Laisser reposer au minimum 4h. Puis rincer.
  • Dans une toute petite casserole, mettre le riz gluant dans 4 à 5 fois son volume en eau. Faire bouillir, puis cuire à petits bouillons pendant environ 20 minutes en remuant de temps en temps pour que cela n’attache pas au fond de la casserole, jusqu’à obtenir une sorte de potage de riz. Laisser tiédir, réserver. (Il en restera après utilisation, mais c’est difficile d’en cuire moins pour avoir la bonne texture). Filtrer au chinois.
  • Mixer les cacahuètes et réserver un peu de cacahuètes pilées pour mettre sur la sauce. Dans un grand bol, mélanger la sauce hoisin, le potage de riz gluant, l’eau chaude, les cacahuètes mixées, l’eau chaude, le vinaigre de riz et le piment ciselé (ou sans piment selon goût). La sauce doit avoir une consistance épaisse. Goûter, rectifier si nécessaire avec un peu de hoisin ou de potage de riz ou d’eau. Conserver bien couvert au réfrigérateur. Réserver quelques cacahuètes pilées pour le lendemain, à parsemer sur la sauce.

Préparation des brochettes :

  • Décortiquer et déveiner les crevettes en incisant légèrement le long du dos des crevettes. À l’aide de la pointe du couteau, enlever le fil noir. (opération longue – environ 40 minutes pour obtenir 600 g de crevettes décortiquées).
  • Peler les gousses d’ail, laver et hacher les oignons verts. Sortir 3 bâtons de cannes à sucre de leur boîte et égoutter. Réserver.
  • Traditionnellement, on pile les crevettes crues au mortier pour conserver leur élasticité. La préparation étant déjà très longue, il m’arrive d’utiliser aussi le robot mixeur. Hacher finement les crevettes et le gras de porc coupé en petits dés, avec l’ail, les oignons verts (partie blanche), la sauce de poisson en saumure nuoc mam pur, le sel, le poivre blanc, le blanc d’œuf (facultatif) et la farine Maïzena. Une fois haché, ajouter en dernier l’huile. Mixer rapidement. Sortir la pâte et la réserver dans un récipient. Mettre au frais 30 minutes. Ne soyez pas surpris par la couleur bleu gris de la pâte, c’est la couleur des crevettes crues Black Tiger qui rosissent naturellement à la cuisson.
  • Pendant le temps de repos, faire bouillir l’eau de la marmite à vapeur. Couper et partager chaque bâton de canne à sucre en 4 dans le sens de la longueur. Ce qui vous donnera 12 bâtons fins de 1,5 cm d’épaisseur environ, et de 12 à 15 cm de long.
  • Laver la salade, les herbes aromatiques, trancher le concombre en lamelles ou en bâtonnets. Essorer et dresser sur le plat de service.
  • Faire cuire les vermicelles fins de riz pour bún (le même calibre que pour les bò bún, bœuf sauté aux vermicelles de riz) selon les indications du paquet. Rincer à l’eau froide pour éviter que les vermicelles collent. Bien égoutter et dresser sur le plat de service avec la salade, les herbes et les tranches de concombre.
  • Sortir la pâte de crevettes. Préparer un peu d’huile dans un bol. À d’une cuillère à soupe, prélever une grosse cuillère bombée de pâte et la déposer dans la main préalablement huilée. Former une boule, puis l’aplatir pour former un disque épais. Déposer le bâton de canne à sucre au centre de la pâte. Refermer le disque de pâte sur lui-même autour du bâton de canne à sucre. Reformer joliment la brochette (cf. photo), puis passer à la suivante, jusqu’au bout.
  • L’eau de la marmite à vapeur bout. Huiler les étages de cuisson de la marmite, déposer les brochettes de crevettes à la canne à sucre en espaçant un peu entre chaque brochette (la pâte gonflera un peu). Au bout de 10 minutes, sortir les brochettes. À ce stade, vous pouvez soit conserver les brochettes au frais avant de les passer au grill avant de manger, OU les passer immédiatement au grill pour servir aussitôt. Les brochettes cuites à la vapeur se conservent environ 2 jours au réfrigérateur.
  • Sans plaquettes en plastique (dans les magasins chinois) pour séparer les galettes de riz il est quasi impossible de pré-tremper les galettes de riz sans que cela colle entre elles. Il faut donc mettre à disposition un grand récipient d’eau chaude à table pour tremper directement les galettes de riz avant de faire les rouleaux.
  • Préchauffer le four sur grill. Sur une plaque de cuisson, graisser la plaque puis déposer les brochettes de crevettes. À l’aide d’un pinceau, huiler la surface de la pâte de crevettes avant d’enfourner à mi-hauteur et de faire dorer environ 3 minutes de chaque côté suivant la puissance de votre four. À surveiller la cuisson, les sortir quand les brochettes de crevettes sont dorés. Les présenter sur le plat avec les herbes et salade. Servir aussitôt.

À table, comment faire ses rouleaux ?

  • Tremper quelques secondes une galette de riz dans l’eau chaude en faisant tourner pour l’imbiber d’eau et la ramollir. Dès que la galette est souple, la déposer dans son assiette à plat.
  • Déposer une petite portion de feuille de salade sur la galette au 1/3 de la surface, puis une portion de vermicelle de riz sur la feuille de salade, puis une portion de pâte de crevettes détachée du bâton de canne à sucre, puis parsemer de quelques feuilles d’herbes aromatiques.
  • Rouler comme un rouleau de printemps : rabattre le bas de la galette sur la farce, plier les deux côtés sur la farce, rouler jusqu’à fermeture du rouleau en direction opposée à soi. C’est prêt…à être trempé dans la bonne sauce !

Et là, vous avez AMPLEMENT mérité votre rouleau !!! Bravo ! Bonne dégustation !

Vietnam : Boeuf Luc Lac (Bò lúc lắc)

Le boeuf Luc Lac (en vietnamien : Bò lúc lắc) est un plat vraiment intéressant aussi bien pour son histoire, sa source et son évolution que sur le plan gustatif. Ce plat a pris naissance au Vietnam, ayant subi des influences culinaires française et chinoise, qui lui-même s’est fait adopter par la cuisine d’un pays voisin en devenant par la suite un plat populaire du Cambodge. N’est-ce pas un beau voyage culinaire ?

Après un siècle de présence française, certains plats vietnamiens ont bénéficié de l’influence française, notamment dans l’introduction de la viande de bœuf, de l’usage du pain et de la baguette (comme le fameux sandwich banh mi de Saigon), de la présence du pâté de foie (de porc ou de volailles), de la mayonnaise, du rôti de porc, du bœuf aux carottes (bo kho) accompagné aussi bien de pain que de riz selon goût, et même d’un dessert vietnamien connu, le flan au caramel ou le flan (banh gan) à base de lait de coco en remplacement du lait de vache.

Le bœuf Luc Lac (Bò lúc lắc) fait ainsi partie de cette influence culinaire française. Le steak est alors coupé en cubes pour faciliter la saisie avec les baguettes (on ne met jamais de couteaux à la table des Vietnamiens); on ne met pas d’herbes aromatiques mais on remplace par la salade verte ou le cresson avec des tomates, comme pour les salades « à la française »; le riz n’est plus blanc nature mais « rouge » sauté à la tomate et aux oignons, et on trouve même des recettes vietnamiennes de bœuf Luc Lac avec une variante frites (les pommes de terre représentant le summum de l’aliment français pour les Vietnamiens).

L’autre influence culinaire étrangère est chinoise dans sa marinade, coeur des saveurs du plat. Si plusieurs versions existent avec parfois l’ajout des cinq-épices, de piment, d’huile de sésame, voire de sauce tomate / de Ketchup (!) ou rien de tout cela, les trois ingrédients constants de la marinade du bœuf Luc Lac sont : la sauce d’huître, la sauce de soja et/ou la sauce de poisson nuoc mam pur (et pas toujours ces ingrédients en même temps). La sauce d’huître et la sauce de soja sont des condiments typiquement chinois, tandis que la sauce de poisson nuoc mam est typiquement vietnamienne. Il est vrai qu’avec mille ans de domination chinoise jusqu’au Xème siècle au Vietnam, il est difficile de ne pas intégrer l’influence culinaire chinoise dans la cuisine vietnamienne.

Ensuite, ce plat a alors migré vers le Cambodge, pays voisin du Vietnam, sans doute apporté par la communauté vietnamienne présente là-bas. Le boeuf Luc Lac (littéralement du vietnamien Bò = boeuf et lúc lắc = remuer, secouer) s’est transformé phonétiquement en Lôc Lac, Loc Lac ou Lok Lak et devient un des mets populaires cambodgiens. Ironie du sort, il devient même plus populaire que la version d’origine du Vietnam ! La recette cambodgienne présente quelques petites différences sans en changer la nature du plat : ajout de fécule de pomme de terre ou de maïzena dans la cuisson de la viande, ajout de paprika, d’autres épices, de sauce tomate, d’huile de sésame et de l’usage plus constant de la sauce de poisson en saumure dans la marinade sans pour autant renoncer à la sauce de soja chinoise. Le riz est plutôt consommé blanc nature que sauté à la tomate. Pas de variantes avec pommes de terre. Pas d’oignon mariné au vinaigre non plus.

Voici donc une des variantes possibles de la recette du boeuf Luc Lac vietnamien, la version familiale telle que je propose ci-après.

Pour 4 personnes. Préparation : 25 minutes + 30 minutes de marinade. Cuisson : 20 mn pour le riz + 2 minutes pour le boeuf.

Ingrédients :

  • 600 g de boeuf tendre (faux-filet, filet, rumsteak ou poire de boeuf)
  • 2 oignons jaunes ciselés grossièrement
  • 1 cuillères à soupe de sauce d’huître (que l’on trouve dans les épiceries asiatiques)
  • Huile végétale neutre (type tournesol ou arachide)
  • 1 à 2 oignons rouges finement émincées
  • 1 botte de cresson ou 1 salade batavia / laitue
  • 2 tomates en quartiers ou en rondelles
  • 300 g de riz blanc Thaï long et parfumé
  • 2 cuillères bombées de concentré de tomate
  • 1 cuillère à soupe de sauce de poisson en saumure Nuoc mam pur
  • poivre noir du moulin

Marinade du bœuf :

  • 2 gousses d’ail haché
  • 1 cuillère à soupe de sauce de soja
  • 1 cuillère à soupe de nuoc mam pur
  • 1 cuillère à soupe d’huile
  • 2 cuillères à café rases de sucre en poudre
  • Poivre noir du moulin

Marinade de l’oignon rouge:

  • 2 cuillères à soupe de vinaigre blanc de riz
  • 1 cuillère à soupe de sucre blanc en poudre

Sauce d’accompagnement pour le boeuf :

  • 2 citrons verts
  • Poivre blanc en poudre
  • Sel

Préparation :

Marinade du bœuf :

  • Couper le bœuf en cubes d’environ 2 cm si possible.
  • Dans un récipient, verser la sauce de soja, la sauce nuoc mam pur, le sucre, le poivre noir (selon goût), l’ail haché. Bien mélanger.
  • Faire mariner les cubes de bœuf et laisser reposer entre 30 minutes et 1 heure.

Oignon rouge :

  • Peler et émincer finement les oignons rouges.
  • Dans un bol, mettre les oignons émincés puis ajouter 1 cuillère de sucre en poudre + 2 cuillères de vinaigre blanc de riz (si vous n’en avez pas, du vinaigre blanc fera l’affaire).
  • Mélanger et laisser reposer.

Garniture :

  • Rincer trois fois à grande eau le riz blanc parfumé avant cuisson. Cuire le riz selon indication du paquet.
  • Peler et couper en dés les oignons jaunes. Réserver.
  • Laver la batavia, la laitue ou le cresson, égoutter, essorer et réserver. Laver les tomates et couper en quartiers.
  • Une fois que le riz est cuit : Dans une poêle chaude avec 2 cuillères à soupe d’huile, faire revenir 1 oignon jaune en dés jusqu’à ce qu’il soit tendre et transparent. Ajouter le riz et faire revenir sur feu moyen vif. Diluer le concentré de tomate avec un peu d’eau et verser sur le riz. Mélanger et poursuivre la cuisson pendant 5 minutes. Ajouter la sauce de poisson (nuoc mam pur). Faire revenir encore 5 minutes. Ajouter un peu de poivre  du moulin. Rectifier selon goût. Réserver.
  • Presser les citrons verts. Verser le jus en ajoutant 1/3 de cuillère à café de poivre blanc en poudre dans chaque petite coupelle. Cette sauce servira à tremper les morceaux de viande avant de les déguster.
  • Avant de cuire le bœuf, dresser les assiettes : Mettre quelques feuilles de salades ou une bonne poignée de cresson, quelques quartiers de tomates, un peu de riz rouge (pour avoir une jolie forme de riz dans l’assiette, tasser du riz dans un bol et renverser sur l’assiette).
  • Sur feu vif dans un wok ou une poêle très chaude avec deux cuillères à soupe d’huile, faire revenir rapidement les dés d’oignon, puis saisir les cubes de bœuf avec sa marinade en les secouant ou en remuant sans cesse jusqu’à ce qu’ils soient un peu dorés, puis ajouter 1 cuillère à soupe de sauce d’huître, remuer. Compter environ 3 à 4 minutes de cuisson pour la viande selon l’épaisseur des morceaux de viande et de la puissance du feu.
  • Verser la viande chaude avec un peu de sa sauce de cuisson, sur le lit de cresson ou les feuilles de salade, parsemer de lamelles d’oignon rouge aigre-doux et servir avec la sauce de citron vert poivré dans une coupelle pour tremper les morceaux de viande.

Ah quel délice ! Voilà un plat savoureux et facile à réaliser, coloré et rapide à manger ! J’espère qu’il vous plaira !

Très bonne semaine à toutes et à tous !